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Futur du juridique : LegalTech ou Uberisation ?
Parution : jeudi 13 octobre 2016
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Le secteur du droit connait de grands bouleversements depuis plusieurs années. De nouvelles start-ups débarquent avec l’objectif de simplifier les démarches pour les professionnels et les particuliers, présentant ces nouveaux services qui utilisent la technologie comme une opportunité à saisir pour tous les acteurs du juridique.
Pourtant...

Pourtant, certains d’entre eux se montrent méfiants à l’égard de ce phénomène d’automatisation qu’ils voient plus comme une ubérisation du droit que comme l’avènement d’un nouveau mode de fonctionnement.

Ce que cache l’automatisation juridique.

Les entreprises qui se consacrent à la dématérialisation d’un service juridique font partie de la LegalTech. À l’image des Fintech, elles misent tout sur une nouvelle façon de « consommer » le droit, en utilisant l’automatisation juridique. De manière générale, elles agissent sur des services habituellement assurés physiquement par des professionnels et dématérialisent le processus ou la procédure en utilisant de nouvelles technologies.

Si à l’origine ces LegalTech se concentraient uniquement sur des tâches basiques, elles permettent aujourd’hui à chacun d’accéder à des services plus pointus, comme la génération d’un contrat sur mesure, la gestion d’une procédure de contentieux, la signature digitale ou encore le dépôt administratif.

C’est aux États-Unis qu’est né le phénomène des LegalTech. En Europe, ces jeunes pousses très prometteuses, parfois vraiment innovantes, ont également le vent en poupe. La raison, la complexité du droit français, qui ne demande, d’après elles, qu’à être simplifié.

L’ubérisation en question

Bien que les start-ups de la LegalTech se soient attaquées à des niches juridiques, tout porte à croire que leur ambition les mènera plus loin. Elles se défendent en expliquant que les professionnels ont tardé à développer leur présence en ligne et assurent qu’elles n’ont pas pour but de les remplacer définitivement.

De grands acteurs de la LegalTech tentent de justifier le phénomène en présentant les avantages de la technologie, à l’image du témoignage d’Alexis Beaumont de Jurifiable : « Ubérisation ? Ce terme que l’on emploie (trop), souvent quelle signification lui donner ? Le génie d’Uber a été de se servir d’une technologie nouvelle, à savoir la géolocalisation, pour faciliter la mise en relation entre un client et un prestataire (ici le chauffeur). Les conséquences directes pour l’utilisateur sont une expérience améliorée (temps d’attente ultra réduit et carte de paiement pré enregistré).

Cette expérience améliorée a contribué à l’augmentation du volume d’utilisation du service, l’augmentation du volume a mécaniquement permis une réduction des tarifs. Sachant cela l’ubérisation vous la définissez comment ? Certains n’y voient que la résultante à savoir des coûts réduits et une industrie (poussiéreuse) qui paye le prix d’une technologie nouvelle sur laquelle elle n’a pas su s’appuyer pour évoluer.

De “l’ubérisation” découle un dernier aspect et non des moindres à savoir le changement de comportement et d’habitudes. En effet, se déplacer avec un chauffeur étant devenu plus facile/plus abordable grâce à Uber, nos habitudes peuvent être amenées à évoluer (abandon de la voiture, fréquentation des transports en commun réduite par exemple). Finalement le marché grossit et des clients nouveaux qui ne prenaient pas de taxis apparaissent.

Forts de ce constat à la question Futur du juridique : LegalTech ou Ubérisation, il convient de répondre LegalTech puisqu’à aujourd’hui aucun parallèle ne peut être fait entre Uber qui s’appuie sur une technologie pour faire évoluer une industrie et les services juridiques...

Il y a fort à parier que les LegalTech ont beaucoup à gagner si elles répondent à leur mission : simplifier le juridique. Si aujourd’hui aller voir un avocat ou lancer une procédure judiciaire peut faire peur du fait notamment des prix, il existe de nombreuses actions qui pourraient être simplifiées, rendues moins chères et du coup plus accessibles. Il convient donc aux LegalTech de comprendre quelles sont les actions juridiques qui ne sont pas menées aujourd’hui, mais qui si elles étaient moins chères et plus simplifiées seraient employées par des internautes. Le challenge pour les LegalTech : aller capter un public qui se détourne des actions juridiques en simplifiant les process, les rendant plus compréhensibles et plus abordables. »

Les inquiétudes des professionnels

Si une majorité de professionnels du secteur n’est pas contre une démocratisation du droit, plusieurs voix s’élèvent déjà pour dénoncer les limites des LegalTech. Elles n’hésitent pas à remettre en question leur fiabilité, arguant que ces services proposés en ligne, parfois à prix cassés, ne peuvent avoir la même valeur que lorsqu’il est géré par un spécialiste en contact physique avec ces clients.

Ils pointent aussi du doigt les risques qui existent à travailler avec les nouvelles technologies : fuites des informations, menaces qu’elles tombent entre de mauvaises mains. Ils assurent que ces services ne permettent pas encore de remplacer ce qui fait la valeur ajoutée d’un professionnel.
Pourtant, nombre d’entre eux ont compris qu’il faudrait désormais composer avec ces innovations. Beaucoup ont accepté de revoir leur manière de communiquer, proposant eux aussi des services en ligne, comme la possibilité de rentrer en contact avec des clients via leur plateforme, ce qui leur assurerait de ne pas être évincé du marché du droit.

L’ubérisation du droit n’aura probablement pas lieu tout de suite. En attendant, toutes les parties ont des choses à tirer des LegalTech, c’est pourquoi l’intérêt de tous demeure. La cohabitation est encore possible !

NDLR : Notez à ce sujet l’organisation du 1er Village de la LegalTech en novembre 2016 à Paris.

-- Jonathan Lasbordes http://www.jurifiable.com/