Village de la Justice www.village-justice.com

Rémunération des dirigeants et mandataires sociaux des sociétés cotées : qu’est-ce qui va changer avec le décret « Say on Pay » ? Par Frédéric Chhum, Avocat, et Marilou Ollivier, Elève-avocat.
Parution : lundi 8 mai 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Remuneration-des-dirigeants-mandataires-sociaux-des-societes-cotees-est-qui,24927.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’article 161 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II » met en place une double consultation obligatoire des actionnaires des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé concernant la rémunération de leurs dirigeants et mandataires sociaux.

Le décret « Say on Pay » n°2017-340 du 16 mars 2017 en précise les modalités d’application.

Ce nouveau dispositif de contrôle de la rémunération des dirigeants et mandataires sociaux s’inscrit dans la continuité de la loi Macron du 6 août 2015 qui a encadré les retraites chapeaux en les soumettant à des conditions de performance.

Il a pour objectif d’assurer une plus grande transparence et de renforcer la confiance dans les acteurs économiques puisque désormais, les actionnaires des sociétés cotées devront être consultés sur la rémunération de leurs dirigeants.

1) La consécration légale d’un système de « Say on Pay » contraignant

Le principe du say on pay (faculté offerte aux actionnaires de se prononcer sur les systèmes de rémunération de leurs dirigeants et mandataires sociaux) n’a pas été créé par la loi Sapin II, il existait déjà dans le droit antérieur, à travers le code APEF/MEDEF.

En effet, le code AFEP/MEDEF prévoyait déjà une consultation des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux, mais sous une forme beaucoup moins contraignante.

Aux termes des dispositions du code AFEP /MEDEF, le vote des actionnaires ne s’effectuaient qu’a posteriori et n’avait qu’une valeur consultative.

Or, ce dispositif est vite apparu trop souple. En effet, les affaires Renault et Alstom ont montré les limites de ces dispositions.

Dans "l’affaire" Renault, le conseil d’administration avait, dans un premier temps, refusé de modifier la rémunération proposée après son rejet par l’assemblée générale des actionnaires.

Dans "l’affaire" Alstom, le conseil d’administration avait également refusé de modifier toute rémunération par suite du vote des actionnaires au motif que celles-ci avaient déjà été versées.

2) Une double consultation de l’assemblée générale des actionnaires

Le dispositif du say on pay mis en place par la loi Sapin II du 9 décembre 2016 et le décret du 16 mars 2017 prévoit une double consultation :
- une consultation ex ante sur la politique de rémunération (principes et critères de détermination, de répartition et d’attribution) présentée dans un rapport spécial du Conseil d’Administartion qui doit avoir lieu selon une périodicité annuelle ;
- une consultation ex post sur la rémunération versée au titre de l’exercice passé.

Ce faisant, on passe d’une compétence exclusive du Conseil d’Administration quant à la détermination de la rémunération des dirigeants et mandataires sociaux, à une compétence partagée avec les actionnaires qui se voient ainsi reconnaitre un véritable rôle dans ce processus.

Cette double consultation obligatoire concerne l’ensemble des dirigeants et mandataires sociaux des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé, à savoir : le président, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire, le directeur général unique et les membres du conseil de surveillance.

La loi Sapin II donne une définition large des rémunérations visées : « éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature ».

Le décret du 16 mars 2017 est venu préciser ce qu’il fallait précisément entendre par « éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature », à savoir :
- les jetons de présence ;
- la rémunération fixe annuelle ;
- la rémunération variable annuelle ;
- la rémunération variable pluriannuelle ;
- les attributions d’options de souscription ou d’achat d’actions ;
- les attributions gratuites d’actions ;
- les rémunérations exceptionnelles ;
- les rémunérations, indemnités ou avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la prise de fonction ;
- les rémunérations, indemnités ou avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de fonctions, à des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes de l’article L. 137-11 du Code de la sécurité sociale, ou en contrepartie d’une clause de non-concurrence ;
- les éléments de rémunération et des avantages de toute nature dus ou susceptibles d’être dus aux dirigeants exécutifs, au titre de conventions conclues, directement ou par personne interposée, en raison de leur mandat, avec la société dans laquelle le mandat est exercé, toute société contrôlée par elle, qui la contrôle, ou encore placée sous le même contrôle qu’elle ;
- tout autre élément de rémunération attribuable en raison du mandat ;
- les avantages de toute nature. (Articles R. 225-29-1 et R. 225-56-1 du Code de commerce)

Ce nouveau dispositif est applicable et devra être mis en œuvre s’agissant du contrôle ex ante dès la prochaine assemblée (au cours de l’année 2017) et s’agissant du contrôle ex post à la clôture du prochain exercice (au cours de l’année 2018).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum