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Salariés, cadres : interdiction de « vapotage » (cigarette électronique) sur le lieu de travail. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : mardi 16 mai 2017
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Depuis le 1er février 2007, les salariés sont habitués à l’interdiction de fumer dans l’enceinte de leur entreprise. La question se posait de savoir si cette interdiction devrait s’étendre à la cigarette électronique (« vapotage »).

L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) avait déjà considéré qu’en raison de l’obligation de sécurité et de résultat pesant sur l’employeur, ce dernier devait protéger les salariés contre une éventuelle exposition passive à ce produit (INRS – Mars 2013- Références en santé au travail n° 133, Questions – réponses 75).

(Décret du 25 avril 2017 applicable au 1er octobre 2017)

L’article 28 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a répondu à cette incertitude. En effet, elle a interdit l’utilisation des cigarettes électroniques (« vapotage ») dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectifs.

Le décret d’application du 25 avril 2017 de cette loi est venu préciser les modalités d’application de l’interdiction de l’utilisation des cigarettes électroniques concernant les lieux de travail.

En outre, il rend obligatoire une signalisation apparente qui rappelle le principe de l’interdiction de vapoter et, le cas échéant, ses conditions d’application dans l’enceinte des lieux concernés.

Enfin, il prévoit une contravention de deuxième classe à l’encontre des personnes qui méconnaissent l’interdiction de vapoter, ainsi qu’une contravention de troisième classe pour les responsables des lieux où s’applique l’interdiction, qui ne mettent pas en place la signalisation.

Il faut rappeler que l’utilisation des cigarettes électroniques est interdite dans les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs, dans les moyens de transport collectif fermés ainsi que dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif.

1) Lieux de travail où il est interdit de vapoter

Les lieux de travail soumis à l’interdiction de vapoter en application du 3° de l’article L.3513-6 du Code de la santé publique s’entendent des locaux recevant des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l’établissement, fermés et couverts, et affectés à un usage collectif, à l’exception des locaux qui accueillent du public (R3513-2 du code de la santé publique). De la même manière, les bureaux individuels ne sont pas concernés par cette interdiction en l’absence d’indication dans le règlement intérieur, à la différence de l’interdiction de fumer.

Précisément, il est donc interdit de vapoter dans les locaux affectés à la restauration collective, salles de réunion et de formation, les salles et espaces de repos, les open-space, etc.

Le décret du 25 avril 2017 exclu de l’interdiction les bars et restaurants (sauf locaux accueillant du public) en cohérence avec l’avis du Conseil d’État d’octobre 2013 sur le sujet.

Les employeurs n’ont pas l’obligation de faire figurer cette interdiction dans le règlement intérieur, puisqu’elle est prévue par la loi.

2) Sanctions en cas de non-respect de l’obligation de vapoter

2.1) Sanctions pénales

Le fait de vapoter dans les établissements scolaires, les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs, les moyens de transport collectif fermés, et les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe, c’est-à-dire d’un montant compris entre 38 à 150 euros (R3515-7 du Code de la santé publique). Le décret ne prévoit donc pas d’amende forfaitaire, comme cela peut être le cas pour l’interdiction de fumer.

2.2) Sanctions disciplinaires

Le salarié s’expose à une faute disciplinaire s’il ne respecte pas l’interdiction de vapoter, comme c’est le cas pour l’interdiction de fumer. Il risque des sanctions qui peuvent aller de l’avertissement au licenciement pour faute (Cass. soc., 1er juill. 2008, n°06-46.421, Bull. civ. V. n°145). Cependant, l’employeur doit respecter le principe de proportionnalité entre la faute et la sanction.

2.3) Sanctions civiles

En comparaison avec l’interdiction de fumer, le salarié peut, selon nous, se voir accorder des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité résultat si l’employeur n’a pas fait respecter l’interdiction de vapoter dans l’entreprise.

De façon identique, il semble peu probable qu’un salarié puisse prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou faire valoir son droit au retrait pour violation de l’interdiction de vapoter.

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 octobre 2010, a requalifié une prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour inobservation de l’interdiction légale relative à l’interdiction de fumer en entreprise (Cass. soc., 6 oct. 2010, n°09-65103, Bull. civ. V n°215).

Cependant, la Cour de cassation a durci son appréciation des manquements graves empêchant la poursuite du contrat de travail permettant une prise d’acte de rupture, depuis une série d’arrêts de 2014 (Cass. soc.26 mars 2014, n°12-23.634, Bull. civ. V n°85 ; Cass. soc. 14 mai 2014, n°13-10.913 ; Cass. soc. 15 mai 2014, n°12-29.746).

A notre connaissance, la Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée dans ce domaine depuis ces arrêts.

3) Signalisation apparente dans certains lieux rappelant l’interdiction de vapoter

Le décret du 25 avril 2017 oblige également la mise en place d’une signalisation apparente rappelant cette interdiction, dans les locaux où celle-ci s’appliquera. Ainsi, l’article R3513-3 du Code de la santé publique prévoit que les responsables des lieux où s’applique l’interdiction, s’exposent à une peine d’amende de la troisième classe (de 150 jusqu’à 450 euros), s’ils ne mettent pas en place la signalisation obligatoire.

En revanche, comme en matière d’interdiction de fumer, les responsables des lieux n’ont aucune obligation de mettre à la disposition des vapoteurs des emplacements réservés, mais cette possibilité leur est ouverte.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum