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Les délais en matière fiscale, un combat différent administration et contribuable. Par Eric Vigneron, Avocat, et Paul Vigneron, Juriste.
Parution : jeudi 9 février 2017
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Le montant des redressements fiscaux s’élève à 21, 2 milliards d’euros, contre 19,3 milliards d’euros en 2015.
La connaissance des délais de prescription est fondamentale pour le contribuable puisqu’elle permet de forcer des portes que l’on croit fermées, de mettre l’administration fiscale en face de ses obligations procédurales, ce qu’elle n’aime pas.

Bien souvent le délai est l’ultime espoir pour ne pas payer un impôt qui est pourtant dû, ou pour ouvrir des « colds cases » et remettre en cause toute la procédure de rectification passée.

Trois phases fondamentales sont à bien différencier : le délai de recouvrement fiscal contre le contribuable, le délai de reprise (rectification fiscale) de l’administration et le délai de réclamation du contribuable.

La maitrise des délais en matière fiscale reste un exercice très technique et difficile qui requiert compétence et beaucoup de pratique, et qui peut rapporter gros !

Selon une communication de Bercy, pour 2016, le montant des redressements fiscaux s’élève à 21,2 milliards d’euros, contre 19,3 milliards d’euros en 2015. Pourtant dans un même temps, le nombre des rectifications fiscales est resté quasiment stable.

Ce constat amène à la réflexion sur le problème et l’importance des droits du contribuable dans sa défense face à l’administration. En particulier quant aux différents délais procéduraux.

La connaissance des délais de prescription est fondamentale pour le contribuable puisqu’elle permet de forcer des portes que l’on croit fermées et de mettre l’administration fiscale en face de ses obligations procédurales, ce qu’elle n’aime pas. Bien souvent le délai, ou la prescription, est l’ultime recours qui permet au contribuable de ne pas payer un impôt qui est pourtant dû, ou de rouvrir des « colds cases » et remettre en cause toute une procédure de rectification passée, voire très lointaine, à l’occasion de mesures d’exécution de l’administration, tel qu’un avis à tiers détenteur par exemple.

Ce « savoir » est fort utile pour les expatriés qui ont bien souvent oublié leurs obligations ou qui n’ont pas été informés par suite de leur expatriation. S’il est vrai que le contribuable n’a pas une mémoire parfaite, par contre l’histoire d’ « Amour » avec l’administration fiscale dure toujours, cette dernière étant d’une totale fidélité !

Il existe 3 phases à bien différencier : le délai de recouvrement fiscal contre le contribuable, le délai de reprise (rectification fiscale) de l’administration et le délai de réclamation du contribuable.

Le délai de recouvrement est le délai pendant lequel l’administration (le comptable des finances publiques) peut mettre en recouvrement l’imposition et en demander le paiement. S’il ne le fait pas, la prescription extinctive peut être soulevée par le contribuable et l’administration perd son droit d’action.

Le délai de reprise est le délai pendant lequel l’administration peut revenir sur les impositions passées et réparer les omissions, insuffisances d’imposition. On parle aussi du délai de prescription de l’action en répétition (prescription d’assiette).

Le délai de réclamation est le délai pendant lequel le contribuable peut réclamer.

I- Le délai de recouvrement fiscal

A- Le délai de recouvrement fiscal

Le délai de recouvrement fiscal se distingue du délai en matière civile ou commerciale, puisque celui-ci est de 4 ans en matière fiscale à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement (Cf L.274 du livre des procédures fiscales).

Si l’impôt est recouvert par voie d’avis de mise en recouvrement (AMR), alors le délai commencera à courir à compter de la notification de celui-ci au domicile communiqué à l’administration : soit la date de présentation du recommandé au destinataire, ou alors de son retrait si et seulement si le courrier est retiré.

Enfin pour ce qui intéresse les résidents étrangers, et dans le cadre de l’assistance administrative, la date à retenir sera celle de la notification par l’autorité étrangère.

Si l’impôt est recouvert par voie de rôle (impôt sur le revenu par exemple), la date sera celle du jour de la mise en recouvrement du rôle (cf 1658, 1659, 1659-1 du CGI), qui n’est pas à confondre avec la date de notification de l’avis d’imposition, qui doit être réalisé sous pli fermé (cf L.253 du LPF).

Ainsi la date du jour de la mise en recouvrement du rôle correspondra à celle fixée lors de la décision administrative d’homologation du rôle (cette date figure sur l’avis d’imposition).

Attention à bien faire appliquer les règles de computation des délais. Le délai commence à courir le premier jour qui suit l’événement qui déclenche le délai de recouvrement. Il faut prendre en compte les causes d’interruption ou de suspension des délais.

Le délai commence à courir différemment pour les pénalités. Pour un impôt recouvert par voie d’avis de mise en recouvrement, le délai de 4 ans commencera à courir à compter de la notification de l’AMR ou figureront les pénalités liquidées et authentifiées. Pour ce qui concerne un impôt par voie de rôle, la Cour de cassation mentionne que les pénalités, en l’occurrence la majoration de 10%, sont soumises aux règles de l’impôt lui-même (cf Cass. Com, 11 juillet 1988 n°89-14451)

B- L’articulation du délai de recouvrement fiscal et civil

Bien que d’apparence simple, ce mécanisme se complique dans les situations ou ce délai de recouvrement fiscal s’accorde avec le délai de recouvrement civil.

Dans une telle situation, il faudra retenir le premier délai qui prend fin (Cf Bofip : BOI-REC-EVTS-30-10-20120912)

En pratique, pour décider du délai applicable, il faudra distinguer l’action personnelle de l’action réelle.

La prescription civile en matière d’action personnelle est de 5 ans (voire 2 ans) à compter du jour où « le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (cf article 2224 du Code civil).

La prescription civile en matière d’action immobilière est de 30 ans à compter du jour où « le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (cf article 2227 Code civil).

Les actions qui nous intéressent sont celles qui tendent à reconstituer le patrimoine du contribuable :
- l’action paulienne (cf 1167 du Code civil),
- l’action en déclaration de simulation (cf 1166 du Code civil),
- l’action oblique.

Quelle que soit l’action, la créance fiscale ne devra pas être prescrite, c’est-à-dire dans le délai de 4 ans.

L’action paulienne :

Ainsi vis à vis d’une action paulienne, l’administration créancière pourra agir pour attaquer les actes réalisés par le débiteur qui appauvrissent son patrimoine. L’administration pourra le faire dans un délai de 5 ans à compter du jour où l’administration a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action.

L’action oblique :

Pour une action oblique, l’administration qui serait créancière du contribuable pourra agir et exercer tous les droits et actions appartenant au contribuable (sauf si personnelle).
Encore une fois l’action ne sera possible que si le délai de recouvrement fiscal de 4 ans n’est pas prescrit, et que le délai de 5 ans (si il s’agit d’une action oblique personnelle) ou 30 ans (action oblique réelle) n’est pas non plus prescrit.

L’action en déclaration de simulation :

Quant à l’action en déclaration de simulation, le délai de recouvrement fiscal et le délai civil personnel ne devront pas être prescrits.

C- L’articulation avec le délai de prescription des décisions des juridictions judiciaires

En matière civile :

Le délai de prescription pour une décision judiciaire est de 10 ans pour un jugement contradictoire (cf L111-4 du CPCE).

Si une créance fiscale est née à la suite d’un jugement, alors l’administration devra recouvrir celle-ci non pas dans les 10 ans à compter du jugement, mais dans les 4 ans, ou du moins la prescription correspondra au délai qui prend fin le premier.

Quant à un jugement rendu par défaut, l’administration devra le notifier dans les 6 mois (cf 478 du Code de procédure civile) et recouvrir la aussi la créance dans les 4 ans à compter du jugement.

Le jugement devra être exécutoire (cf L111-3 CPCE), c’est-à-dire que la décision devra avoir force exécutoire.

En matière pénale :

En matière de condamnation à des amendes et à des confiscations fiscales devant une juridiction pénale, le droit de prescription du recouvrement sera celle des peines correctionnelles (cf L. 188 LPF), soit 5 ans à compter de la décision pénale devenue définitive (cf 133.3 du Code pénal).

En cas d’une condamnation de dommages et intérêts au profit de l’état à l’issue d’une instance pénale, le recouvrement de celle-ci sera de nature civile et donc le délai de 5 ans (cf 133-6 du Code pénal).

II- Le délai de réclamation du contribuable

A- les délais de droit commun

Le contribuable dispose d’un délai de réclamation qui se termine le 31 décembre de la deuxième année à compter de la mise en recouvrement du rôle, (1) ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement (2), ou du versement de l’impôt contesté (3) (si l’impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle, ou la notification d’un AMR), ou de la réalisation de l’évènement qui motive la réclamation (4). Ceci uniquement pour toute imposition qui n’est pas un impôt direct local (cf R. 196-1 LPF).

Pour les impôts directs locaux (cf 1379 du CGI), le contribuable aura la possibilité d’émettre une réclamation jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle (1), de la notification d’un avis de mise en recouvrement (2), de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation (4) (cf R 196-2 LPF).

1- A compter de la mise en recouvrement du rôle

(1) Si le délai commence à courir à compter de la mise en recouvrement du rôle, il faudra entendre par là que ce délai ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle le contribuable reçoit son avis d’imposition, ou qu’il en a eu connaissance.

2- A compter de l’AMR

(2) Si l’imposition a fait l’objet d’une notification d’un AMR, il faudra prendre en compte en principe la date correspondant à la réception du pli recommandé.

3- A compter du versement de l’impôt

(3) Si l’impôt a été payé, et qu’aucun AMR n’a été notifié ou qu’il n’a pas été établi un rôle, la date à retenir sera celle de la date du paiement. Ce cas de figure intéressera les situations où l’impôt a été payé spontanément. A savoir que des règles spéciales s’appliqueront pour le versement des acomptes provisionnels, ou de retenues à la source.

4- A compter de la réalisation d’un éventement

(4) Selon la doctrine fiscale (cf bofip : BOI-CTX-PREA-10-30-20140625), cet événement doit être entendu comme un événement se rapportant directement à la situation du contribuable ou aux éléments de base ou de calcul de l’imposition, qui aurait pour conséquence ou pour effet :
- soit de mettre en cause le principe même de l’imposition contestée,
- de modifier de manière rétroactive l’assiette ou le calcul d’une imposition,
- d’ouvrir droit au dégrèvement ou à la restitution de tout ou partie d’une imposition, qui fondée dans son principe était régulièrement établie et calculée.

En l’état, on comprend mal quels pourraient être ces « événements », c’est pourquoi nous renvoyons le lecteur à la doctrine administrative précitée.

Quelques exemples seront néanmoins donnés :
- la publication d’une loi ou d’un règlement avec des dispositions rétroactives (sauf délais spéciaux mentionnés dans le texte),
- la perte de la qualité de redevable à la TVA (cf CE 28/11/2005, n° 263982),
- la signification faite à la veuve d’un contribuable par voie de commandement d’avoir à payer les impositions établies au nom de son mari décédé (cf CE 21/11/1973 n°86456).

Il peut arriver dans certaines situations, qu’un rôle ou un AMR soit émis, dès lors la date à retenir si l’AMR ou le rôle sont postérieurs à l’événement, sera la date de mise en recouvrement du rôle ou la date de notification de l’AMR.

Ainsi de manière générale, si on a plusieurs dates de réclamation, le dernier délai à retenir sera celui de la dernière de ces dates.

B- Les délais spéciaux

Ici seuls sont examinés les délais spéciaux concernant les différents types de réclamation, mais pas ceux en fonction des impositions (pour ces derniers voir la doctrine : BOI-CTX-PREA-20-20160411)

1- Le délai spécial dans la situation d’une procédure de reprise ou de rectification

Si le contribuable fait l’objet d’une rectification fiscale (de type contradictoire ou d’office) ou d’office, il pourra émettre une réclamation dans un délai égal à celui de l’administration (cf R* 196-3 LPF).

C’est à dire :
- jusqu’au 31 décembre de la 3ème année qui suit celle ou les rectifications ont été notifiées pour une procédure contradictoire,
- jusqu’au 31 décembre de la 5ème année si l’administration utilise son droit de reprise en application du dépôt d’une plainte pour agissement frauduleux (L187 LPF).
- jusqu’au 31 décembre de la 3ème année qui suit celle ou les rectifications ont été notifiées pour une procédure de taxation d’office

Attention toutefois en matière de taxation d’office, le délai ne commencera à courir qu’à compter du moment où l’imposition est due et non pas à compter de l’information du contribuable de cette procédure, dans les situations énumérées à l’article L. 67 du LPF

2- Le délai spécial applicable aux impôts directs établis par voie de rôle et aux retenues a la source et prélèvement

Dans la situation où un nouvel avis d’imposition rectifié (envoyé en recommandé LRAR) est émis à la suite d’une erreur d’expédition qui a été commise durant la confection des rôles, on prendra en compte comme point de départ, la date portée sur l’avis de réception de la poste. Ici, le délai expirera le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle le contribuable a reçu ce nouvel avis (cf R*196-1 et R* 196-2 du LPF).

Parfois l’administration cherche à recouvrir une cotisation d’impôt directe « à tort » ou « qui fait double emploi ». Une réclamation pourra être émise jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de l’existence de la cotisation. (cf R*196-1 du LPF et R*192-2). Selon le Conseil d’État, le faux ou le double emploi doit affecter l’intégralité de la cotisation (CE 27 mars 1939 n°48167), et celui-ci indique que la connaissance certaine peut être prouvée par le paiement, des poursuites contre le contribuable, d’une réclamation émise par le contribuable, d’une demande de sursis de paiement, une demande gracieuse, de l’aveu ou encore de la réception d’une rectification.

3- Autres délais

Pour certains contribuables placés dans une condition particulière, un dégrèvement peut être accordé d’office, relatif à la taxe d’habitation et à la taxe pour frais de chambres de métiers et de l’artisanat (cf R*211-1 alinéa 2), et cela dans le délai de 30 ans ! Et cela peu importe que le délai de réclamation indiqué à l’article R*192-2 du LPF soit expiré.

Le législateur à notre sens porte une atteinte aberrante au droit du contribuable dans la situation ou une juridiction ou un avis (du Conseil d’État, CJUE, cour de cassation, tribunal des conflits) déclarent qu’un texte réglementaire ou législatif était en réalité … incomptable avec une règle supérieure, par exemple un texte communautaire ou international.

En effet, on aurait pu penser que le contribuable disposerait d’un délai de réclamation spécial concernant les impositions litigieuses, commençant à courir à compter de la décision.

Or il n’en n’est rien, le contribuable disposera toujours de son délai de réclamation expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant l’acquittement de son imposition ! (dans les conditions des articles R*196-1 et R*196-2 du LPF)

Par exemple :
- une imposition réglée en 2015
- une décision intervenant le 4 décembre 2019 juge que l’imposition de 2015 en réalité n’était pas légale

Dans cette situation, le contribuable n’avait que jusqu’au 31 décembre 2017 pour émettre une réclamation ! Il aura donc versé à tort un impôt qui n’est pas du, alors que dans un même temps, pour certains cas, l’administration a un droit de reprise de 10 ans !

D’autres délais sont applicables, en matière de rectification réduisant un résultat déficitaire, ou un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (BOI-CTX-DG-10-20-10-20140113) pour certaines demandes en restitution de droits de mutation (BOI-CTX-PREA-10-40-20140625).

III- Le délai de reprise de l’administration

A- Le délai de principe

Le droit de reprise de l’administration peut être exercé jusqu’à la 6ème année suivant celle du fait générateur de l’impôt (cf L186 du LPF) uniquement s’il n’est pas prévu un délai plus court ou plus long !

Or il existe bien un délai plus court en matière d’impôt sur les sociétés, sur le revenu (cf L. 169 LPF), de TVA (cf L176 LPF), de CET (CF L174 LPF). Ici le droit sera exercé jusqu’à la 3ème année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Ce droit de reprise est encore plus court pour les impôts locaux (cf L173 du LPF), en effet le droit de reprise s’exerce jusqu’à la fin de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

B- Des délais amenages

1- En fonction du comportement du contribuable

En matière d’impôt sur le revenu, ou sur les sociétés, lorsque le contribuable exerce une activité occulte (absence de déclaration, dépôt en dehors des délais légaux, activité illicite), le droit de reprise s’exerce jusqu’à la fin de la 10ème année qui est celle au titre de laquelle l’imposition est due (cf L169 du LPF).

Ce délai est applicable pour la TVA (cf L176 du LPF), la CET (cf L174), en cas de flagrance fiscale. De même si les revenus ont été placés dans un paradis fiscal et que ceux-ci n’ont pas été déclarés (L169 LPF), pour un résident soumis à l’imposition française évidemment.

En matière d’ISF, et de droit d’enregistrement, le délai de droit commun est applicable (cf L.186 du LPF), sauf si un enregistrement ou une déclaration, formalités ont été réalisées, dans ce cas le délai s’exerce jusqu’à la fin de la 3ème année suivant la déclaration, formalité, ou enregistrement (cf 180 du LPF).

Notons que le délai de prescription de 2 ans applicable, si la société est affilée à un centre agréé de gestion, est supprimé depuis le 1/01/2015.

2- En fonction d’une procédure engagée par l’administration

Si l’administration fait parvenir et notifie une proposition de rectification, celle ci interrompt le délai de prescription. Par exemple pour des revenus en 2016, l’administration aura dans le cas du délai de prescription abrégé, jusqu’au 31 décembre 2019 pour notifier la proposition de rectification.
D’ailleurs une fois la proposition notifiée régulièrement, l’administration disposera d’un délai de 3 ans (au 31 décembre) pour établir un nouveau rôle.

En matière pénale, l’administration a la possibilité d’enclencher une procédure pour agissements frauduleux. Dans ce cas, elle étendra son droit de reprise de 2 ans, soit jusqu’à la fin de la 5ème année. Encore faut-il que le juge établisse la culpabilité du contribuable.

Pour ce qui est des revenus non déclarés et de l’étranger (pour un contribuable soumis à l’imposition française), l’administration pourrait avoir recours à l’assistance administrative internationale (si une convention est conclue en ce sens) et que l’administration émette une demande d’information (cf 114 du LPF). Les omissions ou erreurs pourront être réparées jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la réponse et au plus tard jusqu’au 31 décembre de la 3ème année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé (cf L188 A LPF).

D’ailleurs sur ce point, une assistance automatique est mise progressivement en place avec les pays signataires.

3- Autres délais

Attention : une augmentation du contentieux fiscal pénal pourrait trouver son explication dans l’article 188 C du LPF.

En effet dans la situation d’une procédure judiciaire, devant une juridiction administrative ou en cas d’une réclamation contentieuse, si des omissions ou insuffisances sont révélées, l’administration disposera d’un délai d’un an pour agir aux fin de recouvrer les impositions révélées par ces omissions ou insuffisances, et cela jusqu’à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l’impôt est dû. Ainsi l’administration ne disposera pas moins qu’un délai de 10 ans !

Toutefois afin d’éviter des abus de la part de l’administration, le Conseil d’État a posé une limite : l’administration ne bénéficiera de cette disposition que si et seulement si, celle-ci ne disposait pas d’éléments suffisants par ses services lui permettant de redresser le contribuable (cf CE 29/04/2009 n’°299-249).

L’administration ne doit pas attendre la fin de l’instance, elle peut procéder au redressement dès qu’elle s’estime suffisamment informée par la révélation de ces insuffisances/omissions.

Un autre pouvoir exorbitant en matière de délai bénéficie à l’administration, en cas de décès.
Qui n’a pas déjà entendu qu’on ne peut pas échapper à deux choses : à la mort et aux impôts. En l’espèce, s’il est révélé que « le de cujus » n’a pas été suffisamment imposé pendant l’année de son décès ou 4 ans en arrière, l’administration disposera d’un délai jusqu’à la fin de la 2ème année suivant l’ouverture de la succession pour le faire ( cf L.172 LPF).

Ou encore, si l’administration commet elle-même une erreur dans l’imposition, elle peut revenir dessus jusqu’à la fin de l’année suivant sa décision (cf L.171 LPF).

Quant à certains bénéfices fiscaux obtenus à la suite d’un agrément fiscal, s’il devait advenir que le contribuable ne respecterait pas ses engagements (qui lui ont permis d’obtenir l’agrément), alors l’administration disposera d’un délai de reprise de droit commun.

Enfin une autre arme à l’administration résiderait dans un délai spécial applicable en cas d’erreur successive commise de bilan en bilan. En effet une entreprise pourrait commettre une erreur l’année N, puis la répercuter d’année en année, puisque l’on reprend le bilan de l’année précédente. Évidemment cela ne pose pas de problème si le droit de reprise est possible pour une année non prescrite, mais quid des années prescrites ?

Pour ces années, le CGI (cf 38-4 bis du CGI) prévoit une date butoir : on prendra le bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit, et l’administration ne pourra pas venir rectifier une erreur commise 7 ans en arrière.

Par exemple l’administration en 2016 vient rectifier une société, le droit de reprise porte jusqu’au 1er bilan non prescrit qui est celui de 2013. Or la société a commis une erreur en 2005. L’administration serait tentée de rectifier 2013 en répercutant les erreurs commises antérieures, dont les erreurs commises en 2005, sauf qu’elle ne le pourra pas, car la date butoir en l’espèce sera en 2006.

La maitrise des délais en matière fiscale est un exercice très technique et difficile qui requiert compétence et beaucoup de pratique.

Eric VIGNERON, ABOGADO
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