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Compétences du Conseil de prud’hommes : vade-mecum 2017. Par Johanna Ruck, Avocat.
Parution : mercredi 15 février 2017
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Le Conseil de prud’hommes est-il compétent pour statuer sur l’exécution/la rupture de mon contrat de travail ? Quel est le Conseil de prud’hommes territorialement compétent ? Y-a-t-il un taux de compétence comme pour le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance par exemple ?

I - Compétence d’attribution du Conseil de prud’hommes

Aux termes de l’article L1411-1 du Code du travail, le Conseil de prud’hommes règle les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés.

Il s’agit d’une compétence exclusive.

Le Conseil de prud’hommes règle donc les différends qui peuvent s’élever :

Ainsi, pour pouvoir saisir le Conseil de prud’hommes, encore faut-il qu’un contrat de travail existe. Cela peut sembler logique mais la question se pose dans de nombreux cas.

Pour autant, cela ne signifie pas que ce contrat de travail soit forcément un contrat écrit (un CDI peut parfaitement être oral).

En application de l’article 1315 du Code civil, la charge de la preuve du contrat de travail incombe à celui qui l’invoque.

C’est donc à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence comme le rappelle la jurisprudence de manière constante :

« Mais attendu que l’arrêt relève que M. D n’apporte pas la preuve de l’exercice effectif d’une activité de directeur administratif ; qu’ainsi, abstraction faite du motif critiqué par la première branche du moyen, et tiré de la validité de la démission de l’intéressé de son poste d’administrateur, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; » Cass. soc. 16 janvier 1985 n° 83-40.296 (n°258 S) Devrine c/ Rossi et autres

Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination de la convention donnée par l’une des parties, mais des conditions réelles d’exécution du travail.

En l’absence de définition légale, la jurisprudence considère qu’il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération.

Cette définition fait apparaître 3 éléments :
- la prestation de travail ;
- la rémunération, contrepartie de la prestation de travail, peu importe qu’elle soit versée en argent ou en nature, et calculée au temps, aux pièces ou à la commission ;
- la subordination juridique, critère décisif.

En outre, il doit s’agir d’un contrat de travail entre un salarié et un employeur de droit privé.

Ainsi, le Conseil de prud’hommes ne connait pas des litiges qui concernent les personnels des services publics sauf s’ils sont employés dans les conditions du droit privé (Art. L1411-2 du Code du travail).

Le Conseil de prud’hommes est donc compétent pour connaitre de litiges nés entre un salarié et son employeur de droit privé et ce, à tous les stades de la vie du contrat de travail : pendant l’exécution du contrat (interprétation d’une clause, contestation d’une sanction disciplinaire...) ou après la cessation du contrat (contestation d’un licenciement, transaction...).

II - Compétence territoriale du Conseil de prud’hommes

Le Code du travail prévoit une règle de compétence qui distingue selon que le travail est accompli dans un établissement de l’employeur ou en dehors de l’entreprise (VRP, travailleurs à domicile...). Une 3e option est offerte au salarié, demandeur à l’action.

En effet, l’article R1412-1 du Code du travail prévoit que le Conseil de prud’hommes territorialement compétent est :

  1. Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ;
  2. Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les Conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi.

S’il y a plusieurs défendeurs, le salarié a le choix de saisir le Conseil de prud’hommes du lieu où demeure l’un des défendeurs (Cass. soc. 16 février 2011 n° 10-16.423)

Ces règles de compétence sont d’ordre public. Ce qui signifie qu’aucune partie ne peut y déroger et que toute clause contraire est réputée non écrite, comme le rappelle d’ailleurs expressément l’article R1412-4 du Code du travail.

L’exception d’incompétence est parfois soulevée en défense : par exemple, le défendeur qui est attaqué devant le Conseil de prud’hommes de Bayonne peut choisir de soulever l’incompétence de ce Conseil au profit du Conseil de prud’hommes de Dax.

A peine d’irrecevabilité, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond. Elles peuvent, sous cette réserve, être soulevées devant le bureau de jugement. (Art. R1451-2 du Code du travail)

III - Taux de compétence du Conseil de prud’hommes

Le principe est que les juridictions sont compétentes en fonction d’un taux de compétence, c’est-à-dire en fonction du montant des prétentions du demandeur (exemple, le tribunal d’instance est compétent pour connaitre des demandes dont le montant est supérieur à 4000 euros et inférieur à 10.000 euros).

Néanmoins, certains contentieux sont confiés de manière exclusive à des juridictions particulières, peu important le montant des demandes.

Quid du Conseil de prud’hommes ?

Le Conseil de prud’hommes est compétent, quelque soit le montant de la demande, pour statuer sur les litiges mentionnés aux articles L 1411-1 à L 1411-6 du Code du travail.

Néanmoins, il statue en dernier ressort, sans possibilité d’appel et sous l’unique contrôle de la Cour de cassation dans les hypothèses suivantes :
- Lorsque la valeur totale des prétentions des parties au litige ne dépasse pas 4000 euros : dans le cas contraire, le jugement à intervenir sera susceptible d’appel.
- Lorsque les demandes tendent uniquement à la transmission de documents de fin de contrat (certificats de travail, bulletins de paie, ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer...).

Art. R1462-1 et D1462-3 du Code du travail

Chaque situation juridique est différente : par conséquent, ces « grandes lignes » relatives aux compétences des Conseils de prud’hommes doivent impérativement être affinées en fonction du contrat de travail, de la prestation et des conditions de travail, de la situation juridique ou géographique de l’employeur ou encore des demandes du salarié...

Il est vivement conseillé de vous rapprocher d’un avocat afin de vous assurer que le Conseil de prud’hommes est bien la juridiction compétente pour connaitre de vos demandes et, le cas échéant, que vous allez présenter vos demandes devant le Conseil territorialement compétent.

En effet, si une exception d’incompétence est soulevée par votre adversaire, vous risquez de perdre un temps précieux.

Johanna Ruck Avocat à la Cour Barreau de DAX | Cour d'appel de PAU Cabinet situé à Capbreton (Landes). http://www.ruckavocat.com