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Gare au partage verbal : la fausse bonne idée ! Par Catherine Dumont, Avocat.
Parution : mercredi 28 septembre 2016
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Le partage verbal, c’est simple, c’est pas cher et cela peut rapporter beaucoup d’ennuis.

Nombreux sont les couples qui divorcent avec pour patrimoine un seul bien immobilier, l’ancien domicile familial.

Désireux de divorcer par consentement mutuel (pour des raisons de coût, de durée, de préservation du couple parental…), je leur conseille de procéder préalablement au divorce à la vente de ce bien immobilier, lorsqu’aucun des époux n’est en mesure de racheter la part de l’autre.
Ainsi, il sera possible de faire le partage du patrimoine transformé en liquidités et de procéder au divorce par consentement mutuel.

C’est alors que je rappelle à mes clients qu’ils devront acquitter le droit de partage au Trésor Public de 2,5 % sur l’actif net à partager (art 786 du Code général des impôts).

Si l’actif à partager est constitué uniquement d’un bien immobilier avec un emprunt, l’actif net à partager est le prix net vendeur, duquel on déduit le solde du ou des emprunt(s) ayant servi à financer le bien.

« Mais, non Maître ! J’en suis certain (e). Je l’ai lu sur internet (ou variante n°2 : sur le site d’un Avocat), je n’ai pas à payer le droit de partage, il suffit de faire un partage verbal. »

Et là je passe pour la rabat-joie de service !

Car le partage verbal, c’est tellement simple à expliquer :

Au moment de la demande de divorce, la convention de divorce qui mentionne et régit les conséquences du divorce ne portera pas la mention de la vente intervenue avant le dépôt de ladite convention, ni son partage et son prix.

Et le résultat si facile à comprendre :

Partage verbal = 0 euros de droit de partage.

Mais la réalité comme toujours est plus complexe, le partage verbal implique de ne faire aucune mention du partage dans la convention de divorce. Le but est manifeste : éluder le droit de partage. Mais alors se pose la question de l’abus de droit fiscal.

Dès lors, en cas de contrôle fiscal, le défaut de déclaration concernant les biens à partager dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel pourrait être considéré comme une volonté de dissimulation constitutive de manœuvres frauduleuses, et pourrait entrainer une majoration des droits de partage pouvant aller jusqu’à 80%, à laquelle pourrait éventuellement être ajoutés les intérêts de retard qui sont de 0,40% par mois.

Pour information, il y a au sein des grands tribunaux comme Paris, une cellule d’enregistrement des jugements de divorce par le service des impôts. Autant vous dire qu’en cette période de recherche du moindre euro par le Trésor public, les jugements de divorce sont passés au crible.

En outre, ne faire aucune mention du patrimoine à partager, cela implique également de ne pas faire de mention du paiement d’une prestation compensatoire.
En effet, en cas de prestation compensatoire, les époux doivent joindre une déclaration sur l’honneur concernant la consistance de leur patrimoine commun ou indivis et de leurs patrimoines propres, pour permettre le contrôle du juge aux affaires familiales, concernant le montant de ladite prestation compensatoire.

Or, une déclaration sur l’honneur impliquerait pour les époux de révéler la valeur de leurs comptes bancaires et donc le montant du prix net de cession qui a été partagé.
Dès lors, le souhait de recourir au partage verbal implique également de dissimuler le paiement d’une prestation compensatoire.

« Mais, Maître, j’ai parfaitement confiance en mon époux (se), je suis certain (e) qu’il/elle me paiera la prestation compensatoire. »

Mais là, un deuxième risque fiscal se fait jour.

Tout d’abord, l’époux qui devra payer la prestation compensatoire ne pourra pas bénéficier de la réduction d’impôt qui est de 25 % du montant du versement effectué au titre de la prestation compensatoire dans les 12 mois du divorce, retenu dans la limite de 30.500 euros, soit une réduction d’impôt maximale de 7.625 euros.

En cas de redressement, le bénéficiaire de la prestation compensatoire ne pourra pas bénéficier du caractère non imposable à l’impôt sur le revenu de la prestation compensatoire payée dans les 12 mois du jugement de divorce.

De plus, l’administration fiscale pourrait requalifier ce versement en faveur de l’époux bénéficiaire de la prestation compensatoire de donation déguisée et procéder à la taxation d’une donation entre vifs ans sans lien de parenté.
En effet, la donation ayant lieu après le divorce, les ex-époux ne peuvent plus bénéficier des abattements prévus entre époux.

En outre, c’est le bénéficiaire de la donation qui doit en principe acquitter les droits. Cela peut donc coûter cher au bénéficiaire de la prestation compensatoire.

« Maître, finalement après réflexion, nous préférons mentionner le patrimoine à partager et la prestation compensatoire dans la convention de divorce et acquitter le droit de partage. »

Catherine DUMONT Avocat du Cabinet AUTREMENT AVOCATS www.autrement-avocats.fr
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