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Expertise CHSCT : l’employeur peut opposer le secret médical. Par Elisabeth Graëve, Avocat, et Anaël Andre.
Parution : jeudi 11 mai 2017
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Une décision importante vient d’être rendue sur le droit d’accès d’un expert CHSCT d’un établissement de santé.

La Cour de cassation estime que l’expert mandaté par le CHSCT d’un établissement hospitalier peut légitimement se voir opposer le secret médical par l’employeur (Cass. soc., 20 avril 2017, n°15-27.927 et n°15-27.955) et, par conséquent, se voir interdire l’accès aux blocs opératoires et aux réunions des équipes médicales.

Rappelons que conformément aux dispositions de l’article L. 1110-4 du CSP :

1. toute personne prise en charge par un établissement de santé a droit au respect (i) de sa vie privée et (ii) au secret des informations la concernant

2. que le secret couvre l’ensemble des informations concernant le patient et s’impose :
- à tout membre du personnel des établissements de santé ;
- à toute autre personne en relation, de par ses activités, avec les établissements de santé ;
- à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

En l’espèce, le CHSCT d’un centre hospitalier sollicite une expertise sur le fondement de l’article L. 4614-12 du Code du travail et du risque grave et invoque :
- l’accroissement de la charge de travail,
- l’inadaptation des locaux.

Le Directeur du CH refuse à l’expert du CHSCT le droit d’accéder aux blocs opératoires et aux réunions des équipes médicales, en lui opposant le secret médical.

Le CHSCT conteste cette interdiction en s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 1110-4 du CSP et estime qu’il est dépositaire du secret médical dès lors que :
- l’expert du CHSCT est en relation avec l’établissement,
- l’expert du CHSCT dont la mission est précisément de veiller à la qualité des conditions de travail des agents, participe nécessairement au système de santé.

La cour d’appel déboute le CHSCT :
- en jugeant que l’expert CHSCT n’est pas dépositaire du secret médical,
- en estimant également dans le cadre de son pouvoir d’appréciation que l’expert CHSCT pouvait accomplir sa mission en auditionnant les agents, en examinant les plannings et en visitant les lieux « hors la présence des patients », ces moyens d’investigation étant jugés suffisants.

Cette décision est confirmée par la Cour de cassation au visa de l’article L. 1110-4 du CSP :
« qu’il résulte des alinéas 1 et 2 de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique que toute personne prise en charge par un établissement de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant, que ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance de tout membre du personnel de ces établissements et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements, qu’il s’impose également à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ;
Que la cour d’appel en a exactement déduit que l’expert mandaté par le CHSCT en application de l’article L. 4614-12 du Code du travail, lequel n’est pas en relation avec l’établissement ni n’intervient dans le système de santé pour les besoins de la prise en charge des personnes visées par l’alinéa 1 de l’article L. 1110-4 précité, ne pouvait prétendre être dépositaire dudit secret
 »

« Et attendu, ensuite, que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d’appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté d’une part que le motif du recours à l’expertise était l’accroissement de la charge de travail et l’inadaptation des locaux, d’autre part que l’expert disposait de moyens d’investigation tels que l’audition des agents, l’examen des plannings et la visite des lieux hors la présence des patients, de sorte que ces moyens suffisaient à l’accomplissement de sa mission, a légalement justifié sa décision »

Elisabeth GRAËVE Anaël ANDRE GRAËVE Avocats