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Le nouveau divorce par consentement mutuel. Par Didier Reins, Avocat.
Parution : lundi 23 janvier 2017
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Le divorce par consentement mutuel vient d’être considérablement simplifié. Il est aujourd’hui possible de divorcer aussi simplement que l’on se marie. La procédure ne se passe plus au tribunal et est accélérée puisque l’on peut ainsi divorcer en un temps record : moins d’un mois !
Explications.

La procédure de divorce par consentement mutuel vient de subir un toilettage en profondeur grâce à la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui met en place un mécanisme extrajudiciaire, c’est-à-dire sans l’intervention d’un juge.
Il s’agit là d’une simplification tout à fait bénéfique au justiciable qui échappe ainsi aux lenteurs de la procédure judiciaire.

Auparavant, lorsqu’il était nécessaire de passer par le tribunal pour divorcer par consentement mutuel, les délais judiciaires étaient souvent fort longs en raison de l’encombrement et de la saturation des tribunaux.

Divorcer par consentement mutuel pouvait ainsi durer plusieurs mois. Dorénavant, il est possible de divorcer en un mois !

Concrètement, les choses se passent ainsi qu’il suit.

1. La présence obligatoire de deux avocats.

Chaque époux devra être assisté d’un avocat.
Auparavant, lorsque les époux souhaitaient divorcer par consentement mutuel devant un juge, ceux-ci pouvaient avoir le même avocat.

Cela n’est plus possible aujourd’hui pour une raison simple :
- Lorsque les époux recouraient au même avocat, le juge était là pour vérifier que les mesures prises par ces derniers étaient équitables et conformes aux intérêts de chacun des époux. Il s’agissait donc de vérifier qu’aucun d’entre eux n’avait fait pression sur l’autre pour lui imposer des choix lésionnaires, c’est-à-dire contraires à ses intérêts ;
- Aujourd’hui, en l’absence de juge pour vérifier que la convention de divorce est conforme aux intérêts de chacun, il faut donc confier ce soin à une autre personne. D’où la présence d’un second avocat.

Chaque avocat assistera donc l’un des époux et veillera à ses intérêts, face à l’autre. Cela impliquera donc des discussions devant aboutir à une convention de divorce équilibrée.

A noter, un point important : la loi étant muette sur la question, rien n’empêche les époux de recourir à des avocats appartenant au même cabinet, c’est-à-dire travaillant dans les mêmes locaux.

Les avocats vont donc rédiger une convention de divorce qu’ils feront signer aux époux. Les avocats contresigneront, à leur tour, cette convention.

2. Les pièces à réunir.

Les époux doivent réunir et apporter à leurs avocats différentes pièces pour préparer le dossier.

Ces pièces sont les suivantes :
- une photocopie de leur pièce d’identité en cours de validité ;
- le livret de famille, s’ils l’ont conservé ;
- une copie intégrale de l’acte de mariage datant de moins de trois mois ;
- une copie intégrale de l’acte de naissance de chacun des époux, datant de moins de trois mois ;
- une copie intégrale de l’acte de naissance de chacun des enfants, datant de moins de trois mois ;
- le contrat de mariage s’ils en ont souscrit un en se mariant ;
- leurs justificatifs de ressources : fiches de paie, avis d’imposition, bordereaux de paiement de la CAF ou de tout autre organisme lorsque des allocations sont perçues ;
- un justificatif de domicile : facture d’eau, ou d’électricité, ou de gaz ou de téléphone ;
- les justificatifs de charges, tels que :

Une fois ces documents réunis et remis à leurs avocats, la convention pourra être rédigée.

3. La convention de divorce.

La convention de divorce est un contrat signé par les époux dans lequel ceux-ci déterminent les conséquences de leur divorce.
Il est essentiel que les époux s’entendent sur chacun des points abordés, et donc de les discuter ensemble, en présence de leurs avocats.

Les points figurant dans la convention de divorce devront être les suivants :

a) Le domicile conjugal.

La convention de divorce devra indiquer lorsque les époux vivent encore ensemble, qui quitte le domicile conjugal et qui y reste.

Bien entendu, les époux peuvent décider de quitter tous deux le domicile conjugal et de s’installer chacun à l’endroit de leur choix.
Très souvent, d’ailleurs, lorsque les époux décident de divorcer par consentement mutuel, ceux-ci sont déjà séparés et vivent donc chacun de leur côté.

b) La situation des enfants

Si les époux ont des enfants mineurs, trois points devront être abordés :
- l’autorité parentale : elle est généralement exercée conjointement par les deux parents ;
- la résidence des enfants : les époux devront décider ensemble s’ils mettent en place un régime de garde alternée ou s’ils fixent la résidence des enfants au domicile de l’un ou de l’autre. Dans ce dernier cas, il conviendra de fixer avec précision les modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement dont devra bénéficier le parent chez qui les enfants n’habitent pas ;
- la pension alimentaire : la pension alimentaire est une somme d’argent que verse le parent le plus fortuné à l’autre parent, pour lui permettre de subvenir aux besoins des enfants.

Attention : la mise en place d’une garde alternée n’exclut pas le versement d’une pension alimentaire.

Le montant de cette pension alimentaire sera fixée d’un commun accord entre les époux, et sur conseils de leurs avocats, en fonction des revenus et charges de chacun des parents.

La convention de divorce devra donc préciser ce montant ainsi que ses modalités de révision.

c) Le sort des biens meubles

Juridiquement, les biens meubles sont tous les biens achetés avant ou pendant le mariage par les époux, à l’exception du bien immobilier qui répond à un régime juridique particulier.

Ces biens meubles seront donc par exemple la télévision, les meubles de la cuisine, les armoires, le lit conjugal, les ustensiles de cuisine, etc.

La convention de divorce devra préciser les modalités de partage de ces biens.

d) La prestation compensatoire

La prestation compensatoire est une somme d’argent que verse l’époux le plus fortuné à l’autre époux, afin de pallier la différence des niveaux de vie qui est nécessairement induite par la séparation des époux.

Exemple :
Prenons un ménage au sein duquel Monsieur gagnerait 7.000,00 euros par mois et Madame gagnerait 2.000,00 euros par mois.
Durant le mariage, et durant la vie commune, le pouvoir d’achat de ces époux sera de 9.000,00 euros par mois.
Lorsque les époux se sépareront, Monsieur tombera de 9.000,00 euros par mois à 7.000,00 € tandis que Madame tombera de 9.000,00 euros par mois à 2.000,00 euros par mois.
Il est évident, dans cet exemple, que la chute est plus brutale pour l’un que pour l’autre.
Dans ces conditions, la loi a mis en place le versement d’une prestation compensatoire destinée à pallier la différence de ces niveaux de vie, et donc à amortir cette chute.

Attention : Le versement d’une prestation compensatoire n’est pas obligatoire et les époux peuvent décider de renoncer à tout versement en ce sens.

Quoi qu’il en soit, si l’époux le moins fortuné entend obtenir une prestation compensatoire, la convention de divorce devra en préciser le montant ainsi que les modalités de versement.

Cette prestation compensatoire sera fixée en fonction des revenus des époux, de la durée du mariage et de leur situation professionnelle.

e) Le sort des biens immobiliers

Si les époux ont acquis, avant ou durant leur mariage, des biens immobiliers, tel que le domicile conjugal ou tout autre bien immobilier mis en location, le sort de ces biens devra être réglé dans la convention avec précision notamment quant au partage de ces biens et quant à leur remboursement si des contrats de crédit immobilier sont actuellement en cours auprès d’un organisme bancaire.

f) Les obligations fiscales

La convention de divorce devra préciser de quelle manière les époux se répartissent le paiement des impôts, tels que l’impôt sur le revenu, les taxes d’habitation et les taxes foncières.
Un époux peut très bien décider de payer l’ensemble de ces taxes. Les époux peuvent également décider de se les répartir égalitairement.

Quoi qu’il en soit, il faut savoir qu’au regard du Trésor Public, chaque époux est solidairement tenu au paiement de ces taxes, dans leur intégralité. Cela signifie que si l’un des ex-époux ne respecte pas la convention et ne paie pas les impôts qui ont été mis à sa charge, le Trésor Public pourra se retourner contre l’autre ex-époux, pour réclamer paiement.

Il faut donc que la convention de divorce soit rédigée avec une extrême précision sur ces différents points.

g) Le nom de l’épouse

Lorsque les époux se marient, la femme a la possibilité de porter le nom de son conjoint.
Il s’agit là d’un droit et non d’une obligation, ce qui signifie qu’elle peut continuer à se faire appeler sous son nom de jeune fille.

Quoi qu’il en soit, au jour où les époux divorcent, ceux-ci doivent se mettre d’accord sur le port du nom marital.
En principe, l’épouse perd le droit de porter le nom de son époux car l’article 264 du Code civil dispose expressément : « A la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. »

Néanmoins, et fréquemment, l’épouse continuera à porter le nom de son conjoint, notamment lorsque les époux ont eu des enfants.
Cette possibilité est prévue à l’alinéa 2 de l’article 264 du Code Civil, qui précise :
« L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci ... s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants. »

La convention de divorce devra donc préciser si l’épouse continue ou non à porter le nom de son mari, étant précisé que ce dernier devra acquiescer à cette disposition.

Il sera, bien entendu, conseillé aux époux de prévoir que l’épouse puisse continuer à porter le nom de son mari lorsqu’il y a des enfants, afin précisément que l’épouse continue à avoir le même nom que ses enfants qui, par définition, porteront très souvent le nom de leur père.

h) Les frais

La convention de divorce devra également préciser de quelle manière les frais seront partagés.

Les époux peuvent décider de les partager égalitairement ou de les mettre à la charge de l’un d’eux.
La convention peut également prévoir une répartition inégalitaire comme, par exemple, 60 % des frais à la charge de l’époux et 40 % à la charge de l’épouse.

Toutes les combinaisons sont possibles, l’essentiel étant que les époux soient d’accord sur ce point.

4. Formalités postérieures à la rédaction de la convention.

Chacun des avocats adressera à son client le projet de convention par courrier recommandé avec accusé de réception.

Dès la réception de ce courrier par chacun des époux, un délai de réflexion de quinze jours devra être observé aux termes de l’article 229-4 du Code civil.
Cela signifie que les époux doivent attendre un délai de quinze jours avant de signer cette convention.

Une fois que ce délai de quinze jours sera passé, les époux pourront signer la convention et la retourner à leurs avocats respectifs.

Cette convention de divorce sera contresignée par chacun des avocats.

La convention sera établie en quatre exemplaires originaux, dont :
- l’un sera conservé par l’épouse
- l’autre sera conservé par l’époux
- le troisième exemplaire sera envoyé au notaire
- le quatrième exemplaire sera conservé par les avocats

5 Le dépôt au rang des minutes du notaire

Lorsque la convention de divorce aura été signée par chacun des époux ainsi que par leurs avocats respectifs, soit après l’expiration du délai de réflexion de quinze jours, l’un des avocats adressera cette convention dans un délai de sept jours au notaire choisi par les époux.
Le notaire n’effectuera qu’un contrôle formel de la convention, en vérifiant donc simplement si les mentions obligatoires y figurent et si le délai de réflexion de quinze jours a été respecté.

Dans les quinze jours de la réception de la convention par le notaire, celui-ci adressera aux avocats un justificatif du « dépôt au rang de ses minutes ».

Cela signifie, pour les époux, que la convention a bel et bien été reçue par le notaire et que celle-ci est définitivement enregistrée.

De ce fait, la convention sera pleinement applicable, elle aura date certaine et force exécutoire.

Le divorce sera ainsi acquis.

C’est le notaire qui se chargera des formalités d’enregistrement du divorce auprès des services fiscaux.

Le notaire adressera une attestation de dépôt aux avocats désignés dans la convention afin que ceux-ci puissent procéder aux formalités de publicité auprès des services de l’état civil.
L’un des avocats écrira donc aux services de l’état-civil pour que la mention du divorce figure sur les actes d’état civil, à savoir, sur l’acte de naissance ainsi que sur l’acte de mariage.

On le voit donc, la loi du 18 novembre 2016 apporte des modifications considérables à la procédure de divorce par consentement mutuel.

D’une part, celle-ci est simplifiée.
D’autre part, et surtout, celle-ci est accélérée puisqu’elle évite aux époux d’attendre que le tribunal fixe une date d’audience, ce qui prenait souvent plusieurs mois.

A présent, un divorce peut être obtenu en un temps record, c’est-à-dire en trois semaines.

Dernière précision : la loi étant muette sur cette question, les époux peuvent choisir l’avocat qu’ils veulent, n’importe où en France. Des époux qui habitent à Brest, pourraient fort bien choisir des avocats habitant à Strasbourg ou à Marseille ou à Lille.

On ne peut donc que se féliciter de l’introduction de cette nouvelle loi dans le Code civil et y voir une réelle progression de notre arsenal législatif.

Didier Reins Avocat E-Mail : [->reins.avocat@gmail.com] Site Web: https://reinsdidier-avocat.com
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