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Salariés, cadres : les nouveautés de la loi Travail en matière d’agissements sexistes et de harcèlement moral. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : mercredi 16 novembre 2016
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La loi Travail / El Khomri n°2016-1088 du 8 août 2015 comporte des dispositions visant à renforcer la lutte contre les agissements sexistes dans les entreprises. Elle aligne aussi le régime de la preuve du harcèlement sexuel sur celui de la discrimination. Enfin, elle renforce les sanctions en cas de licenciement nul lié à un harcèlement sexuel, en cas de licenciement discriminatoire ou lié à un état de grossesse.

1) Une protection accrue contre les agissements sexistes

La loi n°2015-994 du 17 août 2015 a introduit la définition de l’agissement sexiste : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (article L. 1142-2-1 du Code du travail).

L’agissement sexiste est défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Il s’inscrit dans les dispositions sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes figurant dans le titre IV du Code du travail.

La loi du 17 août 2015 prohibe les agissements sexistes mais ne prévoyait aucune sanction à ce texte.

La loi de 8 août 2016 veut assurer une protection accrue contre les agissements sexistes ; à cet égard, elle prévoit 3 dispositions pour rendre plus effective la lutte contre les agissements sexistes.

Tout d’abord, dans le cadre de son obligation d’assurer la sécurité et la santé mentale des salariés, l’employeur doit planifier la prévention liée aux agissements sexistes au même titre que pour les risques liés au harcèlement moral et sexuel (article L. 4121-2 du Code du travail).

Par ailleurs, le CHSCT peut aussi proposer des actions de prévention des agissements sexistes. Si l’employeur refuse les actions proposées par le CHSCT, ce refus devra être motivé (article L. 4612-3)

Enfin, le règlement intérieur de l’entreprise doit mentionner les dispositions sur l’interdiction des agissements sexistes (article L. 1321-2 du Code du travail).

2) Un régime de preuve assoupli pour la victime de harcèlement moral ou sexuel

L’article 3 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel est identique à celui de la discrimination.

Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Auparavant, le salarié devait « établir » des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav . art. L. 1154- du Code du travail).

3) Une sanction plus sévère du harcèlement sexuel : cumul de l’indemnité minimale de 6 mois de salaires et du rappel de salaire pendant la période couvrant la nullité du licenciement (art. L1235-3-1 du Code du travail)

Outre une indemnité minimale pour licenciement nul, le salarié qui a subi des actes de harcèlement sexuel, aura droit à un rappel de salaire pendant la période couvrant la nullité du licenciement.

En effet, l’article 123 de la loi Travail créé un nouvel article L. 1235-3-1 du Code du travail qui dispose que : lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Autrement dit, non seulement le salarié pourra cumuler une indemnité minimale pour licenciement nul qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire et un rappel de salaire couvrant la période de nullité (c’est-à-dire entre la date de notification du licenciement et la date de notification du jugement du conseil de prud’hommes ou l’arrêt de la cour d’appel).

Ce rappel de salaire pourra être très important car il peut s’écouler plusieurs années (4 ou 5 ans voire plus) entre la notification d’un licenciement et le jugement du conseil de prud’hommes ou l’arrêt de la cour d’appel qui déclare le licenciement nul.

L’article L. 1235-3-1 s’applique aux licenciements suite à un harcèlement sexuel (L. 1153-2 du Code du travail), aux licenciements liés à l’état de grossesse (L. 1225-4 et L. 1225-5 du Code du travail) et aux licenciements discriminatoires (L. 1132-1 du Code du travail).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum