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Le "contrat prénuptial", bientôt en France ? Par Aurélie Thuegaz, Avocat.
Parution : jeudi 30 mars 2017
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Le « prenuptial agreement » ou « contrat prénuptial », est un contrat, généralement préalable au mariage, par lequel les futurs époux envisagent à l’aide de leurs avocats l’ensemble des conséquences du mariage mais aussi les conséquences financières et alimentaires en cas de dissolution de leur union.

- Le prenuptial agreement au Royaume-Uni et aux États-Unis

Pendant longtemps, la Common Law ne reconnaissait pas les contrats prénuptiaux.

La Cour Suprême d’Angleterre les a enfin admis et il est de plus en plus question au Pays de Galle et en Angleterre de rendre obligatoire le contrat prénuptial afin de régler les effets du divorce avant même de se marier. Cependant ces contrats n’ont aucune reconnaissance légale.

Aux États-Unis, la loi concernant les contrats de mariage diffèrent selon les États. En règle générale, la loi de Californie est considérée comme le modèle. Le concept de régimes n’existent pas hormis pour l’État de la Louisiane. Les époux sont donc libres de choisir le type de mariage qu’ils souhaitent établir, ainsi que les effets en cas de divorce ou de décès avec pour seules limites le respect de la loi et les bonnes mœurs, l’ordre public. En outre, le contrat ne doit pas être injuste.

- La prohibition actuelle des contrats prénuptiaux en droit français

Le droit positif français a toujours reconnu une grande liberté aux époux pour aménager contractuellement leur régime matrimonial.

Cependant, la jurisprudence française ne reconnait pas la validité d’un contrat prénuptial. En effet, l’ordre public interne s’oppose à la validité de ces conventions car la prestation compensatoire n’est pas disponible. Aucune convention de ce type ne peut être conclue avant l’ouverture de la procédure.

Les accords portant sur la détermination préalable au mariage du montant et des modalités de la prestation compensatoire sont donc privés d’effets.

On peut cependant noter deux types d’exceptions.

- certaines dispositions législatives admettent la validité de certaines clauses d’un contrat prénuptial.

A titre d’exemple, l’article 372-2-11 1° du Code civil prévoit que « lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ».

- le juge français peut reconnaitre la validité d’un « prenuptial agreement » établi à l’étranger

La réforme relative au divorce de 2004 a mis de coté le projet de voir transposer les prenuptial agreeements en droit français. Dans son rapport pour la commission des lois Patrice Gélard estime qu’il s’agit « d’une suggestion, quoiqu’intéressante » mais « qui ne parait pas adaptée à l’état actuel de la société ».

La profession notariale milite pour la transposition des prenuptial agreeement en droit français afin d’anticiper la fixation de la prestation compensatoire qu’elle estime imprévisible et source d’insécurité juridique.

Les notaires préconisent cependant au recours systématique à l’acte notarié ce qui permettrait de s’assurer de la réalité du consentement de l’époux.

La tendance actuelle porte sur une plus grande autonomie des volontés. Si, actuellement, le droit français prohibe de telles conventions, il pourrait être amené à évoluer.

- Avantages et inconvénients d’introduire en France les contrats prénuptiaux.

Les inconvénients des contrats prénuptiaux portent notamment sur les conséquences financières du divorce pouvant être importants (le paiement de pensions alimentaires, l’allocation d’une prestation compensatoire en faveur d’un époux, etc...) tout comme le divorce par la suite.

Toutefois, la conclusion d’un contrat prénuptial présente plusieurs avantages car il permet :
- de prévoir une grande flexibilité aux époux.
- de prévoir les sommes pouvant être allouées au titre des obligations alimentaires entre époux en cas de séparation et les conséquences d’un divorce avant qu’il ne se produise avec les conseils d’avocats et de réduire en conséquence le contentieux du divorce devant le juge.
- d’éviter donc de devoir négocier les conséquences financières d’une telle procédure dans un climat de tension, devant le juge, tel que c’est habituellement le cas en France.
- de protéger les biens des époux et d’anticiper leur répartition en cas de séparation du couple.
- Il s’agit d’un facteur de sécurité juridique pour les époux, ces derniers convenant ensemble des règles futures qui viendront régir leurs relations patrimoniales. Il reflète de façon équilibrée les attentes respectives des parties.

Aurélie Thuegaz Thuegaz avocats
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