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Harcèlement moral : une arme lourde contre le chef d’entreprise. Par François Jacquot, Avocat.
Parution : vendredi 28 octobre 2016
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Cette affaire montre comment un texte pénal, conçu pour protéger les salariés, peut être détourné de sa finalité et être employé pour déstabiliser les chefs d’entreprises et, plus généralement, les dirigeants d’organismes privés ou publics.

Une arme redoutable : la plainte pour harcèlement moral

Le harcèlement moral est toujours un sujet extrêmement délicat en raison du caractère éminemment subjectif de l’appréciation de cette infraction pénale [1] tant par les intéressés que par le juge. Quelle est en effet la limite entre un salarié qui a véritablement été harcelé au point d’avoir subi une dégradation de ses conditions de travail ou de santé, et celui qui s’est senti harcelé, humilié, placardisé, ou qui a sombré dans la déprime, sans que cela soit le fait d’un acte volontaire et intentionnel de l’employeur ?

Parfois, et ce n’est pas rare, ce sont les salariés qui se placent sur le terrain du harcèlement moral et qui s’en servent comme moyen de pression contre l’employeur. Il existe des cas bien réels où ce délit est utilisé dans les négociations de rupture du contrat de travail pour permettre au salarié d’obtenir la meilleure indemnité. De manière tout à fait regrettable, on constate également que certains n’hésitent pas à se plaindre d’un prétendu harcèlement moral alors qu’en fait, ils ne font que s’opposer, pour des raisons qui leurs sont propres, aux directives de l’employeur.

Cette incrimination apparaît d’autant plus dangereuse pour un employeur ou un cadre d’une entreprise que la chambre sociale de la Cour de cassation pose le principe que « le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet (…) de compromettre son avenir professionnel. » (Soc. 10 novembre 2009, n° 08-41.497).

En matière pénale, en l’état du silence du texte, le délit de harcèlement moral ne devrait être admis que sur constatation de la volonté du prévenu d’accomplir les agissements répétés en ayant conscience de leur effet ou en ayant la volonté de leur objet. C’est la position de la chambre criminelle qui, dans un arrêt du 21 juin 2005 (no 04-86.936, Bull. Crim. no 187), a approuvé la condamnation d’un maire pour harcèlement moral sur la considération que la cour d’appel avait « caractérisé le délit retenu en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel ». Néanmoins, ce qui est exigé par les juridictions pénales, c’est la preuve de simples actes intentionnels plutôt que d’une intention de nuire, la cour de Paris précisant ainsi que n’est pas « exigée la preuve d’une intention malveillante » (arrêt du 22 nov. 2011, no 10/071974).

Constitue une illustration des dérives pouvant exister en cette matière, l’arrêt définitif rendu le 6 septembre 2016 par la première chambre du pôle 6 de la cour de Paris conformément aux réquisitions de relaxe générale de l’Avocat général dans une affaire qui en son temps a défrayé la chronique.

Mme Maeva Salmon, alors déléguée de la Délégation pour la Polynésie Française [2], avait été poursuivie pour harcèlement moral sur des plaintes déposées par quatre employés. L’enquête diligentée par un simple brigadier de police avait avalisé toutes les allégations des plaignants, dont la plupart, très graves, n’étaient fondées que sur leurs seules affirmations. L’expert psychiatre auquel avait eu recours le parquet avait, lui aussi, pris pour argent comptant les affirmations des plaignants ou les « constatations » des médecins du travail qui n’avaient fait que reprendre les dires des plaignants.

C’est dans ces conditions que, retenant les actes imaginaires de harcèlement moral invoqués, les premiers juges avaient fait droit à trois de ces parties civiles et prononcé de lourdes condamnations pénale et civiles. Sur appel, après avoir procédé pendant plus de trois heures à une instruction approfondie, interrogé longuement les parties civiles et laissé la prévenue répondre sur chaque point, suivant les réquisitions de l’Avocat général, la cour de Paris a prononcé une relaxe générale.

En première instance, le tribunal a pourtant commencé par rappeler exactement les principes généraux gouvernant la preuve en la matière : « (…) la caractérisation du harcèlement ne peut reposer sur la simple perception du plaignant. Il ne s’agit nullement d’une infraction subjective puisqu’elle suppose la caractérisation de comportements objectivement susceptibles de remplir les exigences posées par le code pénal. Le fait de se sentir harcelé ne suffit pas à caractériser l’existence d’un harcèlement. Toute activité professionnelle peut être à l’origine de contraintes, de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé qui en découlent soient ipso facto rattachés à des situations de harcèlement moral » [3].

Mais, au moment de passer à la mise en œuvre de ces principes, le tribunal correctionnel a retenu l’existence du délit de harcèlement moral en l’espèce sans constater le moindre élément objectif à l’appui de cette solution et a en conséquence prononcé de lourdes condamnations pénale et civiles, dont l’attribution de plus de 46 000 euros de dommages et intérêts à l’une des partie civiles.

Deux des parties civiles étaient des femmes de ménages qui s’étaient plaintes de faits qui, s’ils avaient été avérés, auraient certes pu caractériser une forme de harcèlement moral : « Henriette Pito reproche à Maeva Salmon de la convoquer tout le temps dans son bureau..., pour dires des méchancetés, à savoir que ’le ménage n’est pas bien fait’. Elle ajoute que Maeva Salmon la traiterait de ’bras cassés’ et de ’petites mains’, précisant qu’elle ne mériterait pas sa paie (...). Juliette Fenuaiti reproche également à Maeva Salmon des convocations incessantes dans son bureau et fait part des mêmes propos que ceux dénoncés par sa collègue. Toutes les deux parlent d’une menace de licenciement qui planait en filigrane au-dessus d’elles » [4]

Ces agissements étaient formellement contestés par la prévenue, laquelle remettait en cause l’existence même des convocations des femmes de ménage dans son bureau. Le tribunal a lui-même été contraint de reconnaître que « l’enquête n’a pas permis de retrouver un témoin susceptible d’en confirmer l’existence » [5]. De plus, aucune des secrétaires de la prévenue, pourtant à même de se prononcer sur l’existence des « convocations incessantes » des deux femmes de ménage, n’avait été entendue durant l’enquête préliminaire. C’est la parole des parties civiles qui seule avait prévalu.

Le tribunal correctionnel a également constaté que, « concernant les menaces de licenciement, aucun témoin n’est venu confirmer l’existence de tels propos directement tenus par Maeva Salmon à l’égard des deux plaignantes » [6].

En cet état, malgré l’absence de preuves objectives, les premiers juges ont choisi de condamner la prévenue à partir de conjectures. Ils ont notamment retenu que « plusieurs témoins ont confirmé que Maeva Salmon tenait régulièrement des propos très méprisants à l’égard des chauffeurs et des femmes de ménage, notamment les deux plaignantes (..) » [7], alors même que les « témoins » en question n’étaient autres que les parties civiles qui se soutenaient mutuellement.

Les deux femmes de ménage avançaient un second grief : celui de s’être vu indument imposer le nettoyage de deux appartements de la délégation. A cet égard, le tribunal a constaté qu’« il ne ressort pas clairement de l’examen du dossier que l’entretien de ceux-ci n’entrait pas dans les tâches des femmes de ménage. A l’audience Juliette Fenuaiti a reconnu qu’elle et sa collègue nettoyaient habituellement ces appartements avant et après qu’ils ne soient occupés par des officiels en provenance de Polynésie » [8].

Pourtant, le tribunal a retenu cette allégation sur la considération que la tâche était abusive « lorsque l’occupant était, (aux yeux des femmes de ménage), illégitime à y être hébergé » [9]. Autrement dit, les employés avaient le droit de décider qui devait occuper les appartements de la Délégation et, en fonction de leurs seules appréciations subjectives, pouvaient refuser d’y faire le ménage !

C’est en cet état que les premiers juges ont conclu sur l’action de ces deux parties civiles qu’il « ressort ainsi du dossier que Maeva Salmon avait visiblement une piètre opinion de la qualité et du travail effectués par les deux femmes de ménage. Les propos tenus qui outrepassent le légitime jugement sur la capacité de travail de subordonnées, l’organisation des tâches qui a mélangé service public et service privé dans un contexte de crise financière au sein de la délégation et l’usage pernicieux de la situation de la délégation pour faire peser une menace de perte de travail, constituent assurément un ensemble d’agissements répétés qui caractérisent un harcèlement moral en raison de la dégradation des conditions de travail qu’ils entraînent et de l’altération de la santé qui a été constatée par la médecine du travail et confirmé par l’expert désigné dans le cadre de l’enquête » [10].

Après une instruction approfondie de l’affaire à l’audience, la cour d’appel a invalidé les condamnations du chef des agissements invoqués par ces deux parties civiles au motif du défaut de preuve de leurs allégations, en constatant d’une part « qu’aucun témoignage direct ne vient corroborer les affirmations des plaignantes concernant les convocations incessantes et les propos méprisants de la déléguée » [11], d’autre part que les autres éléments du dossier ne faisaient que « rapporter les griefs formulés par Mmes Pito et Fenuaiti à l’encontre de Mme Salmon » [12].

L’arrêt infirmatif a relevé que : « lors des audiences, Juliette Fenuaiti, qui a admis qu’elle et Madame Pito procédaient en vérité au ménage des appartements litigieux conformément à leur contrat de travail, s’est contentée de faire valoir que leur tâche aurait dû ou même pu être limitée aux cas où lesdits appartements étaient occupés par des officiels en provenance de Polynésie et non lorsque les occupants étaient illégitimes, ‘selon leur vision’, à y loger » [13], et constaté « qu’il n’est nullement démontré que l’organisation des tâches aurait conduit la prévenue à mélanger service public et service privé et que celle-ci aurait fait un usage pernicieux de la situation de la délégation », après avoir rappelé que « le ménage qu’elle leur a effectivement demandé dans les appartements du 4ème et du 7ème étage faisait bien partie des attributions des deux femmes de ménage de la délégation, ainsi que cela ressort de la fiche de poste de Mme Pito » [14].

Mais surtout, ce qui confère à l’arrêt du 6 septembre 2016 un caractère exemplaire, c’est la solution donnée par la cour de Paris concernant la quatrième partie civile, M. Marc Helias, qui était parvenu à obtenir des premiers juges la condamnation de sa supérieure hiérarchique, elle-même salariée, à lui verser la somme considérable de 46.067,84 euros à titre de dommages et intérêts.

La particularité de ce plaignant était qu’il exerçait deux fonctions essentielles au sein de la Délégation : celle de « chef du bureau de la communication à la Délégation de la Polynésie Française à Paris depuis février 2000 », à laquelle s’était ajouté le poste « de délégué adjoint à partir de septembre 2007 » [15], autrement dit, il était le bras droit de la prévenue.

Les griefs de cette partie civile étaient multiples et constituaient en fait un panorama assez complet de ce qui pourrait caractériser un harcèlement moral : mise à l’écart progressive des fonctions, privation d’informations nécessaires à l’accomplissement des tâches, reproches et accusations injustifiés, dénigrement du travail accompli, retrait de l’ensemble de ses attributions professionnelles au profit d’un autre employé, d’abord par le biais d’une suspension conservatoire, puis par une rétrogradation à un poste inférieur.

Or, après un examen en profondeur des faits, la cour d’appel a conclu que :
« Marc Hélias, en charge d’une mission de valorisation de la Polynésie française, a accompagné son choix de couvrir les commandes des membres du gouvernement polynésien en métropole d’une opposition ouverte et radicale aux directives de la déléguée générale dont il était le second, allant même jusqu’à user de ses fonctions pour mener contre elle une véritable entreprise de déstabilisation » [16].

En somme, l’affaire a basculé d’un jugement qui avait consacré toute la dramaturgie du plaignant [17], au point d’en faire un cas d’école de harcèlement moral, à la réalité, beaucoup plus prosaïque, se résumant au fait que la partie civile était l’auteur d’une véritable cabale à l’encontre de la prévenue.

Pour parvenir à une conclusion aussi accablante à l’encontre de la partie civile, la cour d’appel a littéralement anéanti point par point la motivation de la décision de première instance.

En résumé, selon le tribunal correctionnel, le harcèlement avait débuté soudainement et de manière parfaitement inattendue au lendemain d’un intérim assuré en janvier 2010 par le salarié et auto-qualifié de « succès total » par celui-ci, en raison de la soi-disant jalousie de sa supérieure hiérarchique qui se serait sentie menacée dans son poste de numéro 1.

Cette thèse sur laquelle reposait tout le raisonnement des premiers juges ne résistait pas à une confrontation sérieuse avec les faits. L’arrêt a relevé ainsi que « le plaignant a fait remonter ses griefs au mois de mars 2009 » [18]. Une telle allégation de l’intéressé contredisait la thèse retenue par les premiers juges d’un harcèlement qui aurait été déclenché par l’intérim de janvier 2010. Selon les propres dires du salarié, de toute évidence ses difficultés avaient commencé début 2009, soit longtemps avant l’intérim de janvier 2010.

L’arrêt souligne en particulier que la déléguée avait « relevé chez celui-ci ‘d’importantes carences’ provoquant un déficit de rendement et noté qu’il ne satisfaisait pas aux attentes du poste de délégué adjoint, ce qui lui avait été signifié dès l’évaluation de février 2010 et même auparavant par courriers des 4 et 10 décembre 2009 ; qu’au reste, Marc Hélias a lui-même tiré les conséquences de ces observations en suivant des formations adaptées durant les années universitaires 2013-2014 et 2014-2015 » [19].

Les juges d’appel relèvent par ailleurs que « Marc Hélias ... a confirmé s’être installé en famille au Mans à partir de 2009 tout en devant assurer son emploi à Paris » [20], soulignant ainsi l’impossibilité qui était la sienne de pouvoir assurer effectivement ses fonctions tout en résidant à plusieurs centaines de kilomètres de son lieu de travail.

S’agissant des difficultés apparues en 2009, après avoir noté que « Marc Hélias fait en particulier grief à la prévenue d’avoir omis de lui communiquer, ainsi qu’au chauffeur de la délégation Sylvain Maufène et à deux autres agents du département communication, l’agenda d’un ministre en visite en novembre 2009, lequel le leur aurait reproché, ce qui les aurait mis en porte à faux ainsi qu’ils l’ont exprimé dans un courrier du 3 décembre suivant » [21], l’arrêt a exclu toute qualification de harcèlement moral de ce chef en considérant qu’«  alors que le caractère volontaire de l’omission reprochée à la déléguée générale n’est nullement démontré », il ressortait du dossier que les informations n’avaient été communiquées à la prévenue elle-même qu’à la dernière minute [22].

En outre, entre autres reproches, le plaignant invoquait diverses mesures de réduction de ses fonctions et attributions. La cour d’appel les a écartées en constatant qu’il s’agissait de mesures qui s’imposaient à la déléguée ou qui étaient objectivement justifiées : la « destitution du poste d’adjoint » résultait d’un arrêté ministériel, comme l’avait constaté un jugement du tribunal administratif de Paris [23] ; la décision de suspendre le plaignant « à titre conservatoire de ses fonctions de chef du bureau de la communication » était une « solution destinée à faire fonctionner le service tout en trouvant un poste adapté à sa situation » qui avait été prise par la déléguée « avec l’aval du Président (polynésien) après avoir relevé chez celui-ci ‘d’importantes carences’ provoquant un déficit de rendement » [24] ; « la « rétrogradation » du poste de chef du département de la communication à celui de chargé de communication imputée par la partie civile à sa supérieure hiérarchique » était justifiée par le « fait que la décision en a été prise le 13 juin 2012 par le président de la Polynésie française lui-même, après que le rapport de la Cour des comptes avait révélé le 28 juin 2011 un « dysfonctionnement général de la structure » et relevé l’absence de résultats tangibles de la mission pour le développement de la Polynésie française dont Marc Hélias était responsable dès avant l’arrivée de la déléguée » [25].

La cour d’appel a rejeté les autres allégations de l’intéressé par une motivation circonstanciée d’où il résulte que le manque de réactivité du plaignant, ses carences, voire sa volonté d’obstruction au chef de service, étaient manifestes.

Il avait notamment refusé de participer à un « séminaire de tout le personnel de la Délégation le 3 février 2011 » durant lequel il devait présenter le bilan de son département, « au prétexte de la couverture durant une heure ce jour-là du passage d’un ministre connu de longue date » ; marquant son opposition ouverte à la déléguée, il avait également boycotté « la séance de ’rattrapage’ la semaine suivante » [26].

La cour a également écarté les reproches reposant sur des tâches prétendument confiées à la dernière minute au salarié, alors qu’il était avéré que le plaignant en avait été avisé plusieurs mois à l’avance par la déléguée, contraignant cette dernière à lui imposer des délais impératifs [27].

Dans un autre registre, la cour d’appel a refusé d’accorder crédit à l’allégation de l’intéressé selon laquelle une altercation avec sa supérieure hiérarchique aurait été à l’origine de son premier arrêt de travail, au motif que « c’est Marc Hélias lui-même, arrêté par son médecin traitant non pas le jour mais deux jours après l’altercation téléphonique du 11 mai et seulement du 14 au 21 mai » qui avait « en réalité repris son travail dès le lendemain pour, le 23 mai, se mettre à la disposition du cabinet du président afin d’assurer l’intérim de sa cheffe » [28].

Convaincus des manipulations du plaignant, les juges d’appel n’ont pas plus accordé foi aux nombreux arrêts maladie de l’intéressé non plus qu’à l’avis de l’expert psychiatre désigné par le parquet qui relevait « un ‘état dépressif sévère’ nécessitant la reprise d’un suivi spécialisé ». Car, bien que l’intéressé ait déclaré « au corps médical que son état de santé est dû au comportement harcelant » de la déléguée, l’arrêt a relevé qu’il s’était soudainement remis de sa dépression portant jugée sévère, « à peine Gaston Flosse nouvellement réélu président de la Polynésie française ». En effet, dès le retour au pouvoir de son mentor politique, le salarié « a été autorisée à sa demande à reprendre son travail à plein temps dès le 28 mai 2013, sollicitant le 5 juin du président la confirmation de sa réintégration dans ses anciennes fonctions de délégué adjoint et de chef de bureau de la communication à la Délégation parisienne de la Polynésie française » [29].

Compte tenu du nombre impressionnant de consultations psychiatriques établies par plusieurs médecins, cela met au demeurant en exergue le manque de fiabilité des examens psychiatriques qui, finalement, ne reposent que sur les dires des plaignants.

Il est par ailleurs remarquable que l’absence de caractère contradictoire des travaux d’expertise ordonnés par le parquet a permis à la partie civile de peser lourdement sur l’équité du procès.

Dès lors, ce n’est qu’en raison d’une instruction très approfondie à l’audience d’appel et de la persévérance des conseillers de la cour de Paris à aller au fond des choses que la vérité a pu être rétablie.

La leçon à tirer de cet arrêt qui devrait faire jurisprudence est que le délit de harcèlement moral, tout comme les accusations en matière sexuelle, doit être appréhendé avec de grandes précautions et qu’il est absolument nécessaire qu’il soit corroboré par des éléments objectifs.

A défaut, certaines parties civiles particulièrement malveillantes et habiles, peuvent édifier des constructions intellectuelles et faire condamner à tort des chefs ou des cadres d’entreprise.

Dans cette affaire, la cour d’appel a considéré in fine que la partie civile principale avait mené à l’encontre de la déléguée « une véritable entreprise de déstabilisation » [30], semblant bien admettre implicitement que celle-ci avait été victime d’une escroquerie au jugement.

François Jacquot Avocat au Barreau de Paris Docteur en droit

[1Caractérisée selon l’article 222-33-2 du Code pénal par « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». L’article L. 1152-1 du Code du travail adopte la même définition.

[2Comme l’a relevé la décision de première instance (jugement du 18 décembre 2014 du tribunal correctionnel de Paris) : « Créée en 1971, la délégation de la Polynésie française à Paris a pour vocation d’assurer la représentation institutionnelle de ce territoire d’outre-mer en France et en Europe. La délégation est un service déconcentré de la présidence de ce territoire destiné à accueillir les polynésiens en France métropolitaine, les aider et promouvoir Tahiti et ses îles dans le cadre de son développement économique, culturel et social. A ce titre, elle assume un rôle de relais des actions engagées par le gouvernement de la Polynésie française et entretient des liens privilégiés avec les étudiants polynésiens et la communauté associative de ses ressortissants. Placée sous l’autorité du délégué, elle regroupe, outre la direction et le secrétariat, quatre bureaux au 28 boulevard Saint Germain dans le 5ème arrondissement de Paris, le bureau chargé des communautés et des animations, le bureau de l’administration, le bureau de la communication et le bureau des actions sectorielles ».

[3Jugement, p. 6.

[4Jugement, p.7.

[5Jugement, p. 8.

[6Jugement, p. 8.

[7Jugement, p. 8.

[8Jugement, p. 8.

[9Jugement, p. 8.

[10Jugement, p. 8.

[11Arrêt, p. 8.

[12Arrêt, p. 8.

[13Arrêt, p. 9.

[14Arrêt, p. 8.

[15Arrêt, p. 9.

[16Arrêt, p. 13.

[17Jugement, p. 9 : « Quoiqu’il en soit le dossier montre une claire descente aux enfers administrative qui ne semble justifié par aucun élément objectif ».

[18Arrêt, p. 9.

[19Arrêt, p. 12.

[20Arrêt, p. 10.

[21Arrêt, p. 9.

[22Arrêt, p. 11 : « Mais considérant que Mme Salmon a justement fait valoir que l’agenda d’ailleurs provisoire de M. Philip Schyle, arrivé à Paris le 29 novembre à 17 heures 15, ne lui avait été communiqué par le cabinet ministériel que le 27 novembre en fin de journée, soit « à la dernière minute » en sorte que c’est toute la délégation parisienne, la déléguée en premier lieu, qui a dû s’adapter comme à l’accoutumée au rythme du ministre ; qu’au surplus, la partie civile ne justifie ni d’éventuels reproches du ministre, ni des difficultés qu’il aurait rencontrées du fait d’une information tardive dans l’exécution de son travail ; qu’en tout état de cause, alors que le caractère volontaire de l’omission reprochée à la déléguée générale, n’est nullement démontré, il ressort du courrier susvisé de M. Gaston Tong Sang en date du 7 janvier 2010, produit par Marc Hélias lui-même, que les programmes des personnalités reçues à la délégation étaient jusqu’au dernier moment susceptibles d’évolution, ce qui ne peut être retenu à la charge de la déléguée ».

[23Arrêt, p. 11 : « Considérant, sur la ‘destitution’ du poste d’adjoint, qu’il ressort du jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2013 que la déléguée générale a été tenue de tirer les conséquences de l’arrêté abrogatif du 1er juillet 2011 confiant les fonctions de délégué adjoint au responsable du bureau de l’administration en constatant la caducité de l’arrêté n° 2679 du 7 septembre 2007 ayant porté Marc Hélias au poste d’adjoint ».

[24Arrêt, p. 12.

[25Arrêt, p. 11.

[26Arrêt, p. 12.

[27Arrêt, p. 12 : « Alors que le plaignant reprochait à Mme Salmon d’avoir imposé le 11 mai 2011 à son adjoint de présenter le plan de communication global pour le 16 mai suivant quand un délai d’au moins huit jours lui aurait été nécessaire pour compléter son projet de novembre 2010, il apparaît que M. Hélias a attendu d’être relancé par mail de la déléguée du 18 février 2011, puis par téléphone le 11 mai pour, finalement, reprocher à cette dernière l’absence de directive et la pression d’un trop bref délai, alors que sa fiche de poste comportait précisément cette mission et que l’élaboration des perspectives 2011 avait fait l’objet, pour chaque département, du séminaire du 3 février 2011 ».

[28Arrêt, p. 12.

[29Arrêt, p. 13.

[30Arrêt, p. 13.