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Avenir de l’avocat : la clé, c’est le client.
Parution : jeudi 9 février 2017
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Le message serait répétitif ? Pourtant, en écoutant les intervenants du Congrès Eurojuris qui s’est déroulé les 19 et 20 janvier à Versailles, il est plus que nécessaire de le marteler, encore. Car si les préoccupations actuelles se focalisent essentiellement sur les nouvelles technologies et la concurrence - supposée ou réelle, selon les profils – des legaltech, la véritable source de l’évolution du métier vient du client. Un client qui change, qui a de nouvelles habitudes, de nouvelles attentes, de nouvelles exigences, quel que soit le professionnel. Et s’il ne faut pas encore être trop alarmiste, il faut malgré tout agir vite.

L’avocat, un produit comme les autres

« Le consommateur du droit à une approche produit. Les clients veulent une prestation, un service, peu importe le professionnel. » Guillaume Boulan, responsable du groupe Chiffre et Droit Eurojuris, a ainsi bien résumé ces nouvelles attentes : l’objectif est le résultat obtenu, et le client fera appel au prestataire le plus efficace pour l’obtenir. Dans cette nouvelle perspective, la prestation juridique est un produit … tout comme l’avocat.
Et même s’il s’avérerait être le plus compétent, il doit se démarquer d’une multitude de concurrents. Le premier étant le client lui-même, ou du moins, ses recherches. En effet, dans le cadre d’un rapport rendu par l’American Bar Association (ABA), le constat est que « face à un problème, la première réaction n’est pas de s’adresser à un avocat ou à un professionnel, c’est de se débrouiller seul » explique Thierry Wickers, avocat et auteur de La grande transformation des avocats. Et à la question « à qui confier la résolution d’un problème juridique ? », l’avocat arrive en troisième position, après les moteurs de recherche et les sites internet [1]. Amer constat.
Et s’il fait appel à un avocat, le client est plus exigeant. « Il est prêt à payer cher quand il a besoin du génie ou de la compétence de l’avocat, souligne Richard Susskind, ancien avocat et conseiller du ministère de la Justice de Grande-Bretagne. Mais il ne souhaite plus payer le prix fort pour les tâches répétitives. » Ou « pour une prestation qu’ils ont effectuée eux-mêmes sur le web » renchérit Stéphane Gady, responsable Communication numérique Eurojuris.

L’avocat doit donc se vendre, en démontrant son utilité et son efficacité. Réorganiser son offre, ses tâches, son temps, pour devenir performant et démontrer, non seulement qu’il est incontournable, mais qu’il sera à même d’apporter la meilleure prestation. Une tâche ardue - et un apprentissage forcé - pour une profession qui jusqu’ici avait, ou pensait avoir, un marché acquis. Mais il ne faut pas encore rendre les armes. « Ce qui était le seul circuit que nous connaissons, c’est-à-dire le choix personnel, n’est plus qu’une solution parmi tant d’autres, confirme Thierry Wickers. Mais ce n’est pas une catastrophe, si vous vous repositionnez. »

Internet, l’ange salvateur ?

Là encore, le message est insistant, mais il est vrai : Internet est l’étape indispensable dans ce repositionnement. Puisque le client a pour premier élan de se débrouiller seul, son réflexe est d’aller sur Internet. N’est-ce pas aujourd’hui notre cas à tous, lorsque nous cherchons une information ? C’est donc à cette toute première étape qu’il faut réussir à capter ce client potentiel. C’est ce qu’ont notamment fait les legaltech, explique Stéphane Gady : « Elles se sont positionnées en amont de la phase d’achat de la prestation, ce qui permet de savoir ce que le client veut, et ont développé des algorithmes qui permettent de capter la demande de droit avant les avocats. Il va falloir utiliser les traces que laissent les prospects sur Internet pour développer sa stratégie clientèle. » Exploitation des réseaux sociaux, outil CRM adapté, fonctionnalités générant des flux … Autant d’outils qu’il va falloir maîtriser pour établir une stratégie digitale efficace.

Le parcours client présenté par Stéphane Gady

Car d’après Stéphane Gady, tout passera majoritairement par le digital : « Le site internet va devenir votre cabinet principal, le cabinet physique sera secondaire ». Mais attention, « c’est la mort des sites vitrines ». Le but n’est pas que l’avocat parle de lui, mais qu’il parle de son client, et de ce qu’il lui apportera, grâce à un contenu et un vocabulaire adapté. « Il ne veut pas qu’on lui vende du temps, mais de la valeur. »

Il reste pourtant des avocats à convaincre. Car comme le souligne Thierry Wickers, près de 5.000 avocats sont actuellement inscrits sur la plateforme mise en place par le Conseil national des Barreaux. Ce qui signifie que « 55.000 avocats ne sont pas inscrits sur une plateforme gratuite qui leur offre une visibilité sur Internet, alors que c’est là qu’il faut être ».

L’accès ou la vulgarisation du droit, une autre piste ?

En parallèle de ces éléments techniques et technologiques, une autre piste est tracée par Thierry Wickers pour développer une autre clientèle : l’accès au droit. Car, « dans plus de 90% des cas, la nature juridique du problème n’est pas appréhendée ». Un client potentiel ne fait donc pas appel à un avocat … car il ne sait pas qu’il est face à un problème juridique qu’un avocat pourrait l’aider à résoudre. « Si nous arrivons à les récupérer, nous sommes tranquilles pour les trente prochaines années ! »
Sensibiliser les justiciables au droit permettrait donc de développer le marché des avocats ? En ayant une meilleure connaissance de la matière et des questions juridiques qu’ils rencontrent, ils auraient ensuite le réflexe de consulter un avocat. Ainsi, alors que le fait de dévoiler son savoir juridique peut susciter de la crainte, il pourrait plutôt asseoir la légitimité de l’avocat.

Face aux multiples évolutions, la meilleure boussole est donc le client. C’est en suivant ses demandes et ses pratiques que la profession trouvera la bonne manière de se renouveler, voire de devancer ses attentes. En revanche, le temps presse, puisque ces nombreux changements, avec ou sans les avocats, interviendraient dans les dix prochaines années. Tic tac, tic tac ...

Certains ont déjà compris que la relation-clients est au cœur de l’évolution du métier d’avocat. Retrouvez chaque année les projets des finalistes au Prix du l’innovation du Village de la Justice !

Crédits : Photo Rédaction Village de la Justice. Image : © Boutique du Village de la justice

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice

[1Etude de Rocket Lawyer réalisée par TNS SOFRES. Résultats du sondage à paraître courant mars.

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