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Les juristes, utiles et nécessaires pour faciliter la transition écologique ? Par Thibault Turchet, Juriste.
Parution : mercredi 7 décembre 2016
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Notre société est en pleine transition écologique : si celle-ci est amorcée depuis quelques années, il lui faut désormais prendre son envol.
De nombreuses compétences sont donc nécessaires dans cette action : politistes, techniciens, sociologues, naturalistes, économistes et bien d’autres… et aussi les juristes !
Face à ce constat, nous vous proposons une réflexion sur le rôle des juristes en droit de l’environnement dans cette transition, en particulier ceux exerçant au sein d’associations.

Cet article s’inscrit dans le cadre de notre chronique régulière valorisant le rôle d’acteur de la société que le juriste peut avoir, au-delà de son métier spécifique. Retrouvez les autres chroniques sur ce sujet en bas d’article.

L’ essor de la transition écologique est constitué à la fois de frugalité, de modification profonde des processus de productions et de protection de l’environnement. Moins polluer et mieux protéger conduisent in fine à un changement radical dans notre rapport à la richesse, à la nature et aux rapports sociaux.
Cette transition n’est néanmoins pas encore acquise et se conquière notamment avec les militants qui créent l’alternative, l’amènent sur le devant de la scène, et la défendent. De nombreuses compétences sont donc nécessaires dans cette action dont celle des juristes.

I. Le temps des juristes militants.

Il pourra y avoir des sceptiques chez les juristes, tout comme chez les militants non juristes et le grand public, sur l’importance du droit à ce sujet. Il est vrai que plusieurs clichés parfois difficiles à déconstruire collent à la peau des étudiants et professionnels du droit.
Le juriste est souvent perçu (à tort ou à raison) comme un empêcheur de tourner en rond (parfois aussi par manque d’effort des initiés...), comme un personnage bloquant l’initiative ou encore comme une figure austère incapable de s’engager pour une cause... et encore moins pour la protection de l’environnement.

Et pourtant, c’est tout l’inverse. Le droit est une science sociale qui peut être complexe certes, mais il est tout à fait possible de s’adresser à un juriste, pour peu qu’il prenne la peine d’expliquer clairement les choses.

Il est également bien connu que le rôle du juriste est aussi d’alerter sur ce qu’il est possible (ou pas !) de faire, et dans quelle mesure une action peut présenter des risques : plutôt utile pour peu qu’on lui laisse un peu de marge de manœuvre et qu’on ne le consulte pas au dernier moment.

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes étudiants ou de professionnels du droit (avocats, juristes en entreprise, en association, etc.) sont tout à fait engagés et militants, et apportent des résultats concrets en démontrant qu’il n’y a pas d’antinomie là-dedans.

Titulaire du CAPA et étant depuis plus d’un an juriste dans une association agréée de protection de l’environnement, je tiens à témoigner de cette reconversion pleine de succès et d’épanouissement. Chaque jour, je constate combien cette compétence sert dans de nombreux aspects de la transition écologique, et est activable sur des actions variées.
Concrètement, dans quelles actions le juriste est-il pertinent ?

II. Les activités du juriste en association.

Il y a tout d’abord l’opposition : le juriste a sa place dans l’opposition contre ce qu’on on ne veut pas, pour la protection de l’environnement. Contester des décisions publiques, des projets voire intenter des recours judiciaires et pénaux, voilà toute une palette dans l’aspect « lutte » de la transition écologique et sociale de notre pays. Le juriste en association peut à ce titre aider les associations « locales » à y voir plus clair dans les procédures (enquêtes publiques, analyse d’autorisations, rédaction de requêtes ou parties de requête…), ou agir directement au nom de son association, notamment lorsqu’elle est agréée.

Il y a ensuite l’amélioration : la production législative et réglementaire est fleuve dans tous les domaines environnementaux. Et il y a fort à faire pour que cette production réglementaire reste ambitieuse et progresse réellement. C’est donc dans le plaidoyer (ou « lobbying ») que le juriste peut être utile, en support (préparation de réunions, d’arguments) ou directement (amendements, propositions de rédactions, réunions, etc.).

La crédibilisation : d’une façon générale, il peut aussi être utile de recourir au langage juridique dans son acception « technocratique », ce qui permet de crédibiliser le discours et/ou la structure. Cela est profitable tant aux associations peu structurées qui ont du mal à accéder aux décideurs publics (Préfets, Maires, etc.), qu’aux associations bien présentes dans le paysage institutionnel. Plus globalement, le juriste en association détient un rôle « chapeau » tenant à faciliter l’accès au droit et sa compréhension pour le grand public (fiches pratiques pour néophytes, enrichissement de documentations diverses, etc.).

L’accompagnement et la sécurisation des alternatives : les start-ups et autres « entrepreneurs » sont légion et ont besoin d’aide juridique de tous types. Ce domaine dépasse celui du droit de l’environnement, puisque l’entreprise privée a également besoin de droit des sociétés, de droit social, etc.
Rédiger des guides réglementaires, en open source ou pas, sur des secteurs identifiés, peut ainsi permettre de débloquer des freins pour des dizaines de projets, accélérer leur mise en route et surtout en sécuriser le fonctionnement.

III. Appréhender un sujet dans sa globalité.

Le juriste en association, en support ou en propre, doit donc dialoguer avec plusieurs types d’interlocuteurs (associations locales, entrepreneurs, institutions publiques et politiques, etc.), et dans des buts variés : s’opposer, proposer, aider, sécuriser…

Il s’agit également d’un métier différent de celui d’avocat ou de juriste en entreprise. Bien souvent, l’association œuvre sur une thématique précise (déchets, biodiversité, eau, énergie, etc.) qu’il faut étudier et maîtriser au-delà de ses seuls tenants juridiques.
Dans un tel contexte, le juriste ne peut en effet pas se contenter de son savoir spécifique isolé : il doit chercher à comprendre un secteur, une discipline et en maitriser les aspects institutionnels et politiques, les enjeux, les chiffres.

De plus en plus d’étudiants prennent cette voie, tout comme de « jeunes professionnels » du droit qui entament leur reconversion pour un métier avec plus de sens.
La balle est désormais dans le camp des recruteurs...

NDLR : l’intégralité de l’article est à retrouver au lien suivant : Les juristes, facilitateurs de la transition écologique et sociale ? Conseils aux étudiants, jeunes professionnels du droit et associatifs !

Thibault Turchet, Juriste - Zero Waste France
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