Village de la Justice www.village-justice.com

La suppression du droit fiscal de l’épreuve d’entrée au CRFPA. Par Anthony Berger, Avocat.
Parution : jeudi 20 octobre 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/suppression-droit-fiscal-epreuve-entree-CRFPA,23332.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats a donc été publié. Comme cela était attendu, et entre autres mesures, cet arrêté supprime le droit fiscal des épreuves de spécialisation pour l’entrée en école d’avocats.

C’est un réel coup dur pour les étudiants de cette matière et pour les praticiens. Au-delà de l’aspect matériel du changement et des difficultés que cela entraîne, c’est une nouvelle fois l’image de la matière même du droit fiscal qui est écorné. Être fiscaliste ne semble donc pas être une activité se suffisant à elle-même dans l’exercice de la profession d’avocat.

1.Quelles modifications apporte cet arrêté ?

Il faut comprendre en préambule que pour intégrer une école d’avocats (CRFPA), un étudiant doit passer un examen d’entrée composée d’une partie écrite et, en cas de succès, d’une partie orale. Passons sur cette dernière pour ne nous intéresser qu’à l’épreuve écrite.

Cette épreuve écrite consiste en une série d’examens dans différentes matières juridiques. Jusqu’à présent, elle se décomposait comme suit :

Avec l’arrêté du 17 octobre, l’épreuve écrite se compose désormais comme suit :

A la lecture de ces modifications, on peut remarquer que certaines matières ont été regroupées afin de simplifier l’épreuve et les programmes. Mais, surtout, on constate la disparition pure et simple du droit fiscal des affaires.

Selon les premiers commentaires, il semblerait que le programme de droit fiscal se retrouverait dans l’épreuve de droit administratif. Rien n’est moins sûr, et, pour le moins, cela constituerait une véritable aberration tant les deux matières diffèrent sur bien des points.

2. Pourquoi avoir supprimé le droit fiscal ?

La question reste posée. L’objectif de cette réforme était de simplifier l’organisation de l’épreuve d’entrée dans les CRFPA. L’effort de simplification devait-il passer par la suppression pure et simple d’une matière pourtant porteuse et indépendante ?

A ce jour, aucune justification claire n’a été apportée sur ce point.

3. Pourquoi le droit fiscal ne peut-il pas se retrouver dans l’épreuve de droit administratif ?

L’arrêté précise le programme de révision pour chaque épreuve de spécialisation. A ce titre, le document indique qu’en matière de droit administratif, le programme est le suivant : droit administratif général et droit administratif spécial. Sans précisions.

La logique (encore doit-elle exister) voudrait qu’on retrouve le programme de droit fiscal dans la sphère de ce « droit administratif spécial ». Pourtant, il est une idée reçue qui doit être combattu avec acharnement :

Le droit fiscal n’est pas une branche du droit administratif.

Certaines personnes voudrait classer le droit fiscal dans cette catégorie du droit public, en raison des similitudes de procédure. Mais il n’en est rien.

Le droit fiscal est une matière hybride, prenant à la fois des caractère de droit privé et de droit public. Impossible pourtant de le classer plus un domaine que dans l’autre. Allez dire à un publiciste qu’il est fiscaliste… De la même manière, allez dire à un fiscaliste qu’il fait du droit public.

Non, le droit fiscal est, et doit rester, une matière indépendante, connaissant ses propres règles, ses propres codes et ses propres usages. Une matière riche et complexe, à la jurisprudence abondante et à la procédure unique. Quelle autre matière peut-on retrouver à la fois devant les tribunaux judiciaires et administratifs ?

4. Une matière mal aimée ?

J’entends déjà quelques uns d’entre vous m’expliquer que vu le faible nombre d’étudiants qui intègre chaque année les filières fiscales, en comparaison aux autres domaines du droit, sa présence à l’examen d’entrée au CRFPA n’est clairement pas indispensable.

A ceux-là, je répondrais que le droit fiscal souffre d’une image fausse. Celle d’une matière austère, compliquée, « pas drôle », ennuyeuse. Je vous en prie, ne découragez pas les bonnes volontés avec d’approximatifs clichés.

Le droit fiscal n’est ni une matière plus ennuyeuse qu’une autre, ni un domaine dont il ne faudrait surtout pas s’approcher. Au contraire, le droit fiscal est constamment en mouvement. Il oblige à être sur le qui-vive en permanence, à savoir combiner d’innombrables règles de droit à tout moment. C’est une matière excitante et passionnante, quand on veut bien l’apprivoiser.

Que des étudiants puissent être passionnés par cette matière, comme d’autres peuvent l’être par le droit pénal par exemple, doit-il être à ce point oubliés ? Imaginez, cinq ans d’études à se perfectionner dans un domaine précis, pour, au final, que l’on vous explique que vous devez reprendre de zéro, dans une autre matière, pour passer un examen auquel tout étudiant en droit peut prétendre ?

Je pose la question : cela sous-entendrait-il que les avocats exerçant en droit fiscal ne seraient pas des « vrais » avocats ? C’est à mon sens la direction qui est engagée avec cette réforme. Et je trouve ça dangereux. Le clivage est l’ennemi de la confraternité.

Alors à mes consœurs et confrères non fiscalistes, je vous le dis, nous sommes avocats avant tout, peu importe notre domaine d’exercice. Et je compte sur vous, et sur moi-même, pour en faire la démonstration à l’avenir.

Maître Anthony BERGER, Avocat au Barreau de Lyon Fondateur de divorce-amiable.net
Comentaires: