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Coproduire un film avec les pays scandinaves. Par Sébastien Lachaussée, Avocat, et Elisa Martin-Winkel, Juriste.
Parution : mardi 18 avril 2017
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Lors du dernier Festival de Cannes, le film « Wolf and Sheep », présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs venait témoigner des liens franco-scandinave. En effet, ce premier film afghan, a été coproduit par Adeimat Film au Danemark et La Fabrica Nocturna en France.
Moins récent et plus traditionnel, « Une éducation norvégienne » est également un exemple de la collaboration franco-scandinave dont la production réunit la France, le Danemark, la Suède et la Norvège et a été soutenue par le fonds Eurimages.

Ces exemples restent à tord relativement isolés et nous allons voir comment de telles productions sont favorisées.

1) La coproduction franco-suédoise : une entente ancienne et pérenne

Depuis 1965 la France et la Suède bénéficient d’un traité de coproduction, permettant aux films coproduits d’être considérés comme des films nationaux dans les deux pays. Les conditions de cet accord demeurent relativement strictes : les apports des coproducteurs doivent être compris entre 30 et 70% du budget du film et la participation technique et artistique de chacun des pays doit intervenir dans la même proportion que les apports financiers.

Surtout, cet accord prévoit qu’ « un équilibre général sur l’ensemble des films coproduits pendant une année doit être réalisé, tant sur le plan financier et artistique que celui de l’utilisation des moyens techniques des deux pays ». Il est ainsi entendu que la coproduction franco-suédoise est basée sur un réel partage de moyens et de compétences pour promouvoir les œuvres nationales des deux pays.

Dans le cadre de ces coproductions officielles la Suède propose aux producteurs des aides financières intéressantes, tant au niveau national que régional.

Aides nationales : Swedish Film Institute

Le Swedish Film Institute propose une aide « Minority coproductions » qui vient soutenir les coproductions ayant un producteur partenaire suédois. Cette aide sélective et remboursable dispose d’un budget annuel de 1 320 000 euros et peut soutenir un film dans la limite maximum de 80% du budget du film.

Les critères requis pour obtenir l’aide sont assez restrictives : le partenariat entre les coproducteurs doit être inscrit dans la durée, les plans de financement et de distribution doivent être transmis et le producteur suédois doit impérativement être en charge de toutes les décisions artistiques, financières et techniques en Suède. Enfin, il est entendu que, si elle est octroyée, cette aide est soumise à une localisation des dépenses en Suède.

Aides régionales

Les différentes régions suédoises offrent des mécanismes de soutien à la production cinématographique. Nous ne les détaillerons pas toutes ici, mais nous pouvons notamment citer les régions de Stockholm, la Scandinavie et le comté de Västra-Götaland.

La région de Stockholm propose une aide sélective et remboursable aux producteurs de films et vient aider leur financement pour un montant maximum de 100 000 €. Ce montant doit être intégralement dépensé dans la région. Il est également exigé qu’un distributeur soit engagé sur le film.

En Scandinavie le fond Film i Skane vient également soutenir la production cinématographique avec un budget annuel de 1,2 M €. Cette aide et sélective et remboursable et la localisation des dépenses est sévère : 200% du montant accordé doit être dépensé dans la région. L’apport est au surplus limité à 300 000 € et/ou 20% du budget du film pour lequel l’aide est accordée. Il est au surplus entendu que les films mettant en avant les talents régionaux se voient donner la priorité et que les coproductions financières sont expressément exclues.

Enfin, le fond Film Väst dispose d’un budget annuel très important de 11,3M € et peut participer au financement d’un film jusqu’à un montant de 2M€ dans une limite allant de 10 à 30% du budget du film. Cette aide est sélective et remboursable, et doit être dépensée intégralement dans la région.

Elle est au surplus assortie d’exigences importantes : la majorité du financement doit être confirmé, l’équipe technique doit être composé à 70% de personnels locaux pour les films suédois et à 50% pour les films étrangers et des distributeurs doivent d’ores et déjà être engagés sur le film.

On peut ici citer la production du film « Dans la forêt » qui est une collaboration entre les Films de Françoise et la société de production suédoise Gota film, ou encore « Snow therapy » dont la production rassemble Rhône-Alpes cinéma, Coproduction Office, la Société parisienne de production, Plattform Produktion en Suède et Motlys en Norvège.

A cet égard il est important de souligner que la France et la Norvège ne disposent d’aucun accord de coproduction spécifique mais néanmoins nous pouvons évoquer les aides que le pays propose.

2) Aperçu des aides disponibles en Norvège

Norwegian Film Institute

Le Norwegian Film Institute propose une aide à la production et, comme la Suède, une aide « Minority Coproduction Scheme ».

L’aide à la production est sélective mais ne repose pas sur un test culturel et n’est pas soumise à une localisation des dépenses. Son montant maximum va de 500 000 pour les coproductions minoritaires à 3 M d’euros. La demande d’aide peut être faite par une entreprise de production norvégienne ou par une entreprise membre de l’espace économique européen et enregistré en Norvège. Il faut ici souligner que cette aide est non remboursable et donc particulièrement intéressante.

Le « Minority Coproduction Scheme » est également une aide sélective et non remboursable, et non assortie d’une obligation de localisation des dépenses. Son budget annuel est assez faible : 1,52 M € et son apport par film est limité à 50% du budget et varie entre 50 000 et 500 000 € selon les projets.

Enfin, le Norwegian Film Institute est également en charge d’un dispositif fiscal en faveur de la production de films (Incentive for International films & Series in Norway). Cette incitation fiscale consiste en l’allocation au producteur d’un montant correspondant à 25% des dépenses éligibles prévues en Norvège.

Aides régionales

La Norvège dispose également de plusieurs fonds d’aides régionaux qui viennent soutenir la production de films de long métrage parmi lesquels ont peut citer le Film Fund Fuzz et Filmcamp AS.

Le Film Fund Fuzz dispose d’un budget annuel de 3M € et propose une aide sélective et remboursable. Cette aide varie entre 20% et 100% de la part de coproduction norvégienne et est soumise à une localisation des dépenses dans la région. Elle vient aider chaque année 2 coproductions majoritaires norvégiennes et dix coproductions minoritaires.

Le fond Filmcamp AS dispose d’un budget plus restreint, avec 1,2M € annuels. Il propose également une aide sélective et remboursable, qui est limitée à 475 000 € et 20% du budget du film. Elle est évidemment soumise à une localisation des dépenses dans la région. D’une ampleur moindre elle vient soutenir 4 coproductions majoritaires norvégiennes par an.

3) La coproduction France - Danemark

Moins ancien que l’accord franco-suédois et conclu en 1975, l’accord de coproduction franco-danois est cependant légèrement plus souple et permet une répartition des apports entre 75 et 25% du budget du film.

Néanmoins là encore la participation technique et artistique de chacun des pays doit intervenir dans la même proportion que celle des apports financiers.

Aides nationales : Danish Film Institute

Le Danish Film Institute propose différents supports financiers pour les producteurs de films cinématographiques.

Tout comme en Suède, il existe un fond « minority coproduction », doté d’un budget annuel de 1,650 M€. Cette aide est sélective et remboursable mais ne fait pas l’objet d’un test culturel. Elle peut venir soutenir un film jusqu’à un montant maximum de 400 000 euros dans la limite de 60% du budget du film et est assortie d’une obligation de localisation des dépenses. On peut ici citer comme bénéficiaire récent de cette aide le film « Back Home » de Joachim Trier coproduits notamment par memento Films en France et Nimbus Film Productions au Danemark.

Au surplus, une aide « Market Scheme » est accessible et dispose d’un budget annuel plus important de 6,3 M€ avec un apport maximum par film d’un million d’euros et 40% du budget du film. Là encore cette aide est sélective et remboursable mais n’est assortie ni d’un test culturel ni d’une obligation de localisation des dépenses. En revanche, il est nécessaire que 60% du financement du film soit acquis (à l’exclusion de tout autre financement du Danish Film Institute) et qu’un contrat de distribution cinématographique au Danemark soit conclu.

Enfin, une aide « Commissionner Scheme » peut être demandée dans les mêmes conditions. Le budget annuel est plus conséquent : 9,5M€ mais le soutien financier accordé est soumis à une localisation des dépenses.

Aides régionales

La ville de Copenhague propose à travers le Copenhague Film Fund une aide à la production. Ce fond a un budget annuel de 3,9 M€ et participe au financement des films pour un montant maximum de 500 000 €. L’aide est sélective, remboursable et doit être dépensé dans la région. Il est également entendu que la production du film bénéficiaire doit avoir acquis 60% du financement et qu’un distributeur et un vendeur international doivent être d’ores et déjà trouvé.

Enfin, le West Danish Film Fund et Film Fyn proposent deux autres aides régionales sélectives et remboursables. A cet effet les deux organismes disposent d’un budget annuel de 1,6 M€. Dans les deux cas les films doivent créer une émulation et des emplois locaux, la localisation des dépenses est très importantd : 160% pour Film Fy et 200% pour West Danish Film Fund.

Il est évident ici de citer les films de Lars Von trier : « Melancholia » une coproduction franco-suédo-danois impliquant notamment Arte et Canal Plus et « Nymphomaniac » coproduit par les Films du Losange, les deux films ayant été coproduits également pas Slot Machine. On peut également citer le film d’animation « Tout en haut du monde » , produit conjointement par Sacrebleu Productions et Maybe movies en France et Noerlum studio au Danemark, avec l’aide de plusieurs régions françaises, du CNC, du Danish Film Insitute et de la ville de Copenhague.

4) La coproduction France- Finlande

Le traité franco-finlandais est entré en vigueur en 1983. Il impose un équilibre des contributions techniques et artistiques des coproducteurs, étant entendu que la répartition des apports financier des coproducteurs peut varier entre 30 et 70% du budget.

La Finlande est un petit pays et ne dispose que d’une seule structure de soutien à la production cinématographique : la Finnish Film Foundation. Cette structure nationale propose une aide à la production de films de long métrage sélective et remboursable, qui reste assez accessible car elle ne requiert ni test culturel ni localisation des dépenses. Il faut ici noter, qu’avec un budget annuel de 15 millions d’euros et un apport par film pouvant aller jusqu’à la somme conséquente de 500 000 euros pour un film en coproduction, cette aide est particulièrement intéressante pour les producteurs.

A titre d’exemple on peut citer le film « Le havre » de Aki Kaurismaki coproduit par Pyramide en France et Sputnik en Finlande, soutenu par la Finnish Film Foundation et qui a également bénéficier du support de la chaine finlandaise Yle et d’Arte. Les films d’animation sont là aussi représentés avec l’exemple du long métrage « Les Moomins sur la Riviera » coproduit pas les sociétés Pictak en France et Handle Productions en Finlande.

Aides supranationales accessibles aux coproductions avec la Scandinavie

Les producteurs scandinaves peuvent s’appuyer sur le fond Nordisk. Il s’agit d’un fond supranational qui a pour mission de soutenir le développement des productions scandinaves (Danemark, Suède, Norvège, Islande et Finlande). En ce sens, le fond propose un aide aux films de longs métrages de fiction ou d’animation doté d’un budget annuel relativement conséquent de 10 M €. Cette aide est sélective et remboursable et peut venir soutenir le financement d’un film pour un montant maximum de 500 000 euros et la limite de 10% du budget du film. Cette aide est assortie d’une obligation de localisation des dépenses dans les pays membres du fond.

Enfin, il est important de noter que l’ensemble des pays scandinaves, y compris la Norvège, sont membres d’Eurimages, le fonds de soutien au cinéma européen. Eurimages vient soutenir des de coproductions entre au moins deux producteurs indépendants, ressortissants de différents États membres du Fonds. Les projets soumis doivent avoir sécuriser 50% de leur financement et le cas échéant Eurimages intervient sous la forme d’une avance remboursable sur recette d’au maximum 17 % du coût total de production du film, dans la limite d’un montant non négligeable de 500 000 €.

Les mécanismes visés ci-dessus sont malheureusement souvent méconnus des producteurs français, et de plus nombreuses coproductions avec les pays scandinaves mériteraient d’être envisagées.

Sébastien Lachaussée, Avocat Elisa Martin-Winkel, juriste Lachaussée Avocat est un cabinet d'avocat dédié au secteur des médias et des nouvelles technologies. _ [->sl@avocatl.com] _ www.avocatl.com