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La résiliation annuelle de l’assurance emprunteur : enfin le bout du tunnel ! Par Bernard Rineau, Avocat, et Ance Kioungou, Élève Avocat.
Parution : vendredi 7 avril 2017
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Un prêt immobilier est le plus souvent assorti d’une assurance que l’organisme de crédit fait souscrire à l’emprunteur.
Cette assurance a pour finalité de protéger à la fois le prêteur et l’emprunteur contre les événements pouvant survenir en cours d’exécution du prêt immobilier (décès, d’invalidité et/ou de perte d’emploi).

Le marché de l’assurance emprunteur est considéré comme « la poule aux œufs d’or » des banques : un rapport de l’IGF (inspection générale des finances) de novembre 2013 indique que « le coût des sinistres représente moins de 50% de la prime payée par les emprunteurs ».

Pendant longtemps, les banques ont donc exercé un monopole sur l’assurance des prêts immobiliers, au point de priver l’emprunteur de la possibilité de faire jouer la concurrence, notamment en limitant sa faculté de résiliation annuelle.

L’article L.313-30 du Code de la consommation, issu de l’article 10 de la loi du 21 février 2017 portant ratification de deux ordonnances sur le crédit, consacre définitivement le droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur.

Ce texte novateur est le fruit d’une lente évolution, que l’on peut retracer succinctement de la manière suivante :

Par le passé, il était prétendu que la faculté de résiliation unilatérale de l’assurance, reconnue à l’assuré à l’expiration d’un délai de 12 mois, prévu à l’article L.113-12 alinéa 2 du Code des assurances, était inapplicable à l’assurance emprunteur.

A partir du 1er septembre 2010, pour desserrer cet étau, la loi Lagarde est venue préciser que « le prêteur ne peut pas refuser en garantie un autre contrat d’assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance qu’il propose. Toute décision de refus doit être motivée ».

Ce texte n’a pas ouvertement institué un droit de résiliation unilatérale mais a tout de même organisé une option pour le preneur : c’était un début de liberté.

Avec la loi Hamon du 17 mars 2014, l’emprunteur s’est vu reconnaître le droit de résilier son assurance, mais seulement pendant les douze mois suivant la signature de l’offre de prêt.

Ce texte, nonobstant l’évolution majeure opérée pour la reconnaissance du droit de l’emprunteur à la résiliation annuelle de son assurance, demeurait toutefois « une symphonie inachevée ».

Au plan jurisprudentiel, après de nombreux contentieux, il a semblé un moment que la voie de la résiliation annuelle était ouverte, notamment par un arrêt retentissant de la cour d’appel de Bordeaux du 23 mars 2015.
Cependant, cette ouverture n’aura été que de courte durée : par un arrêt du 9 mars 2016, la Cour de cassation est venue « tordre le cou » à cette jurisprudence.

Postérieurement à cette décision des juges du Quai de l’horloge, la cour d’appel de Douai a, par un arrêt du 4 mai 2016, de nouveau admis ce droit : les juges du fond entraient en résistance.

Dans le cadre de la loi dite « Sapin 2 », sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique », au regard de ces rebondissements, et des limites avérées de la loi Hamon=, un amendement instituant un droit annuel à la résiliation de l’assurance emprunteur a été déposé.

Là encore, la victoire des consommateurs n’aura été que temporaire puisque, par une décision du 8 décembre 2016, cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elle était totalement étrangère à la loi « Sapin II ».

Le 21 février 2017, au terme de tous ces épisodes, le droit à la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur a finalement été adopté.

Quelles sont les innovations majeures introduites par ce texte et comment s’y prendre dès lors qu’on envisage de rompre son assurance emprunteur ?

Bien que la résiliation de l’assurance emprunteur soit désormais possible, il importe de comprendre comment fonctionne ce mécanisme.

Cela est d’autant plus important que ce texte ne s’applique pas immédiatement à tous les contrats d’assurance emprunteur.

D’où la nécessité de distinguer un certain nombre de situations :

Pour un nouveau souscripteur

Conformément à l’article L.313-30 du Code de la consommation, un nouveau souscripteur pourra proposer au prêteur un autre contrat d’assurance présentant des garanties équivalentes et, pourra à tout moment, dans un délai de douze mois à compter de la signature du prêt, exercer son droit à la résiliation unilatérale.

Pour être valable, la demande devra être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception au plus tard 15 jours avant l’expiration du délai de 12 mois.

Par la suite, il pourra faire valoir son droit à la résiliation annuelle à la date anniversaire de son contrat, à condition toutefois de respecter un délai de préavis de deux mois.

Pour un souscripteur dont le contrat date de moins d’un an

Dans ce cas précis, il est parfaitement possible de rompre son contrat d’assurance.

A titre d’exemple, pour un emprunteur ayant conclu un contrat le 30 novembre 2016, s’il envisage d’y mettre fin à l’issue de la première année, il dispose encore d’un peu de temps pour le faire.

Toutefois, par précaution, il devra faire parvenir son courrier de résiliation à son assureur au plus tard le 15 novembre 2017.

Ainsi, son droit annuel de résiliation pourra devenir effectif à compter du 1er janvier 2018.

A l’inverse, à supposer que l’emprunteur n’ait pas fait usage de son droit dans la première année, une fois le délai du 30 novembre 2017 dépassé, il devra attendre le 30 novembre 2018 pour résilier le contrat (et le 30 septembre 2017 pour adresser son courrier de résiliation à l’assureur).

Pour un souscripteur dont le contrat date de plus d’un an

Dans cette dernière hypothèse, le souscripteur devra patienter jusqu’au 1er janvier 2018 pour prétendre à l’application de la nouvelle réglementation.

Sur ce point, il résulte clairement de l’article 10 de la loi du 21 février 2017, publiée le 22 février 2017 que, les dispositions des articles L.313-30 et L.313-31 du Code de la consommation seront immédiatement applicables aux contrats en cours d’exécution au 1er janvier 2018.

Concrètement, pour une personne ayant souscrit un contrat d’assurance le 1er mai 2011, elle pourra dès le 1er mars 2018 (2 mois avant la date anniversaire), notifier sa volonté de rompre le contrat à son assureur.

En conclusion, à un moment où les taux de crédit sont historiquement bas, la consécration de ce nouveau droit constitue une excellente nouvelle pour la communauté des consommateurs, car l’assurance emprunteur peut représenter un pourcentage important du coût total du crédit immobilier.

Cependant, il est à craindre que les assureurs disposent encore « d’une corde à leur arc » pour préserver leurs marges : l’appréciation du fameux niveau de garantie équivalent (que doit offrir le contrat d’assurance présenté par l’emprunteur) pourrait constituer un prétexte pour compliquer la tâche aux emprunteurs.

Les compagnies d’assurance n’ont certainement pas encore dit leur dernier mot : l’avenir pourrait nous réserver quelques surprises.

Bernard RINEAU Avocat Associé Ance KIOUNGOU Élève Avocat RINEAU & Associés http://www.rineauassocies.com