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Le secret médical peut-il être valablement opposé par le médecin au patient pour lui refuser un certificat médical ? Par Carine Durrieu Diebolt, Avocat.
Parution : lundi 24 octobre 2016
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On voit parfois des médecins refuser des certificats médicaux à leurs patients en invoquant le secret médical. Est-ce légal ?

Le secret professionnel est l’interdiction faite à certains professionnels de révéler ce qu’ils ont appris dans le cadre leur profession. Chacun doit pouvoir se confier à un avocat, un médecin … sans risque de le voir divulguer ses secrets.
Ainsi, la violation du secret professionnel est-elle une infraction pénale sanctionnée par le code (article 226-13 du Code pénal) :
« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporelle, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

L’article L. 1110 - 4 du Code santé publique a précisé les modalités du secret médical :
« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, le secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes.
Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

L’article 4 du Code de déontologie médical mentionne :
« Le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »

Le contenu et l’étendue du secret professionnel :

C’est à l’occasion de la célèbre affaire Watelet que la Cour de cassation, en 1885, a précisé la notion de secret.
Le docteur Watelet, appelé à donner des soins au peintre Bastien Lepage en 1883, diagnostiqua une tumeur cancéreuse du testicule gauche dont il l’opéra. Le peintre décéda en 1885 à Alger où il était allé se reposer sur les conseils du médecin. Le docteur Watelet fut accusé par la presse d’avoir envoyé le peintre en Algérie pour dégager sa responsabilité. En réponse, le médecin fit publier dans la presse une lettre dans laquelle il exposait la maladie du peintre et justifiait sa conduite. Poursuivi pénalement pour violation du secret professionnel, le docteur Watelet soutenait pour sa défense que les faits avaient été révélés par la presse. La Cour de cassation estima que le secret avait été divulgué puisqu’il s’agissait d’un ensemble de faits secrets par leur nature dont il avait eu connaissance en raison de sa profession alors qu’il traitait Bastien Lepage en qualité de médecin (Cass. crim., 19 décembre 1885).

Le secret couvre non seulement ce qui a été confié par le patient mais également tout ce que le médecin a vu, entendu ou compris.

Le secret professionnel n’est pas opposable au patient :

L’article L. 1111-7 du Code de la santé publique dispose :
« Toute personne peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication. »

Un certificat médical peut être remis au patient, à sa demande.

Le médecin a-t-il l’obligation dès lors de remettre un certificat médical à la demande du patient ?

Toutefois, un médecin n’a l’obligation de rédiger un certificat médical à la demande d’un patient que lorsque la rédaction dudit certificat est imposée par un texte législatif ou réglementaire (certificat de naissance, de décès, accident de travail, maladie professionnelle, etc…).
Dans tous les autres cas, la rédaction d’un certificat est facultative et rien n’empêche un médecin d’accéder à la demande de son patient, dans le respect des principes énoncés dans le Code de déontologie médicale, en faisant attention aux formulations adoptées et aux modalités de délivrance.

Quant aux modalités :

L’ordre des médecins précise que le certificat médical est un document établi sur papier à en-tête du médecin dont l’objet est de consigner, en termes techniques mais compréhensibles, les constatations médicales que le médecin a été en mesure de faire lors de l’examen ou d’une série d’examens d’un patient ou d’attester de soins que celui-ci a reçus.
Un tel document doit avoir un caractère purement médical. Il peut transcrire les doléances du patient en mentionnant qu’il s’agit des déclarations du patient. Le médecin ne doit pas s’immiscer dans les affaires de famille.

Par un arrêt du 26 mai 2010, le Conseil d’État a validé l’appréciation juridique faite par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins qui a sanctionné un médecin généraliste pour avoir établi des certificats tendancieux (CE, 4e et 5e sous-sections réunies, 26/05/2010, 322128). En l’espèce, le médecin avait remis à l’un de ses patients deux certificats médicaux : l’un constatait que les troubles présentés par le patient étaient en rapport avec les problèmes relationnels qu’il avait avec son père ; l’autre lui prescrivait de ne plus se rendre chez ce dernier durant une durée déterminée.

En aucun cas un certificat ne devra être remis à un tiers, sauf dérogations légales ou jurisprudentielles.
Sont considérées comme « tiers » n’ayant pas vocation à recevoir un certificat concernant un patient les personnes suivantes : le conjoint, le concubin, les membres de la famille, l’employeur, l’avocat, l’assistante sociale, l’assureur, tout membre de service administratif ou médico-social, tout médecin tiers, tout ami, etc.

Exceptions : peuvent être remis à des tiers les documents indiqués ci-après :

Si le patient est inconscient, la communication d’un certificat médical au conjoint est possible dans ce cas en vertu de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique qui prévoit qu’« en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part ».
Deux conditions : le pronostic du patient doit être réservé et le certificat doit être destiné à apporter un soutien direct au malade tel que, par exemple, la prise en charge par une assurance des frais médicaux et d’hospitalisation (CADA, directeur du centre hospitalier Albertville Moutiers, 18 juin 2009, ref. 20091755).

Carine DURRIEU DIEBOLT Avocate en droit pénal/ dommage corporel/droit des victimes Membre de la CIIVISE cabinet.durrieu@free.fr http://www.diebolt-avocats.com