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La représentation des copropriétaires aux assemblées générales. Par Victoire de Bary, Avocat.
Parution : mardi 18 octobre 2016
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Pour pallier l’absentéisme aux assemblées générales de copropriété, la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit, à son article 22, la possibilité pour les copropriétaires qui ne peuvent se rendre à l’assemblée, de donner mandat à toute personne de leur choix, excepté le syndic, son conjoint (ou partenaire pacsé) et ses préposés.

Cette possibilité de déléguer son droit de vote est d’ordre public et le règlement de copropriété ne peut donc l’interdire.
Ce droit n’en est pas pour autant soumis à aucune règle.

En premier lieu, du point de vue de la forme, le mandat doit être écrit : il n’y a pas de mandat tacite de représentation aux assemblées générales de copropriétaires.
Notamment il n’y a pas de mandat apparent ou tacite de propriété en cas de démembrement des droits de propriété entre nu-propriétaire et usufruitier, de sorte que le nu-propriétaire du lot ne peut représenter le titulaire du droit d’usage et d’habitation à l’assemblée générale sans disposer d’un mandat écrit.

Toutefois, le mandat tacite a été admis dans deux hypothèses dans lesquelles l’existence d’un tel mandat résulte de règles générales de droit civil :
- le mandat tacite d’un indivisaire qui peut établir qu’il a, en application de l’article 815-3 du Code civil : « pris en main la gestion des biens indivis au su des autres co-indivisaires et sans opposition de leur part » (Civ. 3ème, 11 octobre 2000, D. 2001, Somm. p 3580) ;
- le mandat général de l’époux pour gérer les biens communs des époux (Civ. 3ème, 11 mars 1998, D. 2000, Somm. p 136).

Bien entendu, hormis les deux exceptions précitées, le mandat étant nécessairement écrit, il devra être signé du mandant.
Il est préférable que le mandataire donne son acceptation écrite au mandat en signant celui-ci, mais – en vertu de l’article 1985 du Code civil – l’absence de signature du mandataire n’est pas une cause de nullité de celui-ci à moins qu’elle ne soit exigée par le règlement de copropriété.

En outre, le pouvoir reste valable même si le nom du copropriétaire est inscrit au crayon (CA Paris 19ème chambre B, 22 novembre 2001, n°1999/19178).
La mention « bon pour pouvoir » n’est pas indispensable (CA Paris 23ème chambre B, 27 mars 2003, n°2002/19119).
Enfin, il n’est pas nécessaire que le pouvoir détaille l’ordre du jour (CA Paris 23ème chambre A, 8 novembre 1995, n°94/22128).

En deuxième lieu, il existe des mandats particuliers.

Tout d’abord le mandat peut être impératif.
En effet, il n’est pas rare que le copropriétaire qui donne mandat, précise le sens de son vote sur chacune des questions inscrites à l’ordre du jour.
Dans ce cas le mandat devient impératif, et le mandataire doit voter dans le sens indiqué par le mandant car aux termes de l’article 1989 du Code civil, « le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat ».

Cependant, dans un arrêt du 8 septembre 2016 (n°15-20870), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « le caractère impératif du mandat est inopposable au syndicat des copropriétaires » et que « seul doit être pris en compte le vote exprimé par le mandataire ».
Ainsi, bien qu’ayant donné un mandat impératif contraire, le copropriétaire mandant pourra se retrouver à ne pas pouvoir contester une décision de l’assemblée que son mandataire aurait acceptée puisque seuls les copropriétaires opposants ou défaillent peuvent contester les résolutions adoptées.

De plus, et même si le mandataire ne respecte pas les instructions de son mandant, le syndic n’a pas le pouvoir de vérifier la concordance du vote du mandataire aux exigences du représenté.

La Cour de cassation précise bien « qu’un syndic n’a pas le pouvoir d’empêcher un mandataire d’émettre un vote contraire aux consignes exprimées dans un mandat ».

Seul le vote réalisé en fraude aux droits du copropriétaire représenté est à même d’avoir une répercussion sur la validité de l’assemblée générale (Civ. 3ème, 21 mai 2014, n° 13-15550).

Par ailleurs, dans certaines situations, le mandat peut être permanent. Le mandat est alors donné, en termes généraux, pour toutes les assemblées de la copropriété.
Cette situation se présente, par exemple, lorsque le copropriétaire qui loue son bien donne mandat à un administrateur de biens qui gère la location, de participer à toutes assemblées de la copropriété en son nom.
Un mandat permanent doit être considéré comme valable et n’a pas à être vérifié à chaque assemblée générale (CA Paris, 19ème Chambre B, 17 mai 2001, Administer n°344 p 44).

Cependant, l’original du mandat ne pourra pas être joint à la feuille de présence et il conviendra donc que la copie du mandat qui sera jointe soit certifiée conforme par le président de l’assemblée.

De plus, et si le même administrateur de biens gèrent plusieurs lots, une difficulté peut se poser eu égard à la limitation des mandats.

Enfin, relevons que la Cour de cassation considère que le mandat donné à l’administrateur de biens par le propriétaire est un mandat spécial (Civ. 3ème, 10 octobre 1984, D 1984, J 378) ce qui lui permet de se prononcer aussi bien sur les actes d’administration que sur les actes de disposition.

En troisième lieu, il ressort des règles applicables au mandat donné pour une unique assemblée que le pouvoir ne porte que sur les points inscrits à l’ordre du jour.
Dès lors, le mandataire ne peut pas voter pour le compte de son mandant sur des questions qui surgiraient en cours de séance.

Si le mandataire vote malgré tout, le mandant est bien fondé à contester une décision portant sur un point ne figurant pas sur la convocation (CA Paris, 9 juin 1999, n°1996/17295).

En quatrième et dernier lieu, le nombre de mandats que peut recevoir chaque mandataire est limité afin d’éviter qu’il ne devienne, du fait des voix de ses mandants, majoritaire.
Ainsi, en vertu de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, un mandataire ne peut disposer de plus de trois mandats à moins que le total des voix dont il dispose du fait des mandats et de son droit propre n’excède pas 5 % des voix de la copropriété.
Par conséquent, si le mandataire est copropriétaire, il peut voter quatre fois, voire plus tant que ses voix n’excèdent pas 5% des voix de la copropriété.

Ainsi, si le copropriétaire ne représente que trois mandants, peu importe le nombre de voix dont il dispose quand bien même le total de ces voix dépasse 5 % des voix du syndicat.

En revanche, si le mandataire représente plus de trois copropriétaires, le total des voix dont il dispose du fait des mandats et de son droit propre ne peut excéder 5 % des voix de l’ensemble.
Notons qu’il existe une exception à cette double limitation puisque le mandataire d’un syndicat secondaire peut, à lui seul, représenter l’ensemble des copropriétaires du syndicat secondaire lors de l’assemblée général des copropriétaires du syndicat principal.

En cas de détention par un mandataire d’un nombre de mandats supérieur aux limitations posées par l’article 22 de la loi, et si les mandats excédant le nombre légal ne sont pas écartés, l’assemblée générale pourra être annulée dans son ensemble et ceci quand bien même l’inobservation de la limitation des mandats serait sans incidence sur le résultat des votes (CA Paris 23ème Chambre, 7 octobre 2009, Loyers et Copropriété 2010 n°143).
En pratique, toute convocation en assemblée comprend en annexe un projet de « mandat en blanc » que le copropriétaire est invité à compléter et à adresser à la personne de son choix.

Si le copropriétaire ne connaît personne, il a deux solutions :
- Retourner le mandat signé au syndic, sans y porter le nom du bénéficiaire, à charge pour le syndic de ne pas distribuer lui-même les mandats reçus à des personnes de son choix mais de les laisser à disposition de tous les copropriétaires ou de les remettre au Président du Conseil Syndical.
- Apposer sur le mandat le nom du Président du Conseil Syndical qui pourra ensuite, si besoin, sous-déléguer le mandat à des copropriétaires non membres du conseil syndical. En effet, en vertu des dispositions propres aux mandats, le mandataire peut se faire substituer par un tiers, même sans en avertir le mandant, à moins que ce dernier ne l’ai interdit (Civ. 3ème, 16 mars 2011 n° 10-14005 et 10-14591).

Naturellement, un mandat rédigé sur papier libre, du moment qu’il est explicite, est tout à fait valable.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com