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Evaluation des biens immobiliers : attention aux caractéristiques du bien. Par Mathilde Larcher, Avocat.
Parution : mardi 16 mai 2017
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A l’heure de l’établissement des déclarations ISF, il est utile de rappeler que les immeubles doivent être déclarés à leur valeur vénale, c’est-à-dire, selon le marché et la situation du bien.
Note sous arrêt Cass. Com, 11.01.2017, n° 15-16.454

La question de la valorisation immobilière ne se pose pas seulement en matière d’ISF mais également pour les donations et successions portant sur des biens ou droits immobiliers. Dans toutes ces situations, les mêmes règles s’appliquent.

En effet, le Code général des impôts précise que « les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d’après leur valeur vénale » au 1er janvier pour ce qui est de l’ISF, à la date de transmission dans les autres cas [1].

Selon une jurisprudence ancienne et constante, la valeur vénale correspond au prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l’état dans lequel se trouve le bien.

Se fondant sur cette définition, la jurisprudence et la doctrine administrative exigent prioritairement le recours à la « méthode par comparaison », laquelle consiste à évaluer un immeuble par rapport à des biens intrinsèquement similaires dans un temps voisin de la mutation considérée mais toujours antérieur [2].

Autrement dit, tant l’administration fiscale que les contribuables doivent, pour justifier d’une valeur retenue, la confronter aux ventes de biens présentant des qualités inhérentes comparables.

Pour ce faire, il convient de tenir compte d’une part de l’état physique du bien (emplacement, qualité des matériaux, environnement, niveau d’équipements...) et d’autre part, de son état de droit (indivision, servitudes, occupation, clause d’inaliénabilité...).

En effet, l’ensemble de ces facteurs sont susceptibles de majorer ou, au contraire, de minorer la valeur d’un bien.

C’est d’ailleurs ce que rappelle la Cour de cassation de son arrêt du 11 janvier dernier [3].

En l’espèce, au décès de son père en février 2007, Mme L. avait mentionné dans la déclaration de succession la transmission d’un immeuble alors déclaré 8.013.825 euros.

Souhaitant corriger ultérieurement cette valeur, elle avait adressé au service compétent une demande de restitution partielle des droits d’enregistrement ; laquelle demande avait été rejetée tant par l’administration fiscale que par le juge de l’impôt.

Mme L. arguait alors de ce qu’au titre d’un redressement ISF 2005 et 2006, les services avaient fixé la valeur dudit immeuble à 4.884.359 euros et 5.246.642 euros, en application de la méthode par comparaison, de sorte qu’elles pouvaient valablement être légèrement actualisées.

La cour administrative d’appel a néanmoins confirmé le rejet de la requête en se fondant sur le fait qu’au cours de l’année 2006 - donc postérieurement au redressement ISF - avait été adopté un règlement de copropriété, de sorte qu’il ne s’agissait plus d’un immeuble de rapport.

Il faut savoir que ce type de bien peut bénéficier d’une forte décote légitimée par le phénomène de « vente en bloc », ce qui semble avoir été le cas en l’espèce.

La détention de 47 lots par le défunt et non plus d’un immeuble dans son intégralité a conduit à une modification significative de la nature de ce bien et donc de sa valeur.

En outre, la passage en copropriété induisait la vente à un tiers d’au-moins un lot, caractérisant ainsi la création d’un terme de comparaison opposable au contribuable.

Dès lors, Mme L. - tenue elle aussi par la méthode des comparables - ne pouvait se prévaloir d’une simple actualisation de la valeur retenue par l’administration fiscale pour la détermination de l’ISF 2005 et 2006 pour corriger la déclaration de succession réalisée en 2007.

Mathilde LARCHER Avocat www.larcher-avocat.com

[1Art. 761 du CGI.

[2Cass. Com 28 janvier 1992 n° 89-19.385 Colart ; Cass com. 29 novembre 1994 n°92-2.898 Jourdan-Barry, Cass. Com 18 décembre 2007, n° 06-18.879, Boudier.

[3Cass. Com, 11.01.2017, n° 15-16.454.