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Ma Fiscalité, quand un avocat co-fonde une start-up.
Parution : vendredi 25 novembre 2016
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Ma Fiscalité est une startup co-fondée par Eve d’Onorio di Méo, Avocat spécialiste en droit fiscal, et Jean René Alonso, Entrepreneur dans le marché de la relation-client, afin de démocratiser l’accès au droit fiscal.
Alliance entre des compétences juridiques et digitales, ce projet d’entreprise a pour objet de mettre à disposition de ses clients de l’information fiscale fiable et simplifiée, des modèles de documents, des simulateurs fiscaux, une assistance à la déclaration fiscale mais aussi à terme d’offrir la possibilité d’être mis en relation avec un avocat fiscaliste de leur choix.

Lancée le 16 novembre 2016, cette première version beta de Ma Fiscalité était présentée lors du 1er Village de la LegalTech les 16 et 17 novembre 2016 à Paris. La version publique sortira mi-décembre.
La spécificité de Ma Fiscalité [1] est qu’elle a été co-fondée par Eve d’Onorio di Méo, avocate passionnée d’innovation juridique, gagnante du Prix du Public de l’innovation en relation-client du Village de la Justice 2016. Associée minoritaire, telle que la déontologie de sa profession le permet, elle a cœur de mener ce projet d’entreprise et nous en dit plus dans cette interview.

Laurine Tavitian : Pourquoi avez-vous fait le choix de co-fonder une start-up ?

Eve d’Onorio di Méo : Tout simplement, parce que j’avais envie d’aller plus loin dans ma passion d’innovation juridique et qu’en la matière, il y a certaines choses qui sont possibles, d’une part pour les avocats, et d’autre part pour les LegalTech. Un avocat peut, via un site internet, proposer une prestation, délivrer un conseil juridique mais il ne peut pas faire un acte de commerce tel que la vente de documents, il ne peut pas non plus utiliser certains noms de domaine parce que déontologiquement c’est interdit par l’article 10.5 du RIN. Cela représente un certain frein à la démocratisation du droit.
La LegalTech de l’autre côté peut vendre des documents juridiques, avoir un nom de domaine plus axé marketing, ou commercial mais pour autant elle ne peut pas délivrer de prestation ou de conseil juridique. Elle ne peut que se limiter à de l’information juridique et ensuite potentiellement référencer des avocats qui pourront délivrer ce conseil. Elle a finalement plus de latitude et peut devenir très performante si la collaboration avec les avocats est bien encadrée et efficace.

"Avec la LegalTech on peut aller plus loin dans l’accès au droit (...)"


Avec la LegalTech on peut aller plus loin dans l’accès au droit car même si notre déontologie est un socle et une garantie pour l’accès au droit, elle nous empêche de le démocratiser.
Je pense aussi qu’un avocat seul, sans compétences digitales et commerciales, n’aura pas les idées de développement, une vision marketing et commerciale parce qu’il est quand même cloisonné dans sa culture juridique.
Enfin, je voulais vivre une aventure plus entrepreneuriale au travers de ce projet non avocat mais qui vise un domaine que je connais bien.

L.T. : Quels étaient les règles déontologiques à respecter pour pouvoir co-fonder cette start-up ?

E. O. M. : La seule possibilité pour un avocat d’être dans une société commerciale est d’être associé minoritaire et de ne pas avoir de mandat de direction, ce qui est mon cas. Cela est amené à évoluer avec le décret 2016-882 du 29 juin 2016. Autre obligation : je ne pouvais pas être référencée en tant qu’avocat fiscaliste sur le site, mais de toute façon ce n’était pas l’objectif de mon initiative.

"La vraie valeur ajoutée est dans la collaboration de ces deux mondes."


Mais au-delà de ce qui est permis par la déontologie, mon idée était de réaliser une véritable collaboration et que cette société soit la vraie rencontre de 2 mondes : celui de l’expert juridique et celui de l’expert digital et commercial. C’était donc aussi une volonté de pouvoir associer ces deux valeurs ajoutées. Par exemple, le nom de domaine a un aspect commercial et il a été pensé par mon associé. La vraie valeur ajoutée est dans la collaboration de ces deux mondes.

L. T. : Dans la prise de décision, est-ce que le fait d’être associé minoritaire a changé quelque chose ?

E. O. M. : Non, on a vraiment travaillé sur un pied d’égalité et pris chacun des décisions stratégiques sur des points différents. Il y a eu des moments où on était en opposition car j’étais le garant de la déontologie et que je mettais pas mal de frein à la vision commerciale du projet. Ce qui était important c’était de mettre sur pied une legal start-up qui respecte strictement la réglementation de la profession d’avocat. Car mon but n’est pas de déshabiller l’avocat ou d’aller à l’encontre de l’avocat. C’est au contraire de promouvoir la matière fiscale et le conseil fiscal qui doit être donné par un avocat fiscaliste.

L. T. : En quoi, est-il indispensable pour une start-up comme Ma Fiscalité de disposer d’un expert juridique ?

Pitch d’Eve d’Onorio di Méo lors du Village de la Legal Tech le 16 novembre 2016 à Paris

E. O. M. : Pour différents points. Le premier est la connaissance de la matière qui est assez spécifique et complexe. La recherche et l’identification du besoin du client à mon sens ne peut venir que d’un professionnel du droit et du chiffre qui sait ce dont ses clients ont besoin, ce qu’ils vont rechercher.
Le deuxième point c’est la création du contenu initial présent sur le site. Tout le contenu d’information, les modèles de documents et les fiches explicatives, je les ai moi-même créés. A mon sens, seul un expert juridique peut le faire (professionnel du droit ou éditeur).
Le troisième point concerne la déontologie qui représente la garantie d’un meilleur accès au droit.
Le quatrième point est lié au précédent, la plupart des legal start-up ont plutôt tendance à automatiser des tâches pour que finalement l’internaute puisse faire tout tout seul sans avoir besoin d’avocat. Malgré leur discours, on sent que l’avocat est mis à l’écart dans certaines legal start-up. Avec Ma Fiscalité, on a fait le choix de ne pas mettre en ligne de document automatisé. D’une part, c’est très complexe à mettre en place et nous n’aurions pas pu le faire sur tous. Il y a bien trop de variables et cela n’aurait pas été efficace.

"Notre volonté est de replacer l’avocat fiscaliste sur le devant de la scène."

D’autre part, notre volonté est de replacer l’avocat fiscaliste sur le devant de la scène car nous considérons que lui seul est à même de donner un conseil fiscal. L’expert-comptable, le notaire ou le conseiller en gestion de patrimoine peuvent apporter une première assistance aux contribuables, et nous proposons d’ailleurs une solution pour ces experts, mais le conseil fiscal doit être donné par l’avocat.

L. T. : Avez-vous acquis des compétences technologiques particulières afin de développer l’offre de Ma fiscalité ?

E. O. M. : Oui, car en créant le site avec l’agence de communication et de design, on pense et on réalise le projet ensemble avec des visions différentes d’ailleurs. On apprend à réfléchir et concevoir le parcours client, par exemple, ou les modalités de monétisation du contenu. Et après, il y a tous les aspects technologiques liés au back office du site qui comprend tous les espaces perso. On est confronté à un certain langage qui n’est effectivement pas le langage employé dans un cabinet d’avocats. Finalement, c’est la découverte de l’entreprise sous tous ces aspects !

Propos recueillis par Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice
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