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Avocats : les legaltech, c’est maintenant !
Parution : lundi 13 mars 2017
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Le développement des legaltech [1] s’est rapidement accéléré et touche de près l’activité des avocats. Après un premier mouvement de défiance, commence aujourd’hui à apparaître de l’intérêt et même, des partenariats entre les professionnels et les nouveaux acteurs du marché du droit. C’est dans ce contexte que le Village de la Justice et l’association Open Law le Droit ouvert ont organisé un « Village de la LegalTech », dans le cadre du Paris Open Source Summit, en novembre dernier. Ce salon a ainsi permis de faire un point sur ce qui se fait, et surtout sur ce qui se fera. Car il est indispensable pour les avocats d’appréhender rapidement les changements que créeront ces technologies, et ce qu’elles peuvent leur apporter.

Rythmés par des conférences, des pitch d’acteurs de la legaltech et des ateliers, ces deux jours ont accueilli 800 visiteurs. Un succès pour cette première édition (seconde Edition en décembre 2017), qui démontre l’importance de ce sujet dans le milieu juridique, et notamment pour les avocats. Ceux-ci pourront en effet en retirer de nombreux avantages, que ce soit dans leur relation-client, la gestion interne du cabinet ou l’évolution générale de leur métier.

La relation-client, encore et toujours

Rui Cabrita, Avocat Associé, finaliste du Prix de l’innovation des Avocats du Village de la Justice 2016

L’axe principal de développement des avocats, à l’heure actuelle, doit rester le client. C’est en effet le nerf de la guerre : que veut-il ? Quels moyens souhaite-t-il utiliser pour accéder à l’avocat ? Mais surtout, comment l’avocat va-t-il atteindre le client qu’il ne touche pas jusqu’ici ? Les legaltech sont là pour donner un coup d’accélérateur au développement de la clientèle présente sur Internet. «  On voit de plus en plus de sites web d’avocats ou des avocats qui proposent des outils qui vont faciliter la prise de communication, la demande de devis détaillé ou même les premiers échanges de documents, explique Rui Cabrita, avocat fondateur du cabinet SoLegal, lors de la conférence inaugurale du salon consacrée aux impacts de ces technologies sur la pratique et les métiers droit. C’est une première technologie pour aller à la rencontre du client, notamment lorsque ce client a comme première démarche d’aller sur le web et pour qui le web est une première ressource. Les outils technologiques des avocats vont essayer de capter ce flux de clientèle. » Plus poussés, ces outils internes permettent aussi de créer des espaces dédiés aux clients, afin de permettre une meilleure communication et une meilleure gestion interne au cabinet.

Quelles sont maintenant les nouveautés ? Celle dont on parle beaucoup en 2016, c’est la justice prédictive, dont se sont déjà saisies certaines legal start-up. Les objectifs sont multiples : réduire l’insécurité juridique, déjudiciariser une certaine partie des contentieux, … Mais surtout, servir l’avocat, et son client. « Le vœu est de restituer une tendance utile au client et à l’avocat, confirme Rui Cabrita. En tant qu’avocat, nous avons l’approche technique. Après il y a les données de fait du dossier. Et ce type d’outils va permettre à l’avocat de ne pas se limiter à son travail technique, et de donner cette restitution que nos clients nous demandent tous à un moment : ‘quel est votre retour d’expérience ?’. Et ce, pour tous les sujets techniques qui dépendent de considérations factuelles, comme le droit social, le droit de la famille, ou même la fiscalité. » L’enjeu est maintenant de constituer une base de données suffisamment large pour obtenir les meilleurs résultats, grâce à l’ouverture de la jurisprudence.

Un gain de productivité à réinvestir

Le client « mis à part », l’avocat seul a beaucoup à gagner à dompter les legaltech. Car un message essentiel est à retenir : elles ne sont pas là pour remplacer l’avocat, mais pour l’aider et lui permettre d’évoluer, de changer l’organisation classique des cabinets, de se consacrer à des tâches plus complexes, voire à des nouvelles activités. « Dans les cinq ans, je prédis un gain de productivité essentiellement lié à un gain de temps dans les recherches, dans la production de livrables aux clients, et au knowledge interne, affirme Rui Cabrita. Et qu’en faire ? Il faut l’investir, pour essayer de conquérir de nouveaux marchés, réfléchir à de nouvelles missions. C’est le lot quotidien de tout entrepreneur : on peut avoir une maitrise sur ce qu’on sait faire, sur ce qu’on veut faire, mais on ne maitrise pas ce que veulent faire les autres. Cette logique va devoir être intégrée par les avocats, malgré tout l’historique lié à l’indépendance de notre profession et à la façon dont elle a été conçue jusqu’à présent. »
Les legaltech pourront permettre de valoriser le travail de l’avocat. C’est notamment ce qui est envisagé avec la blockchain et son application aux smart contracts : l’exécution pure étant abandonnée à la technique, l’avocat et son expertise seront indispensables dans l’étape de conseil et d’élaboration du contrat, afin de s’assurer de son efficacité. Reste maintenant à apprendre comment fonctionnent ces technologies.

La priorité, les comprendre et s’en saisir

Il est en effet essentiel que tous les juristes, y compris les avocats, comprennent le fonctionnement de ces legaltech. D’une part pour savoir de quoi on parle, mais également pour en saisir toutes les implications et savoir les utiliser au mieux, pour leur propre bénéfice. La formation doit devenir un souci essentiel, de l’école d’avocat à la formation continue. Il faut maintenant déterminer jusqu’où doit aller la maitrise : l’avocat va-t-il devoir apprendre un tout autre métier que le sien ?
Pas nécessairement. Car si le développement de legaltechs par les avocats eux-mêmes pose des questions de moyens financiers, il pose aussi des questions de temps. « Je vois mal comment créer quelque chose tout seul en cabinet, sauf à faire quelque chose qui relève de l’accessoire, confirme Rui Cabrita. Le juriste seul peut innover dans la relation client, mais il ne pourra jamais égaler les legaltech dans le produit juridique, du moins pas tant que nous ne pouvons pas faire de lever de fond. Que les avocats sachent coder sera peut-être utile pour parler avec un data scientist, mais si c’est pour délaisser notre fonction première, cela ne sert à rien. Au quotidien, nous avons déjà suffisamment de travail sur le plan technique et sur le plan relation client. » C’est donc là que la coopération et les partenariats avec les legal start-up prennent tout leur sens.

Les avocats sont aujourd’hui à la croisée des chemins : face à ce foisonnement incessant de nouvelles applications, technologies ou nouveaux services, le métier tel qu’il est pratiqué aujourd’hui va – et doit – changer. Ce qu’il deviendra dépendra uniquement … de vous.

Article initialement publié dans le Journal du Village de la Justice n°79.

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice

[1Une entreprise de la legaltech s’entend comme une organisation qui propose, fournit et/ou développe des technologies au service du droit pour de l’accès à la justice.

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