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De quoi le TAEG est-il le nom ? Histoire et fonction. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : mardi 25 octobre 2016
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Le nom du Taux Annuel Effectif Global, bien sûr !

Chaque emprunteur, chaque distributeur bancaire, qu’il soit salarié d’un prêteur ou indépendant, courtier ou mandataire en crédits (IOBSP) sait parfaitement que le Taux global représente « le coût d’un crédit ». En savoir davantage fait rapidement monter le mal de tête. Dommage. L’histoire du TEG expose l’un des plus beaux scandales bancaires en matière de protection des emprunteurs.

Après cinquante années d’acharnement, le TAEG a (presque) remplacé le TEG comme indicateur de Taux global au 1er octobre 2016. L’harmonisation européenne protège les emprunteurs, là où les politiques, les juristes et les experts bancaires ont collectivement faillis.

Mais les contrats de crédits immobiliers se consomment lentement. Les crédits souscrits avant le 1er octobre 2016 dureront plusieurs années. Leur contentieux dispose encore de quelques beaux jours, alors qu’il faudra, simultanément, décoder les nouveaux principes du droit du crédit immobilier aux particuliers. L’ancien TEG des crédits immobiliers d’avant le 1er octobre 2016 coexiste avec le nouveau TAEG des crédits immobiliers d’après le 1er octobre 2016.

En gardant utilement à l’esprit les origines scabreuses du TEG, il peut être alors utile de saisir ses points communs d’avec le TAEG, ainsi que leur différence substantielle pour commencer à apprivoiser le TAEG des crédits immobiliers aux particuliers. Voici la première partie de cette exploration, complétée par les délais et les sanctions du Taux global (Partie 2).

1/ Histoire du Taux Effectif Global (TEG) qui fut heureuse puis calamiteuse et grotesque.

Quand l’érudit écrivain italien Pietro Citati offre au public son « Histoire qui fut heureuse puis douloureuse et funeste » (Gallimard, 1991), il ne pense aucunement au Taux Effectif Global. Et il a bien raison. L’histoire du TEG donne pourtant matière à roman. Celle de la quête du « coût d’un crédit ».

1.1. La nécessité d’un Taux global exprimée par un taux proportionnel.
La notion de « taux global » (préférable, car plus explicite, à l’expression de « taux effectif ») cherche à globaliser tous les coûts d’un crédit. Elle apparaît dans le courant des frétillantes années soixante, avec le rock et le voyage spatial. Elle soutient une irrésistible vague de « bancarisation » du bon peuple, couplée à l’expansion du crédit de masse et de la consommation, couronnée par la conquête des villes, donc de l’habitat urbain.

Il a bien fallu faire des choix, d’abord mathématiques (ou financiers) et simultanément juridiques. En 1966, le taux global a reçu la dénomination de « Taux Effectif Global », ou TEG (Décret n°66-1010 du 28 décembre 1966). Ce TEG bientôt indissociable du crédit immobilier aux particuliers affirme le principe d’interdiction des prêts usuraires et protège de la sorte et fort heureusement les particuliers contre des taux trop élevés.

Deux choix mathématiques s’offraient alors : celui d’un taux dit proportionnel ou celui d’un taux dit équivalent. C’est le premier, la forme mathématique malheureuse, qui a prévalu. Pur hasard, elle favorise les prêteurs professionnels, plutôt que les particuliers. Le taux proportionnel s’associe au TEG.

Ce choix n’est mathématiquement pas conforme aux principes financiers. C’est pourtant, contre toute attente, la méthode adoptée par le droit français, en 1966. En 1985, ce choix reçoit le franc soutien de la Cour de cassation (Cour de cassation, Civ. 1ère du 9 janvier 1985, JCP G 1986, II, 20532).

Sans doute plongé dans un profond, mais très réservé, remords juridico-mathématique, stimulé par le droit européen, le fabricant national de normes adopte, en 2002, le TAEG, qui repose lui sur un taux équivalent. Mais seulement pour une partie des crédits. Le TEG et le TAEG débutent une cohabitation sans intérêt.

1.2. La coexistence du TEG et du TAEG.
En 1987, puis en 1990, le législateur européen a procédé au travail de clarification juridique nécessaire (Directive 87/102/CEE et Directive 90/88/CEE), pour consacrer le TAEG comme taux global de référence et seul exact. La science juridique bancaire française se montre assez indifférente à ces vaines agitations.

En 1993, le ministre des Finances répond avec la plus grande franchise à une question d’un parlementaire : « De surcroît, son adoption [celle du TAEG à la place du TEG] ne serait pas sans inconvénient. D’une part, elle conduirait à afficher, toutes choses égales par ailleurs, des taux en hausse sensible selon leur durée. D’autre part, les emprunteurs, qui sont les principaux intéressés par l’affichage du TEG, ne retireraient guère d’avantages de ce changement de méthode : le montant des intérêts débiteurs à leur charge resterait inchangé mais le mode de calcul serait substantiellement obscurci  » (Réponse parlementaire 66948 du 8 février 1993, JO du 29 mars 1993, page 1129). Édifiant.

Le TAEG devait entrer en application au 31 décembre 1995. Il aura fallu patienter sept années supplémentaires.

En 1996, la Commission européenne publie, à propos du TEG français, ce commentaire sans détour : « Pour le consommateur, les contrats de crédit à la consommation français apparaissent donc artificiellement plus favorables que dans tous les autres États membres de la Communauté européenne. […] la méthode française s’écarte tellement de la méthode communautaire que les taux d’intérêt français sont trompeurs non seulement pour les consommateurs d’autres pays européens, mais aussi pour les consommateurs français qui ne peuvent obtenir une vision correcte des différences dans les prix du crédit, par exemple entre un crédit remboursé par mensualités et un crédit à remboursements trimestriels » (Rapport de la Commission européenne sur l’application de la directive n° 90/88/CEE, Document COM (96) 79 final, du 12 avril 1996, page 18, § 77).

Tel était l’état de l’art du droit du crédit, en 1996, en matière de calcul du Taux global, trente années après l’introduction du TEG en droit. La gloire totale.

Finalement, en 2002 donc, le TAEG trouve enfin sa place en droit français, pour coexister avec le TEG. Cette cohabitation aura duré de 2002 à 2016, s’agissant des crédits aux particuliers (proposition de Directive, en 2002).

Le TAEG entre en droit français. Sans autre raison, il est cantonné aux seuls crédits à la consommation (Décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, relatif au calcul du taux effectif global applicable au crédit à la consommation).

Le 1er octobre 2016, le TAEG est étendu aux « crédits immobiliers aux particuliers » (pour faire court). Le TEG est enfin extirpé de ces crédits. Le TAEG devient le taux global de référence pour la très grande majorité des crédits aux particuliers.

1.3. La consécration du TAEG pour les crédits aux particuliers.
Le Code de la consommation du 1er octobre 2016 pose, dans son livre sur le Crédit, la définition du « Taux effectif global ».

Ce Code précise, « pour les contrats de crédit entrant dans le champ d’application des chapitres II et III du présent titre [Note : crédits à la consommation et crédits immobiliers], le taux effectif global est dénommé " Taux annuel effectif global "  » (article L. 313-14 du Code de la consommation).

Une présentation regrettable, puisqu’il s’en infère que le TAEG serait une déclinaison du Taux effectif global. Or, TEG et TAEG sont chacun un « taux global », avec des points communs et avec des différences. Il aurait mieux valu parler de taux global (ou de taux effectif, à la rigueur), et d’indiquer que cette notion générique et juridique trouvait deux expressions distinctes : le TEG et le TAEG.

Le TEG poursuit sa carrière en solo, dans des espaces de crédits qui n’ont rien d’humiliant, comme les crédits aux entreprises privées ou publiques, ceux aux professionnels, par exemple. Autant d’emprunteurs que le législateur, dans sa chaleureuse bienveillance, aura estimé sans doute moins nécessaire d’éclairer correctement lors de la souscription d’un crédit. La résistance à la simplification touche ici une limite que la raison peine encore à éclairer.

Voici au 1er octobre 2016 le TAEG devenu taux global de référence des crédits aux particuliers, qu’ils soient à la consommation (depuis 2002, avec les deux décrets n° 2002-927 et 2002-928 du 10 juin 2002) ou immobiliers (depuis le 1er octobre 2016 et la directive sur le crédit immobilier pris au sens large).

Principale différence : le TEG est donc un taux proportionnel ; le TAEG est un taux équivalent. Ce n’est pas une découverte. Les conséquences de cette importante différence de nature sont pourtant notables.

2/ Une différence lourde entre TEG et TAEG : deux calculs mathématiques radicalement différents.

Non seulement l’harmonisation des Taux globaux des crédits aux particuliers constitue un incontestable progrès, mais de surcroît, celui-ci se réalise sur des bases conceptuelles saines.

Le choix très solide du TAEG marque le terme de cinquante années d’un cheminement juridique aussi remarquablement lent qu’étonnamment chaotique.

2.1. Taux proportionnel pour le TEG contre taux équivalent du TAEG.
Un taux global contient un taux débiteur. Les principes de calcul des taux débiteurs du TEG et du TAEG sont différents. Le TEG procède d’un taux débiteur dit proportionnel ; le TAEG utilise un calcul de taux débiteur équivalent. Cette petite différence sémantique entraîne de grandes conséquences financières.
Le taux d’un crédit est affiché pour une année civile. Mais les périodes de remboursement sont différentes, généralement mensuelles.

La question très importante réside dans la méthode à retenir pour traduire un taux débiteur annuel en un taux débiteur périodique, souvent mensuel. Car il faut bien calculer et recouvrer les intérêts chaque mois. Cette valeur mensuelle sert de base au calcul des intérêts payés par l’emprunteur, avec le versement de son échéance périodique, une mensualité, si la période est mensuelle.

Pour passer de l’année au mois, le taux proportionnel fonctionne sur la base d’une simple division. Il ne nécessite aucune formule mathématique dissuasive.
Voici une année, soit douze mois. Un taux proportionnel mensuel s’obtient simplement en divisant le taux annuel par le nombre de périodes (ici, une année, donc, douze périodes d’un mois chacune). C’est la méthode retenue préférentiellement par les banques en 1966, étant, il est vrai, aussi simple que fausse. Sa belle longévité illustre sans doute l’entêtement, collectif, à piétiner assez superbement l’emprunteur particulier.

Le taux équivalent, quant à lui, repose sur le calcul des intérêts composés. La formule de calcul est moins intuitive, comme disait mon respecté professeur de terminale.

Le TAEG repose sur un taux débiteur calculé par la méthode de l’équivalence, et non par la méthode proportionnelle.

Deux taux sont équivalents si, pour un placement initial identique sur un même intervalle de temps (une année complète, par exemple), les valeurs acquises par le placement initial calculées aux deux taux sont égales.

Cette méthode, qui met en œuvre une formule de calcul plus lourde qu’une simple division, s’avère pourtant, seule, conforme aux mathématiques financières ou actuarielles.

Un exemple illustre le propos.

2.2. A périmètre identique de coûts, le TAEG fait ressortir un coût global plus élevé.
Prenons un exemple. Connaissant un taux débiteur annuel de 12%, cherchons la valeur correspondante à celui-ci, pour un mois.

Ce taux débiteur annuel de 12 % se traduit par un taux proportionnel mensuel de 1% (12 % divisé par 12 mois), mais par un taux équivalent mensuel de 0,94 % (voir les formules de mathématiques financières proposées, entre autres, par l’Académie de Lyon).

Le même crédit de 12 % l’an se voit ainsi présenté à un Taux global mensuel, soit de 1% (TEG, proportionnel) soit de 0,94 % (TAEG, équivalent). En affichant un TEG de « 12 % par an », la banque prêteuse prend 1% d’intérêts par mois ; avec le même taux de « 12% par an », mais en TAEG, elle ne peut dépasser 0,94 % d’intérêts par mois.

Une différence industrielle considérable, appliquée, en 2016, à plus de mille milliards d’euros de crédits immobiliers.

En allant cette fois du mois vers l’année, 1% de taux mensuel équivaut à un TAEG de 12,6 % (là où le TEG s’affiche, tout modestement, à 12 %). Il s’agit pourtant bien du même crédit.

Appliquer la valeur de 1 % ou appliquer celle de 0,94 % de taux mensuel à une dette productrice d’intérêts, ce n’est ni indifférent, ni... équivalent.

Le taux débiteur, donc, le TAEG, des crédits aux particuliers est nécessairement un taux actuariel équivalent.
Car : « Pour toutes les opérations de crédit autres que celles [aux professionnels], le taux annuel effectif global […] est calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code » (article R. 314-3 du Code de la consommation et son Annexe mathématiquement complète).

Ainsi, le TAEG « est calculé actuariellement et assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt pour le remboursement du capital et le paiement du coût total du crédit  » (article L. 314-3 du Code de la consommation) « […] ces éléments étant, le cas échéant, estimés » (article R. 314-3 du Code de la consommation).

Le passage des crédits immobiliers au TAEG présentait l’occasion de généraliser l’usage juridique de celui-ci. Vaine espérance. Proche du musée de la banque, le TEG reste bien en vie, pour les crédits autres qu’aux particuliers : « pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d’une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période […] » (art. R. 314-3 du Code de la consommation.

L’intérêt de conserver le TEG pour une partie des crédits français échappe à la raison.

Il n’en demeure pas moins vrai que le taux global possède deux rôles. Le TAEG, comme le TEG avant lui, les remplit parfaitement.

3/ Les deux fonctions du TAEG : comparer les coûts complets de crédits entre eux et plafonner le prix des crédits.

Telles sont les deux fonctions juridiques du taux global. Elles restent inchangées pour le TAEG.

En posant une méthode de calcul incorporant tous les coûts d’un crédit, le taux global rend des crédits différents comparables entre eux sur une même base.

Ce même indicateur du taux global peut être ainsi être rapproché du plafond de taux fixé pour les crédits : le taux de l’usure. Le taux qu’un crédit n’a pas le droit de dépasser. « Les » taux de l’usure, puisque ceux-ci sont définis par catégories de prêts ; le taux d’usure d’un crédit immobilier à taux fixe n’est pas identique à celui d’un crédit à la consommation amortissable.

3.1 Comparer les prix des crédits.
Voici la première fonction du TAEG : rendre des crédits différents comparables entre eux.

Le principe du taux global consiste à réunir tous les frais supportés par l’emprunteur en un seul indicateur. Voilà l’aboutissement de la quête du « coût réel d’un crédit ».

Le taux débiteur du crédit, celui qui procure le montant des intérêts à payer, évidemment par l’emprunteur, est insuffisant pour apprécier le coût d’un crédit. D’autres coûts et de nombreux frais accessoires se greffent directement au crédit, sans que l’emprunteur ait le choix d’en faire l’économie. Ces frais lui sont donc imposés, en contrepartie du crédit.

Le premier poste de frais d’un crédit, ce sont évidemment les intérêts à acquitter pour la mise à disposition des capitaux. Ces intérêts sont déterminés par le taux débiteur.

Classiquement, le prix de l’argent est fonction du prix du temps. Le temps économisé par la mise à disposition immédiate d’une somme qui ne sera reconstituée qu’ultérieurement. Le taux d’intérêt exprime une relation classique entre le temps, le coût et le capital ; il s’exprime sur une base temporelle, par exemple, annuelle, soit en « pour-cent » (2 %), soit de manière décimale (0,02).

Le taux d’intérêt est un couple : une durée, une augmentation d’intérêts.
Le taux débiteur (notion apportée par la directive sur le crédit à la consommation) ou taux d’intérêt débiteur ou taux d’intérêt du crédit, ou encore, taux nominal est une valeur, exprimée en pourcentage, fixée par le contrat de crédit, qui s’applique au montant du capital pour déterminer le montant des intérêts dus par l’emprunteur en rémunération du prêteur ; le taux d’intérêt est « exprimé en pourcentage fixe ou variable, appliqué au capital emprunté ou au montant de crédit utilisé, sur une base annuelle » (article L. 311-1 8° du Code de la consommation). Pour les particuliers, il se calcule donc désormais, très majoritairement, selon la méthode actuarielle équivalente.

A cet égard, l’amusant « taux nominatif », du site public en ligne le 20 octobre 2016, marque un joli lapsus. De même, ni le TEG ni le TAEG ne sont « le taux d’intérêt fixé par la banque ou l’établissement de crédit », comme l’affiche de manière erronée ce site public entretenant une confusion malvenue.

Le taux d’intérêt débiteur peut être fixe, variable ou révisable, les deux dernières options étant rares, dans le marché français du crédit aux particuliers.

Si le principe de réunir tous les coûts est partagé par le TEG et par le TAEG, le périmètre des coûts pris en compte diffère légèrement, entre TEG et TAEG.
Selon son principe, le taux effectif, TEG ou TAEG, intègre tous les coûts supportés par l’emprunteur pour obtenir le crédit.

3.2. Agréger tous les coûts payés par l’emprunteur pour obtenir le crédit.
Le Taux global est davantage un indicateur de coût complet, plutôt qu’un taux. Cet indicateur composite incorpore tous les coûts du crédit dans un seul indice, afin d’en donner un coût complet (expression plus heureuse que coût « réel », souvent rencontrée).

Cette méthode rend des crédits différents, notamment dans leurs coûts accessoires (au taux débiteur) comparables entre eux.

Pour la détermination du taux effectif global du prêt, « sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (art. L. 314-1 du Code de la consommation au 1er octobre 2016).

Tous les frais « lorsqu’ils sont nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (art. R. 314-14 du Code de la consommation) entrent dans le calcul du TAEG. Ce même article du Code de la consommation en procure une liste, qui n’est pas exhaustive (débutant par « notamment »).

Le calcul du TAEG nécessite donc de déterminer le coût total du crédit ; cette donnée doit être regardée en premier par l’emprunteur ou par le particulier souhaitant emprunteur. C’est le prix du crédit, en euros. Le coût total du crédit est un très bon indicateur du prix des crédits, pour un particulier, simple, clair, accessible.

Le coût total du crédit se compose de l’ensemble des frais, des coûts, des charges à payer par l’emprunteur. Ce coût du crédit, évidemment à payer, s’ajoute naturellement au capital emprunté, à rembourser, pour égaliser le total des paiements, ou échéances. Juridiquement, le coût total se compose de « tous les coûts, y compris les intérêts, les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées  » (article L. 311-1 7° du Code de la consommation).

La liste des coûts à collecter pour le calcul du TAEG est définie plus précisément qu’avant le 1er octobre 2016 (articles R. 314-4 et R. 314-5 du Code de la consommation). Toutefois, cet effort de précision reste insuffisant : de nombreuses précisions jurisprudentielles à la question de la composition du Taux global ne sont pas reprises par le Code de la consommation (coût des parts sociales des banques coopératives, coût d’une garantie de type cautionnement mutuel, assurances dommages imposées) ; les points en suspens (coûts d’information des cautions, répercutés à l’emprunteur) sont ignorés. Dommage.

Les coûts pris en considération dans le calcul du TAEG sont très proches de ceux qui étaient posés pour le TEG des crédits immobiliers d’avant le 1er octobre 2016. Le point d’attention réside dans les coûts qui ne seraient pas explicitement listés par le Code de la consommation, mais qui entrent dans la définition générale des coûts à retenir.

Pour le calcul du TAEG : « sont compris dans le taux annuel effectif global du prêt, lorsqu’ils sont nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées, notamment :
1° Les frais de dossier ;
2° Les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;
3° Les coûts d’assurance et de garanties obligatoires ;
4° Les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement ;
5° Le coût de l’évaluation du bien immobilier, hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier » (article R. 314-4 du Code de la consommation).
« Ne sont pas compris dans le taux annuel effectif global :
1° Les frais liés à l’acquisition des immeubles mentionnés au a) du 1° de l’article L. 313-1 tels que les taxes y afférentes, les frais d’acte notarié établis en application de la section 3 du chapitre Ier du titre IV bis du livre IV de la partie Arrêtés du code de commerce ;
2° Les frais à la charge de l’emprunteur en cas de non-respect de l’une de ses obligations prévues dans le contrat de crédit.
Des hypothèses complémentaires figurent en annexe au présent code pour le calcul du taux annuel effectif global
 » (article R. 314-5 du Code de la consommation).

En comparaison, s’agissant de la composition du TEG « des crédits immobiliers aux particuliers », l’ancienne formulation du Code de la consommation (avant le 1er octobre 2016, donc) prévoyait « pour la détermination du taux effectif global du prêt [ …] sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.
[…] les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
En outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance
 » (ancien article L. 313-1 du Code de la consommation antérieur au 1er octobre 2016, issu de l’art. 3 de la Loi n°66-1010 du 28 décembre 1966, modifié notamment par la Loi n°79-596 du 12 juillet 1979, et par le Décret n°2002-927 du 10 juin 2002).

3.3. Identité et différences des coûts du crédit entre TEG et TAEG.
Les coûts inclus et exclus du TAEG se déduisent, pour partie, des dispositions citées ci-dessus.

Sans ambiguïté, les coûts des garanties exigées par le prêteur (hypothèque, privilège de prêteur de deniers, cautions…), entrent dans le calcul hier du TEG (lorsqu’ils étaient connus), à présent du TAEG (même condition). Ces frais ne se confondent pas ni avec les « coûts d’acquisition » ni avec les « frais d’actes notariés » (« frais de Notaire ») de l’article R. 314-5 1° du Code de la consommation. Ils relèvent de « garanties » (art. R. 314-4 3°). Par ailleurs, la jurisprudence (du TEG) inclut sans hésitation les frais de prise d’hypothèque dans le calcul du taux global (Cour de cassation, Civ. 1ère du 18 février 2009, n° 05-16.774 et Cour de cassation, Civ. 1ère du 1er octobre 2014, n°13-22.320, par exemples).

Les « frais de Notaire », quant à eux, n’étaient pas pris en compte dans l’ancien TAEG, celui d’avant le 1er octobre 2016 (ancien art. R. 313-1 III du Code de la consommation), ni dans le TEG. Ils restent exclus du nouveau TAEG (art. R314-5 du Code de la consommation), étant dus pour toute acquisition, avec ou sans crédit.

Les intérêts intercalaires éventuels contribuent aux coûts du TAEG (Cour de cassation, Civ. 1ère du 17 juin 2015, n°14-14.326.).

La rémunération des intermédiaires (courtiers en crédit ou mandataires en crédit, tous relevant de la famille des IOBSP) entre en partie dans le calcul du TAEG. En effet, elle peut revêtir deux formes (ou seulement l’une des deux) : les honoraires versés par le client, directement à l’Intermédiaire ; les commissions versées par l’établissement de crédit, directement par celui-ci à l’Intermédiaire également).

Ces deux formes de rémunérations n’ont ni la même nature, ni la même contrepartie juridique. Les honoraires versés par le client à l’intermédiaire correspondent au travail d’analyse et d’intermédiation réalisé à la demande du client. Leur coût est directement supporté par le client, soit par paiement sur ses deniers, soit par imputation sur le crédit, donc, payé par le client. Lorsque ce débours correspond effectivement à un coût direct supporté par le client au titre des conditions posées par le prêteur pour l’obtention du crédit, le Code de la consommation prévoit légitimement son incorporation au TAEG [1]. Si les frais de courtage en crédit ne figurent pas parmi les conditions d’octroi du prêt, ils sont exclus du TAEG, en application de la règle légale. En pratique, c’est le cas général.

La commission versée par l’établissement de crédit vient en contrepartie d’une prestation de service rendue à cet établissement : celle de la distribution bancaire. Outre les travaux d’analyse, le temps passé, à travailler le dossier du client, l’intermédiaire, courtier ou mandataire, supporte des coûts de distribution, notamment sous la forme de frais généraux et commerciaux. Cette commission "bancaire" est payée seulement par le prêteur, sans provenir du patrimoine de l’emprunteur. Elle n’est pas une condition d’octroi du prêt. Elle est hors TAEG dans tous les cas.

L’IOBSP met des moyens de distribution à la disposition d’un prêteur, allégeant d’autant voire supprimant les coûts de distribution supportés directement par celui-ci, via son réseau direct. En aucune façon ces frais ne sont imposés au client par le prêteur, ni « supportés par l’emprunteur », ni même soumis à son approbation, ni présentés comme « une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (article L314-1 du Code de la consommation) ; d’ailleurs, leur traitement juridique est clair : celui d’une information donnée à l’emprunteur : article R519-26 I du Code monétaire et financier. Aussi, cette commission entre professionnels ne correspond pas à la définition des frais entrant dans le calcul du TAEG, telle que la pose clairement la jurisprudence, en énonçant qu’un « coût […] imposé[e] par l’établissement prêteur comme une condition de l’octroi d’un prêt fait partie des frais […] qui […] doivent être ajoutés aux intérêts pour déterminer le taux effectif global du prêt » (Cour de cassation, Com. du 12 janvier 2016 n°14.15.203).

La justesse de cette solution est confirmée par le fait que, s’il fallait prendre en considération les coûts de distribution dans le TAEG, effectivement supportés par les seuls professionnels, alors il faudrait intégrer ces mêmes coûts, coût du réseau et rémunérations des conseillers d’agences, au TAEG, dans le cas d’une vente de crédit directement par la banque. Ce serait source d’une inutile complexité. L’emprunteur ne décide pas davantage des rémunérations de l’employé de banque que des commissions rémunérant des coûts engagés par des professionnels.

En nouveauté, les coûts du compte de paiement qui serait ouvert chez le prêteur pour régler les échéances du crédit immobilier, sont intégrés au calcul du TAEG.

Enfin, les coûts de l’expertise immobilière, nouvelle prestation facultative, sont à intégrer au TAEG si le prêteur exige cette expertise.

Comme le TEG, le TAEG est conçu pour les crédits amortissables à taux fixes, dont les fonds sont mis à disposition en une seule ou en peu de fois. Il est bien adapté à ces crédits. Le Taux global se calcule en tenant compte des modalités d’amortissement de la créance.

Le TAEG est malaisé à manier avec d’autres crédits, à taux variables, ou encore, avec les crédits renouvelables, pour lesquels il convient de procéder par hypothèses et par informations successives de l’emprunteur (crédit renouvelable).

3.4. Plafonner le prix des crédits.
La seconde fonction d’un taux global consiste à permettre d’appliquer les dispositions de plafonnement légal des taux des crédits ; c’est la législation sur les taux d’usure.

Après que le Code civil eut officialisé le prêt d’argent avec intérêt, cette pratique avait fait l’objet d’une réforme avec la loi du 3 septembre 1807 sur le taux de l’intérêt de l’argent, confondant le taux d’usure et le taux légal. La loi du 19 décembre 1850 avait encadré le délit d’usure ; des taux plafonds aux crédits furent restaurés en 1935. La réglementation de 1966 a rappelé ce principe, affiné depuis.

Les prix des crédits sont libres, concurrentiels, mais ils sont plafonnés.
Pour les crédits immobiliers, au 1er janvier 2017, ils obéissent à trois plafonds.

En période de taux bas, sans doute proche d’une progressive remontée, les renégociations de taux restent actives ; lorsqu’elles aboutissent, le contrat est maintenu, mais modifié par un avenant (principe de l’article L. 313-39 du Code de la consommation).

« En cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de crédit initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant établi sur papier ou sur un autre support durable.
Cet avenant comprend […] le taux annuel effectif global […]
 ».

Ce principe épouse le droit de l’usure. Il entraîne que le nouveau TAEG remplacera tout TEG antérieur au 1er octobre 2016, dans les contrats de crédit immobilier renégociés.

De quoi le Taux Annuel Effectif Global est-il le nom ? D’un indicateur destiné à mesurer le coût global d’un crédit et à plafonner ce coût. Deux fonctions essentielles à la protection des emprunteurs particuliers Pourtant, elle ont été bien mal remplies, pendant un demi-siècle, par l’inadéquat Taux Effectif Global.

Laurent Denis www.endroit-avocat.fr Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires Intervenant en formations bancaires www.droit-distribution-bancaire.fr

[1Art. R314-4 2° de ce Code.

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