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Est-il juridiquement possible de mieux cibler le crédit d’impôt compétitivité (CICE) ? Par Eric Slupowski, Avocat.
Parution : mercredi 19 avril 2017
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Un légitime débat existe afin de faire bénéficier davantage du crédit d’impôt compétitivité à certaines entreprises et notamment aux entreprises soumises à la concurrence internationale.
Toutefois, il ne faut pas cette idée ne soit qu’un débat rhétorique éloigné des possibilités d’un application pratique.

En effet, il se pose la question de la constitutionnalité d’un crédit d’impôt compétitivité uniquement réservé aux entreprises soumises à la concurrence international.

Le principe d’égalité devant l’impôt comporte deux branches : d’une part le principe d’égalité devant la loi fiscale (article 6 de la déclaration des droits de 1789), et d’autre part le principe d’égalité devant les charges publiques (article 13 de la même déclaration).
Le Conseil constitutionnel a indiqué la portée du principe d’égalité dans ses deux branches. Les critères qu’il a posés, repris avec constance dans sa jurisprudence, sont devenus classiques. Le Conseil d’Etat les a d’ailleurs intégrés dans sa propre jurisprudence.
Le principe d’égalité devant la loi fiscale ne fait pas obstacle à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte, soit en rapport direct avec l’objet de la loi qu’il établit.
Le principe d’égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes. Il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives (c’est-à-dire les règles d’assiette), en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose.

L’ Article 87 du traité CE dispose :
« 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché commun :
a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits ;
b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ;
c) les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division.

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun :
a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi ;
b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ;
c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;
d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;
e) les autres catégories d’aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. »

La solution pour davantage cibler le crédit d’impôt compétitivité sur les entreprises soumises à la compétition internationale serait qu’il y ait tout d’abord la conservation d’un crédit d’impôt compétitivité pour l’ensemble des entreprises car utile pour permettre aux entreprises de récupérer de la trésorerie et des marges de compétitivité pour pouvoir embaucher.

Ainsi, il faudrait créer un crédit d’impôt compétitivité extérieur qui serait réservé aux entreprises soumises à la concurrence internationale.

Afin de respecter les contraintes constitutionnelles relative au principe d’égalité fiscal, ce crédit d’impôt serait réservé aux entreprises ayant un certain pourcentage de leur chiffre d’affaire réservé à l’exportation en dehors de l’Union européenne (il faut faire travailler ainsi les simulateurs afin de déterminer quel pourcentage de chiffre d’affaire serait retenu afin d’avoir la plus grande efficience au niveau compétitivité, au niveau emploi, et au niveau budgétaire).
Ce crédit d’impôt aurait donc pour finalité pour favoriser les entreprises françaises soumises à la compétition internationale et exportant en dehors de l’Union européenne afin de permettre une réduction du déficit commercial particulièrement important pour notre pays.

Il y aurait donc un but d’intérêt général qui permet de traiter de manière différente des situations différentes et que la dérogation a sans doute un but d’intérêt général totalement justifié.

Dans ces conditions, ce crédit d’impôt compétitivité extérieur entrerait dans le cadre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
D’autre part, pour éviter que la France soit condamné par l’Union européenne pour une aide directe ne respectant pas les dispositions de l’article 87 du traité CE, le crédit d’impôt compétitivité extérieur serait réservé aux entreprises qui ont un certain pourcentage de leur chiffre d’affaire en dehors de l’Union européenne. En effet l’article 87 du Traité CE prohibe les aides qui affecte les échanges entre les États membres.
Dès lors que le critère est le chiffre d’affaire en dehors de l’Union européenne ce crédit d’impôt respecterait l’article 87 du traité CE.
Quant au financement de ce crédit d’impôt compétitivité extérieur, cela relève d’arbitrage politique qui pourra être tranché par le pouvoir législatif et exécutif qui sera élu à la suite des prochaines élections présidentielles et législatives.

De même, pour cibler davantage le CICE, il pourrait être conditionné une partie du CICE à la signature d’accord de développement de l’emploi ou/et d’accord de négociation annuelle obligatoire avec des hausse des salaires.
De tels critères seraient fondés sur des critère objectifs pouvant ainsi satisfaire au principe constitutionnel d’égalité.

Par Eric SLUPOWSKI Avocat au Barreau de Paris Titulaire du Certificat de spécialisation en droit du Travail délivré par le Conseil National des Barreaux Avocat Spécialiste en Droit du Travail Chargé d'enseignement en Droit du Travail dans la filière AES à l'Université de Paris 10 NANTERRE