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Contrat et qualité de la prestation. Par Jean-Louis Denier, Juriste.
Parution : lundi 1er mai 2017
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Avec l’article 1166 du Code Civil, le vocable de « qualité » de la prestation fait son entrée « textuelle » dans le droit des contrats. L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 instaure, en effet, une obligation légale en la matière. Dans le cadre de la relation contractuelle, le débiteur doit, désormais, offrir une prestation de qualité.

Article 1166 du Code civil : « Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie. ».

Géographie du texte – l’article 1166 précité fait partie d’un ensemble de dispositions, toutes consacrées au contenu du contrat. En leur sein est mise en exergue la notion de « prestation ». L’article 1163 du Code Civil souligne à son propos que « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future. » étant rappelé - suivant les principe et définition portés par l’article 1101 du même Code - que «  le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. ».

Préalable sémantique – conclure un contrat implique de devoir honorer un ou plusieurs engagements (notion d’obligation). Matériellement, cela se traduit, la plupart du temps, par le fait d’accomplir et/ou réaliser et/ou procéder à une action donc à une prestation : ex. : créer, installer et mettre en service un logiciel ou une applicationvendre une voituretenir une comptabilitéfabriquer un buffetprocéder au référencement d’un site sur Internettravailler comme opérateur sur une chaîne de productiontransporter et livrer un colis – etc. ... . Se préoccuper de la qualité de la prestation revient, alors, à évaluer la façon dont cette action se déroule et, surtout, se concrétise. Cette évaluation porte, par conséquent, sur une réalisation finale et certaines de ses propriétés et/ou caractéristiques intrinsèques notamment son excellence et sa capacité à donner satisfaction (en raison, entre autre, de ses performances avérées et/ou d’une absence de défaut ou de manque).

Précision : la qualité dont il est question, avec l’article 1166, n’a rien voir avec les notions de « genre » ou « nature », la disposition n’opérant pas un travail de classification et/ou typologie, tâche dont s’acquitte, en fait, l’article 1163 précité lorsqu’il évoque une prestation pouvant être, soit présente, soit future, ou, encore, possible, déterminée ou déterminable. La qualité dont il est question, avec l’article 1166, ressort strictement de la notion de performance et de niveau.

Qualité et Code Napoléon – l’article 1166 comporte une innovation. Pour la première fois dans le Code civil, le vocable « qualité » est utilisé stricto sensu afin de faire clairement ressortir la nécessité d’une exigence en la matière. Cela marque une différence avec la rédaction précédente. Car l’ancien article 1246 du Code civil n’exigeait qu’une qualité moyenne. Il empruntait - à coup de circonvolutions stylistiques fleurant bon le XIXème siècle - une voie médiane entre le pire et le meilleur, médiane transformée en postulat par l’affirmation suivante : « Si la dette est d’une chose qui ne soit déterminée que par son espèce, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la donner de la meilleure espèce ; mais il ne pourra l’offrir de la plus mauvaise. ».

Qualité et droit prétorien – la jurisprudence s’est, peu à peu, détachée de la voie médiane précitée. Les juges ont fait prévaloir une logique essentiellement marquée par deux soucis. Un premier d’ordre strictement matériel et financier  : celui d’une relation de cause à effet directe entre montant de prix et niveau de qualité, de sorte que, plus l’on paye cher, plus la qualité obtenue doit être élevée (Cass. Ch. Req. 18 déc. 1934 – Gaz. Pal. 1935.1.271). Un second d’ordre comportemental  : le contrat devant être mené à bonne fin, sa prestation doit être réalisée avec rigueur, soin et conscience (ce qui exclut toute forme de négligence, désinvolture et légèreté - Cass. Civ. 28 avril 1987, n° 85-13674 et Cass. Com. 11 avril 1995, n° 92-21476).

Contrats IT et obligation de délivrance conforme : la qualité version 2.0 ... ? Dans le domaine du numérique (informatique + Web), une obligation spécifique s’impose au prestataire, celle d’avoir à livrer et délivrer, à son client, un produit strictement conforme à ses besoins et attentes (particulièrement quand ils/elles ont été formalisé(e)s par le biais d’un document tel qu’un cahier des charges). Par ses nature et portée, cette obligation interdit tout dysfonctionnement et/ou défaut majeur du produit sauf à entraîner mise en cause de responsabilité du prestataire voire résolution pure et simple du contrat à ses torts. La qualité - en tant que telle - étant exclusive de tout défaut important, on peut considérer que l’obligation de délivrance conforme présente, sous certains de ses aspects, l’apparence d’une obligation de qualité de la prestation (cf. notamment C. App. Grenoble 4 juin 2015, Cimm c/ 3C Evolution – C. App. Paris 5-4e Ch. 14 décembre 2016, n° 14/14793 - Trib. Com. Bobigny 21 février 2017, RG 2014F01106).

En procédant au simple suivi linéaire du texte de l’article 1166, on obtient une progression qui traduit la logique de la disposition :

1. Principe – prééminence du contrat : la gestion de la problématique « qualité » revient prioritairement au contrat. Son contenu doit donc en fixer et spécifier nature et niveau. A défaut de stipulation précise, le contenu général du contrat peut (aussi) permettre de se faire une idée suffisamment concrète des intentions des parties en la matière.

2. Exception – silence du contrat et mise en œuvre d’un mécanisme : dans l’hypothèse d’une absence de stipulation ou encore de signification tirée du contrat, l’article 1166 comporte un mécanisme dont la mise en œuvre est alors requise.

3. Mécanisme de l’article 1166 : méthodologie de vérification

a) Principe de départ : instauration d’une obligation de qualité - un devoir de qualité est imposé à la partie réalisant la prestation. Il s’agit d’une exigence légale. De sorte que l’une des caractéristiques intrinsèques de la prestation fournie doit être, sans discussion possible, sa qualité. Ce principe posé, il convient d’en vérifier le respect, autrement dit s’assurer du niveau de qualité atteint. Une méthodologie de vérification est alors à utiliser.

b) Méthodologie de vérification : mesure de la conformité – le niveau de qualité atteint doit être mesuré à l’aune des attentes légitimes des cocontractants voire même confronté à celles-ci. Vérifier revient donc à établir si la qualité correspond (ou non) à l’idée que chaque partie s’en fait. Car, avec l’article 1166, le niveau atteint doit cumulativement  : 1°) satisfaire le bénéficiaire de la prestation en répondant à ses aspirations. 2°) satisfaire le prestataire en coïncidant avec sa propre conception de la qualité. Cette modalité traduit une perception individualisée et subjective. Raison pour laquelle sont introduits des critères de mesure matériels et concrets afin de la rendre plus objective

c) Objectivisation de la vérification : critères concrets - trois critères matériels et contextuels sont destinés à rendre objective la mesure de la conformité. Sont pris en considération : 1°) le type même de prestation concerné. 2°) d’éventuelles usages (normes et pratiques professionnelles imposant un degré de qualité considération faite d’un milieu d’appartenance et/ou d’un statut). 3°) le niveau de prix de la prestation.

Première évidence : pas de définition légale de la qualité – bien que posant le principe d’une dette de qualité, l’article 1166 ne dit rien de celle-ci. Le législateur en parle sans la cerner ni préciser. Rien d’étonnant à cela au premier abord. Chaque prestation contractuelle présentant une nature spécifique, il en va de même pour sa qualité intrinsèque, celle-ci pouvant ressortir d’exigences variées (exemple : esthétique – solidité – sureté – puissance – disponibilité – confort – etc.) Mais au-delà de cette évidence, la disposition légale souffre, cependant, d’un manque. La qualité étant, par essence, en connexion étroite avec la notion d’excellence, il eut été pertinent de le souligner.

Seconde évidence : alternative juge ou contrat – l’article 1166 présente toutes les apparences d’une disposition supplétive. Son système spécifique de vérification de la qualité n’est mis en œuvre qu’à défaut de manifestation ou indice de manifestation d’un accord (contractuel) des parties sur ce point. Sachant que tout litige en matière de qualité – sauf médiation ou processus d’arbitrage – conduit à la barre du tribunal, reviendra donc au juge la tâche d’opérer la vérification. Quand bien même le caractère supplétif de l’article 1166, il semble que le juge soit lié par sa méthodologie spécifique de vérification dont ses critères d’étalonnage.

Troisième évidence : le contrat ... outil « naturel » de spécification – la priorité est donnée au contrat. La fixation de normes et spécifications en matière de qualité de la prestation est d’abord l’affaire des parties au contrat.

=>Formalisation des spécifications : de l’opportunité à l’obligation – avec l’alternative juge/contrat, l’article 1166 ouvre une possibilité. Des partenaires ont tout loisir de créer des normes contractuelles en matière de qualité afin de se trouver liés et contraints par elles. Mais tout ne ressort pas de la simple possibilité. Le domaine du numérique, avec les contrats IT, sécrète un devoir de collaboration entre parties. Cela se traduit, du côté du client, par la nécessité de formaliser ses besoins et attentes par le biais, notamment, d’un cahier des charges. Dans nombre de cas, l’absence de formalisation limite - voire interdit - toute faculté de mise en cause ultérieure de la responsabilité du prestataire pour raison de manquement à ses obligations (dont celle de livraison d’un produit conforme donc de qualité).

=> Formalisation des attentes : s’assurer de leur contractualisation définitive – un cahier des charges, des documents d’appel d’offre ... tout cela ne suffit pas. Pour prévenir tout litige et interrogation (quant à leur efficience et quant à leur opposabilité au prestataire), ces attente doivent être relayées par un document présentant un caractère tant bilatéral que contractuel. Il s’agit – en vertu de l’article 1103 du Code civil – de leur faire acquérir une force obligatoire véritable. Car l’existence d’un écart, voire d’un hiatus, entre formalisation initiale de desiderata et formalisation finale peut être perçue voire interprétée comme un renoncement à telle ou telle exigence ou encore dénoter une volonté commune des parties de ne pas élever au rang d’obligation contractuelle véritable telle ou telle spécification pourtant avancée au départ. Par conséquent, tel paragraphe d’un préambule du contrat, l’une ou l’autre de ses clauses ou encore une annexe générale ou particulière reprendra et reproduira le contenu d’un cahier des charges ou le visera afin, et en y faisant référence, de contractualiser effectivement et définitivement ses exigences en matière de qualité.

Rappel  : conditions générales ou particulières évoquant la qualité – les stipulations relatives à la qualité peuvent aussi figurer dans des conditions générales ou particulières matériellement séparées du contenu du contrat prévoyant la réalisation de la prestation. Dans ce cas, et en application de l’article 1119 du Code Civil, ces conditions ne seront opposables au bénéficiaire de la prestation que pour autant que ce dernier en ait eu connaissance préalablement et les ait acceptées sans ambiguïté.

=> Formalisation d’une offre en matière de qualité : quand la proposition vaut contrat – il convient de ne pas parler ou écrire légèrement et/ou rapidement en matière d’engagement relatif à la qualité. Avec l’article 1114 du Code civil, une proposition commerciale comprenant les éléments essentiels d’un futur contrat exprime une volonté, celle d’être liée par son contenu, autrement dit de se trouver (d’ores et déjà) engagé par ses termes, surtout si elle fait l’objet d’une acceptation. Et si ladite offre comporte des remarques précises et sans réserve(s) quant à la qualité d’un produit, d’une prestation ... ces remarques deviendront autant d’engagements contractuels dont le respect futur sera impératif.

=> Interprétation des dispositions relatives à la qualité : quand le doute profite au bénéficiaire de la prestation – en cas d’ambiguïté de sens et/ou portée, la stipulation contractuelle porteuse d’une spécification relative à la qualité est soumise à des règles d’interprétation. Elles sont susceptibles de se retourner contre la partie qui a proposé, à la signature, un contenu de contrat pré-rédigé ou encore rédigé unilatéralement la disposition en cause. Avec l’article 1190 du Code civil, sens et/ou portée des spécifications seront alors interprétés de façon à favoriser les intérêts du bénéficiaire de la prestation au détriment de ceux du prestataire.

=> Fixation de normes qualité : limites à la liberté de stipulation – la formulation, par le prestataire lui-même, des engagements qu’il propose et prend, relativement à la qualité, est encadrée. Encadrée, d’abord, par l’article 1170 du Code civil. Celui-ci prévoit que toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur (ou prestataire) est réputée non écrite. Encadrée, ensuite, par l’article 1171 du Code civil. Ce dernier prévoit que toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre droits et obligations des parties est, là de même, réputée non écrite. Dans un cas comme dans l’autre, le prestataire ne peut, par le biais d’une rédaction unilatérale, utiliser une stipulation dans le but, ou de se dégager de tout engagement, garantie et/ou effort en matière de qualité de sa prestation, ou de subordonner le bénéfice de la qualité - ou d’une qualité suffisante - à des conditions draconiennes et dissymétriques (notamment par le biais d’une brusque variation tarifaire en cours de contrat – variation aux allures de chantage - quand, du jour au lendemain, seul un tarif élevé permet d’obtenir un produit de qualité, notamment en termes de fiabilité, résistance ou sûreté de fonctionnement).

Quatrième évidence : le juge donne le « la » - en cas d’imprécision contractuelle reviennent au juge tâche et pouvoir de déterminer le niveau de qualité à fournir. Son office est double : relever les attentes des parties en la matière, les mettre en perspective d’au moins deux des critères de l’article 1166, toutes les parties n’étant pas forcément concernées par tel ou tel usage professionnel.

Conséquence de l’intervention résiduelle du juge : le demandeur doit prouver ... une absence – avec l’article 1166, l’intervention du juge est subordonnée à l’absence totale de toute référence et/ou source contractuelle relative à la qualité de la prestation. Par conséquent, la saisine du juge devra, impérativement, s’accompagner de la démonstration tant de cette absence que de son effectivité. Prouver l’existence d’un vide ... cela relèvera vite du paradoxe. Paradoxe incontournable toutefois car un plaideur habile pourra, à l’aide de tel ou tel élément d’apparence anodine au départ, tenter de faire écarter la pleine application de l’article 1166 (ex. : un banal échange de mails en cours de négociation laissant supposer que, malgré le silence du contrat, un commencement d’accord et de volontés a pu néanmoins émerger et se concrétiser donc se contractualiser).

Un moyen de preuve utile : le « benchmark » - avec l’article 1166, la question du prix, plus exactement du « rapport qualité/prix », étant loin d’être anodine, la démonstration de l’existence de disparité(s) en la matière pourra s’avérer utile. Il s’agira – et par le biais d’analyses comparatives reposant sur des éléments concrets - de mettre en exergue le fait qu’un produit B (identique au produit A concerné) est, à coût analogue ou moindre, qualitativement plus satisfaisant que le produit A, déficit qualitatif ne pouvant, compte tenu du prix payé, que trahir les attentes du bénéficiaire de la prestation notamment si celui-ci a été encouragé à contracter par le fait d’une publicité vantant les mérites de la prestation.

Quelques questions demeurant en suspens

Question 1 : vers la généralisation voire systématisation de l’obligation de qualité ?
La lecture de l’article 1166 semble suggérer que la dette de qualité est essentiellement une affaire de déterminisme contractuel. Rien n’est moins sûr. On pourrait aussi considérer que, par nature et peu importe l’absence d’exigence et/ou précision spécifique insérée dans le contenu de tel ou tel document, la prestation, parce qu’elle résulte d’une obligation contractuelle valant loi, doit, nécessairement et de toute façon, présenter un niveau suffisant de qualité. Pourquoi ? Parce qu’une insuffisance drastique en la matière serait susceptible de priver le contrat de tout intérêt pour l’un des cocontractants. Ce qui rendrait sa prestation illusoire ou dérisoire - au sens de l’article 1169 du Code civil - illusoire ou dérisoire en raison de sa qualité trop faible malgré un prix payé correspondant au tarif initialement convenu.

Question 2 : une obligation de qualité, oui, mais ... de moyen, de moyen renforcée, de résultat ?
Devoir réaliser une prestation de qualité ... mais jusqu’à quel point ? L’article 1166, de même qu’il ne définit pas la qualité stricto sensu, n’évoque nullement les nature et portée de l’obligation qui en pose le principe. A la base, si l’obligation est (simplement) de moyen, déploiement et fourniture d’un certain nombre d’efforts et diligences suffiront. Graduellement, si l’obligation évolue pour se renforcer, le déploiement des efforts et diligences devra être exempt de tout manquement fautif. Si la finalité est le pur résultat, la qualité sera tout autant un objectif qu’une garantie aux allures de certitude, certitude dont la preuve devra être systématiquement rapportée par le prestataire. En prenant en considération la nature de la prestation pour en évaluer la conformité de sa qualité, le législateur répond, indirectement, à la question : c’est la nature même de la prestation qui déterminera nature et portée de l’obligation de qualité. Par conséquent, si la réalisation de la prestation évolue dans un environnement contractuel d’obligation de moyen (ex. : prestation de conseil, de recrutement, etc.), il y a fort à parier que cet environnement déteindra sur les exigences se rapportant à la qualité. A l’inverse, une prestation de haute technologie dont l’environnement est celui de l’obligation de résultat (ex. : mise au point de matériau pour l’industrie spatiale, fabrication de cuves de réacteur pour centrales atomiques) sera soumise à des exigences ressortant de l’obligation de résultat.

Question 3 : derrière la « légitimité » des attentes des parties ... leur bonne foi ?
Avec l’article 1166, la dette de qualité est mise en étroite corrélation avec les attentes des parties – savant mélange et fusion des notions d’aspirations, espérance, conception et opinion – sachant qu’elles doivent présenter une caractéristique, celle de la légitimité. A priori, cela semble signifier que lesdites attentes doivent reposer sur un fondement, base leur conférant justesse et bien-fondé. Quel est ce fondement ? Ne serait-ce pas celui de la bonne foi, bonne foi qui, par l’entremise de l’article 1104 du Code civil, irrigue la totalité de la vie du contrat ... ? On peut le penser. On peut le penser en retenant cette définition jurisprudentielle de la bonne foi issue d’une décision de juridiction du fond : « L’obligation de bonne foi implique que chaque partie s’abstienne de tout abus, ait un comportement raisonnable et modéré, sans agir dans son intérêt exclusif ni nuire de manière injustifiée à son partenaire (...) », C. App. Paris 24 octobre 2001, Dalloz.2001. 3236. De la sorte, et pour être fondées, les attentes des parties en matière de qualité devront refléter une mentalité faite de modération et de nécessaire prise en compte et respect tant de la mentalité que des intérêts du partenaire au contrat.

Question 4 : la qualité, oui, mais … quand ? Et jusqu’à quand … ?
La temporalité de la qualité n’est pas envisagée par l’article 1166. La qualité (due) de la prestation n’est, considérant l’économie du texte, aucunement mise en relation avec le temps, le temps pris comme facteur, paramètre ou encore limite. De sorte que l’on ignore notamment : 1°) le point de départ de l’obligation de qualité (le moment à partir duquel la qualité doit être avérée et « cristallisée »). 2°) la durée de cette obligation de qualité donc la durée de son opposabilité au débiteur (l’espace de temps à l’intérieur duquel la qualité doit continuer à être avérée et efficiente). Ce qui, par conséquent, donne lieu à de multiples interrogations découlant de l’absence de tout repère chronologique. Certes, la qualité – par elle-même et telle que visée par l’article 1166 - est une dette et non pas une garantie. Raison pour laquelle, il n’y pas d’indication de délai et, plus particulièrement, de délai de prescription (à l’identique, par exemple, de la garantie de conformité des articles L. 217-4 à L. 217-14 du Code de la consommation qui se prescrit par 2 ans à compter de la délivrance du bien ou de celle en vice caché des articles 1641 à 1649 du Code civil qui, elle, se prescrit par 2 ans à compter de la découverte du vice). Néanmoins, ce défaut de temporalité contraindra le juge, en cas de litige, à fixer lui-même, eu égard les données de l’espèce (nature de la prestation – type de contrat – qualité et statut des parties), telle durée de référence et tel délai ou telle limite de temps pour se plaindre d’un déficit de qualité et agir (en se référant aux délais légaux de prescription).

Impact effectif de l’article 1166

Notre propos pourra sembler extrêmement analytique et n’avoir d’intérêt que pour cela.

Sauf que ...

Sauf que l’article 1166 irrigue l’ensemble des contrats, peu importe le type, la nature et le domaine de la convention concernée : contrats du numérique, contrats de prestation de service, contrats de construction, contrats de fabrication, contrats de transport, contrats de travail ... .

Sauf que l’article 1166 concerne des acteurs très divers, ceux de la sphère publique et parapublique n’y échappant pas lorsqu’une prestation à réaliser doit l’être par une personne morale en charge d’une mission de service public industriel et commercial.

Sauf que nombre de contrats ne comporte aucune spécification précise relative à la qualité.

Sauf que, et pour finir, l’article 1166 étant une disposition traitant d’un problème spécifique, elle ne présente pas forcément la nature propre d’une disposition générale de sorte qu’elle possède un haut potentiel d’application et effet, y compris en présence de dispositions légales particulières, telles que, par exemple, celles du droit de la consommation.

Jean-Louis Denier Juriste d'entreprise - Juriste en droit social