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Le site de rencontre Gleeden condamné pour contrefaçon. Par Mélanie Couhault, Avocat.
Parution : vendredi 12 mai 2017
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Suite à une action en contrefaçon engagée par l’agence MELVILLE, le site Gleeden a été condamné à 80.000 euros pour contrefaçon de 4 slogans publicitaires - jugement du Tribunal de Grande instance de Paris du 9 février 2017.

La société Blackdivine exploite son activité par l’intermédiaire de son site de rencontres « Gleeden.com », dont les premières campagnes de communication ont fait grand bruit. Ces campagnes ont été réalisées par l’agence de communication Melville, qui a réalisé plusieurs visuels sur le thème de l’infidélité, par exemples : « Par principe, nous ne proposons pas de carte de fidélité », « Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la sécu » ou encore « c’est parfois en restant fidèle qu’on se trompe le plus ».

La société Melville a par la suite constaté que son ancien client (ci-après « Gleeden ») avait utilisé certains de ses slogans pour des campagnes non autorisées. Il s’agissait notamment d’une publication presse papier non prévue dans la cession de droits d’auteur, pour d’autres d’exploitations à l’étranger, ou encore d’exploitations au-delà de la durée prévue contractuellement. Après l’échec d’une tentative de règlement amiable, Melville a assigné Gleeden en contrefaçon de ses droits d’auteur pour sept de ses créations.

En défense, Gleeden a naturellement prétendu que les visuels n’étaient pas originaux.

Gleeden soutenait que l’infidélité était un sujet universel et que par conséquent Melville ne pouvait pas être l’initiateur d’une pratique de dédramatisation de ce type de mœurs. Le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans son jugement du 9 février 2017, a toutefois relevé que : « la société Melville a pris le soin d’expliciter les choix ayant présidé à la création de chaque slogan ce qui relève de la seule volonté de l’auteur ». Le Conseil de la société Melville a donc apporté la preuve d’une originalité en décrivant, pour chacune des sept accroches revendiquées, les choix ayant motivé ces créations et témoignant ainsi d’une réelle empreinte de la personnalité des auteurs.

Les slogans : « Par principe nous ne proposons pas de carte de fidélité ; Être fidèle à deux hommes, c’est être deux fois plus fidèle ; On n’a qu’une vie, c’est une bonne raison d’en vivre plusieurs ; Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la sécu ; C’est parfois en restant fidèle qu’on se trompe le plus ; Tout le monde peut se tromper, surtout maintenant ; France-Suède ce soir à 20h45, certaines n’attendront pas la mi-temps pour remplacer leur titulaire » ont donc été jugés originaux. Le Tribunal de Grande Instance de Paris rappelle ainsi que des slogans publicitaires peuvent être protégés par le droit d’auteur.

S’agissant des visuels utilisés hors du territoire ou au-delà de la période autorisée, le Tribunal a statué contre l’argument de Gleeden, qui prétendait que de simples captures d’écran ne pouvaient être recevables pour prouver la contrefaçon, sous-entendant l’obligation de communiquer un constat d’huissier. Il a jugé que les captures d’écran d’articles journalistiques possédaient une date de publication ainsi qu’une heure de mise à jour, différentes de la date d’impression, conférant date certaine auxdites captures, au même titre qu’un article publié dans un journal papier.

La plupart des slogans ayant été repris à l’identique, la contrefaçon a été reconnue pour quatre slogans seulement. Le Tribunal a jugé que les trois autres slogans entraient dans les autorisations consenties par e-mail par la société Melville, rappelant qu’entre sociétés, l’étendue de la cession de droits d’auteur peut se prouver par tout moyen. Il fut également jugé que le slogan « France-Suède ce soir à 20h45, certaines n’attendront pas la mi-temps pour remplacer leur titulaire » était similaire à «  France-Suisse, pas besoin d’attendre la mi-temps pour remplacer votre titulaire ».

Gleeden a donc été condamnée à payer à la société Melville une somme de 10.000 euros par exploitation contrefaisante, soit la somme de 80.000 euros à titre de dommages intérêts.

Cette décision récente, encore susceptible d’appel, rappelle l’importance pour les annonceurs de conclure un contrat avec leurs agences de communication, afin de fixer les territoires et d’obtenir les supports nécessaires à l’exploitation envisagée.

Mélanie COUHAULT Avocat au Barreau de Paris