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Une association peut être tenue responsable d’une rupture brutale de relations commerciales ! Par Alexandra Six, Avocat.
Parution : mercredi 1er mars 2017
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Dans une décision du 25 janvier 2017, la Cour de cassation considère que l’association n’est pas exclue par nature du champ d’application de l’article L 442-6, I, 5° qui condamne les auteurs d’une rupture brutale de relations commerciales, encore faut-il qu’il existe une relation commerciale établie entre les deux parties.

Les associations, régies par la loi du 1er juillet 1901, sont désormais des acteurs économiques à part entière.

L’article 1er de la loi de 1901 prévoit que l’association est « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissance ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Plus spécifiquement, l’article L.442-7 du Code de commerce concerne les associations et prévoit qu’elles ne peuvent « de façon habituelle, offrir des produits à la vente, les vendre, ou fournir des services, si ces activités ne sont pas prévus par statuts ».

Autrement dit, une association peut avoir une activité commerciale habituelle, à la condition de la prévoir dans ses statuts.
Aussi sont-elles susceptibles de tomber sous l’emprise du droit de la concurrence, notamment du droit des pratiques restrictives.

La jurisprudence fournit régulièrement l’occasion de s’interroger sur le domaine d’application des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce qui dispose :
« I - Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…)
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…) »
.

Il n’est ainsi pas rare qu’une association soit victime de telles pratiques, par exemple lorsque l’un de ses prestataires rompt brutalement la relation commerciale établie qui les unit (Cass. Com., 6 février 2007, n°03-20.463 : l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce « peut être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé »).

Par principe, la Haute juridiction considère que la rupture de relations commerciales établies constitue un fait générateur de responsabilité, indépendamment de la qualité de la personne souffrant du préjudice lié à cette rupture.

Relation commerciale ne signifie pas prestation commerciale.

Mais quand est-il de la situation inverse, c’est-à-dire lorsque l’association a la qualité d’auteur de la rupture ?

Autrement dit, une association peut-elle engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° lorsqu’elle met un terme à la relation nouée avec une société commerciale ?

Au regard de la lettre et de l’esprit de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, l’auteur de la rupture doit être un producteur, un commerçant, un industriel ou, depuis la loi du 3 janvier 2003, une personne immatriculée au répertoire des métiers.

Déjà confrontée à ce type de question, la jurisprudence a eu l’occasion de considérer que l’action en indemnisation exercée par le partenaire contractuel de l’association sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, échoue généralement faute, pour le demandeur, de pouvoir établir que toutes les conditions posées par ce texte sont réunies (Cass. Com. 5 janvier 2016, n°14-15.555).

Une solution identique a ainsi été retenue par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (n°15-13.013).

En l’espèce, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 avait souscrit au profit de ses adhérents des contrats d’assurance et de prévoyance groupe ; en 2005, elle avait signé une convention de partenariat avec une société et un établissement de crédit, dont l’objet était de développer le financement des biens immobiliers acquis par les adhérents.
Désignée mandataire de deux établissements bancaires, la société était chargée de la distribution de leurs produits financiers auprès des adhérents de l’association.
Constatant une réduction puis une absence de chiffre d’affaires qu’elle imputait à un nouveau partenariat conclu entre l’association et un tiers, la société a engagé une action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies à l’encontre de l’association.

Confirmant l’analyse des juges du fond ayant déboutée la société demanderesse, la Cour de cassation a pris le soin de rappeler expressément que l’existence d’une relation commerciale est nécessaire à l’application de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce :
« Si le régime juridique d’une association, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dès lors qu’elle procède à une activité de production, de distribution ou de services (…) ».

La Cour a cependant considéré « (…) encore faut-il qu’elle ait entretenu une relation commerciale établie avec le demandeur à l’action ».

Ainsi, l’analyse des juges du fond qui a considéré que l’association n’entretenait pas de relation commerciale avec l’intermédiaire financier est validée par la Cour de cassation.

En conclusion, l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce est parfaitement applicable avec le régime juridique d’une association à condition toutefois de démontrer que cette dernière accompli des actes de commerce au sens de l’article L.110-1 du Code de commerce, caractérisés par deux critères principaux :
- Un critère de spéculation qui implique la finalité lucrative de l’opération ;
- Un critère de répétition de l’acte dans le temps.

Critères qui ont, in fine, fait défaut dans l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation du 25 janvier 2017.

Alexandra SIX Avocat droit des affaires Cabinet ELOQUENCE Avocats Lille et Paris www.eloquence-avocats.com