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Quelle conférence intercommunale ? Par Charles Soublin, Avocat.
Parution : lundi 13 mars 2017
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Réflexions sur la (dé)connexion entre les institutions en charge de la conduite d’une procédure d’élaboration du PLUi et le territoire concerné par le document d’urbanisme

Certains EPCI nouvellement créés depuis le 1er janvier 2017 éprouvent des difficultés d’interprétation des récentes réformes du droit de l’urbanisme, à l’occasion de la reprise de procédures d’élaboration prescrites par des anciennes intercommunalités ou de la prescription de nouveaux PLUi.

Ces nouvelles collectivités sont désormais confrontées aux cas de figure suivants :
- Des conférences intercommunales ont été réunies rassemblant l’ensemble des maires des anciennes intercommunalités et d’autres conférences intercommunales devront être réunies au cours de ces procédures (qu’il s’agisse d’obligations légales ou d’obligations issues des modalités de collaboration EPCI/communes) ;
- Pour des « EPCI XXL », des PLUi infra communautaires seront prescrits et nécessiteront la réunion de conférences intercommunales.

Selon l’article L. 153-8 du Code de l’urbanisme :
« Le plan local d’urbanisme est élaboré à l’initiative et sous la responsabilité de :
1° L’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, de document d’urbanisme en tenant lieu et de carte communale, en collaboration avec les communes membres. L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale arrête les modalités de cette collaboration après avoir réuni une conférence intercommunale rassemblant, à l’initiative de son président, l’ensemble des maires des communes membres ; (…) »
.

L’article L. 153-21 du Code de l’urbanisme poursuit :
« A l’issue de l’enquête, le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d’enquête, est approuvé par :
1° L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d’enquête aient été présentés lors d’une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale ; »
.

Les dispositions précitées issues de la loi ALUR du 24 mars 2014 (n° 2014-366) puis recodifiées (ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015) renforcent la concertation précédemment instituée qui n’imposait pas de formalisme particulier dès lors qu’il suffisait d’informer les communes membres de l’évolution de la procédure (outre le débat sur les orientations générales du PADD et l’avis sur le projet de PLU arrêté).

Elles créent une nouvelle instance, la conférence intercommunale, qui doit se réunir a minima à deux reprises, en début de procédure, pour échanger sur les modalités de collaboration (article L. 153-8 précité) et au terme de la procédure, postérieurement à l’enquête publique et avant l’approbation (article L. 153-21 également précité).

Elles ne précisent pour autant pas les modalités d’organisation de cette conférence intercommunale, ni la portée de l’avis qui pourrait en résulter, à ceci près qu’elle se tient à l’initiative du Président de l’EPCI compétent en matière de PLU.

Une fois la conférence intercommunale réunie, l’organe délibérant de l’EPCI arrête les modalités de collaboration débattues en conférence intercommunale, sans que le code de l’urbanisme ne définisse le moment précis de l’intervention de cet arrêt.

Dans la mesure où les articles précités disposent que la « conférence intercommunale rassembl[e] (…) l’ensemble des maires des communes membres » la question se pose de savoir si les conférences intercommunales à intervenir devront réunir tous les maires des communes membres du nouvel EPCI, indépendamment du territoire objet de la procédure d’évolution du PLU, ou seulement les maires des communes membres concernées par le territoire objet de la procédure PLUi.

Autrement dit, doit-on déconnecter la conférence intercommunale du territoire objet de la procédure d’évolution du PLU ?

Le texte est muet sur la question. L’analyse des travaux parlementaires n’apportent pas de réponse précise à la problématique.

Une approche téléologique tenant compte de la dynamique législative de ces dernières années doit donc être adoptée pour apporter des éléments de réponse à la question.

- 1er cas de figure : le nouvel EPCI reprend une procédure précédemment prescrite

Aux termes de l’article L. 153-9 du Code de l’urbanisme :
« L’établissement public de coopération intercommunale mentionné au 1 de l’article L. 153-8 peut achever toute procédure d’élaboration ou d’évolution d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu, engagée avant la date de sa création, y compris lorsqu’elle est issue d’une fusion ou du transfert de cette compétence (…).
L’établissement public de coopération intercommunale se substitue de plein droit à la commune ou à l’ancien établissement public de coopération intercommunale dans tous les actes et délibérations afférents à la procédure engagée avant la date de sa création, de sa fusion, de la modification de son périmètre ou du transfert de la compétence (…) »
.

Ces dispositions ouvrent la faculté au nouvel EPCI compétent en matière de PLU d’achever une procédure engagée avant la date de sa création, quel que soit le stade de cette procédure.

Pour l’achèvement de la procédure du PLU, l’article précité indique que l’EPCI est substitué « de plein droit » dans les actes et délibérations pris par la précédente entité.

L’expression « de plein droit » est d’importance.
En effet, l’effet qui se produit « de plein droit » prend un caractère automatique. Il est obtenu sans avoir à accomplir de formalités et, surtout, sans avoir besoin d’en prendre acte par une quelconque décision.
Autrement dit, l’EPCI nouvellement compétent vient automatiquement aux droits et obligations des anciennes intercommunalités qu’elle reprend, et notamment celles issues des délibérations arrêtant les modalités de la collaboration entre l’EPCI et les communes membres.
Le nouvel établissement doit donc assumer les modalités de la collaboration, telles qu’elles ont été prévues par l’ancien EPCI.

Puisque les obligations de l’ancienne intercommunalité sont automatiquement reprises par le nouvel établissement qui achève la procédure, l’on pourrait considérer qu’il n’est pas tenu à davantage d’obligations que ne l’était l’ancienne intercommunalité.

Il pourrait en résulter que la conférence intercommunale à intervenir post enquête publique (article L. 153-21) n’a pas à être différente de celle réunie lors de la prescription du PLUi et que les dispositions des articles L. 153-8 et L. 153-21 doivent s’entendre de « l’ensemble des maires des communes membres » concerné par la procédure de PLUi.

L’application du principe de parallélisme des formes tend également vers cette solution et pourrait impliquer qu’il s’agit de la même conférence intercommunale que celle intervenue lors de la prescription, réunissant les mêmes intervenants.

- 2e cas de figure : l’EPCI XXL prescrit un PLUi infracommunautaire

Les dispositions des articles L. 154-1 et suivants du code de l’urbanisme, issues de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, permettent à un EPCI regroupant plus de 100 communes d’élaborer plusieurs plans locaux d’urbanisme infracommunautaires, regroupant chacun plusieurs communes ou une commune nouvelle, dont l’ensemble couvre l’intégralité de son territoire après autorisation du représentant de l’État dans le département.
L’objectif du législateur est de faciliter l’exercice de la compétence PLU dans les communautés de communes, d’agglomération ou les communautés urbaines de très grande taille.

A l’instar d’une procédure d’élaboration d’un plan local d’urbanisme classique, le président de l’EPCI XXL aura à réunir des conférences intercommunales à l’occasion de la prescription et post-enquête (voire davantage, si les modalités de collaboration fixées lors de la prescription l’impose).
Aussi, l’on comprendrait mal qu’alors même qu’il affiche un objectif de simplification, il impose aux EPCI XXL la tenue de conférences intercommunales réunissant l’ensemble des maires (nécessairement plus d’une centaine) pour un PLUi infracommunautaire.

L’on conçoit en effet difficilement que l’ensemble des maires des communes membres du nouvel EPCI (plus d’une centaine de maires pour les EPCI XXL) ait à participer à la conférence intercommunale post-enquête … alors même que la conférence initiale réunie sous l’empire de la précédente intercommunalité ne regroupait qu’un collège restreint de maires.

D’autres dispositions posent également la problématique de la connexion des instances de la procédure d’élaboration du PLUi au territoire concerné.

Ainsi, l’article L. 153-12 du Code de l’urbanisme dispose que :
« Un débat a lieu au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et des conseils municipaux (…) sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables (…) ».

Là encore, le législateur n’a pas indiqué si les conseils municipaux qui ont à débattre des orientations générales du PADD sont ceux des communes membres de l’EPCI ou ceux concernés par le territoire du PLU.

Si l’on considère que la conférence intercommunale a à réunir l’ensemble des maires de l’EPCI, indépendamment du territoire concerné par la procédure d’élaboration du PLUi, alors il doit également être considéré que les orientations du PADD doivent être débattues dans tous les conseils municipaux des communes membres.
A l’inverse, la connexion des instances au territoire du PLUi implique que les orientations du PADD ne soient débattues qu’au sein des conseils municipaux concernés.

De même, l’article L. 153-17 du code de l’urbanisme dispose :
« Le projet de plan arrêté est également soumis à leur demande :
1° Aux communes limitrophes ; (…) »
.

Les communes limitrophes doivent-elles s’entendre de celles limitrophes :
-  du projet de plan ?
-  du territoire de l’EPCI ?

S’il était retenu que la conférence intercommunale et le débat sur les orientations générales du PADD ne concernaient que les communes sur lesquelles le PLUi est élaboré, l’on devrait considérer dans la même logique que le projet de plan arrêté aurait à être soumis aux communes limitrophes … du projet de plan.

Une telle lecture ne priverait pas les communes situées à proximité d’un projet de plan local d’urbanisme intercommunal d’émettre leurs observations sur la procédure.
Au demeurant, si cette lecture est confirmée, rien n’empêche l’EPCI de se soumettre de lui-même à l’obligation d’inviter l’ensemble des maires des communes membres lorsqu’il fixe les modalités de collaboration EPCI/communes.

A l’inverse, si les institutions en charge de l’élaboration étaient déconnectées du territoire sur lequel a été prescrite l’élaboration du PLUi, l’on pourrait craindre que cette procédure en soit alourdie, à plus forte raison pour les EPCI XXL … en contradiction directe avec l’objectif affiché du législateur de faciliter la conduite de ces procédures.

En toute hypothèse, les incertitudes évoquées supra portent atteinte à la sécurité des documents d’urbanisme en cours d’élaboration ou à intervenir et une précision, qu’elle prenne la forme d’une réponse ministérielle ou d’une intervention législative, serait plus que bienvenue.

Charles Soublin, avocat
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