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Modification de l’assurance perte de collaboration. Par Elodie Lachambre, Avocat.
Parution : samedi 20 mai 2017
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AON, le courtier de l’Ordre des Avocats de Paris, informe que sur le contrat d’assurance Perte de Collaboration mis en place dès 2012, « l’équilibre financier n’a pas pu être atteint, ce qui a conduit les deux premiers assureurs de ce contrat (CFDT et Zurich) à résilier leurs engagements » et ce qui a posé à MMA, l’assureur actuel, « la question d’une disparition de ce contrat dès 2017 ». Finalement, le contrat a été sauvé en ratiboisant sur tous les fronts : hausse de la cotisation, réduction de la durée de versement de la prestation et réduction du montant de la prestation mensuelle. On vous offre désormais ce choix cornélien : garder un silence qui ici vaudrait acceptation, ou résilier par LRAR dans les tous prochains jours. Les grands principes du droit civil se bousculent dans votre tête et tout ceci ne vous semble pas très régulier ? Cet article devrait vous éclairer.

Pour celles et ceux qui ont eu l’assez désagréable surprise de lire les nouvelles conditions de renouvellement de leur assurance perte de collaboration communiquées par un email de notre courtier préféré… [1]

Vous avez donc appris que 3 assureurs successifs ne sont pas parvenus à apprécier correctement les risques, et que le dernier en date menaçait de se retirer si l’Ordre n’acceptait pas de revoir les cotisations à la hausse et les garanties à la baisse.

Nous découvrons donc que l’Ordre, souscripteur du contrat groupe auquel chaque collaborateur peut adhérer, a été contraint d’accepter, pour la pérennité de l’assurance perte de collaboration, une modification du contrat qui, afin de simplifier, peut être résumée en ces termes :

Dans l’absolu, 36% de cotisation en plus pour 38% de prestations en moins.

Ceux se sentant sérieusement sur la sellette croiseront les doigts pour que l’annonce fatidique survienne avant l’entrée en vigueur des modifications annoncée au 1er juillet 2017.

Question qui a dû vous traverser l’esprit : comment un contrat tacitement renouvelé à l’identique pourrait-il être modifié en cours de route sans mon accord ?

Ma réponse ne va pas vous ravir, mais au moins, elle lèvera tout soupçon.

Tout d’abord, passons un peu de baume sur la plaie, votre intuition était plutôt bonne : avant le 1er mai 1990, toute modification d’un contrat n’était opposable à l’assuré que s’il y avait consenti (Civ1 27/01/2004 RGDA 2004 p 492). Ainsi, une même assurance de groupe n’avait pas les mêmes conséquences pour tous : les droits de chaque adhérent assuré étaient déterminés en fonction de l’état des garanties au jour de son adhésion (sauf acceptation expresse par l’adhérent de modifications ultérieures).

Mais ça, c’était avant l’intervention du législateur sur les contrats groupe.

Car vous êtes adhérents d’un contrat particulier, régi par des dispositions spéciales du Code des assurances afin d’adapter le droit du contrat à cette relation triangulaire originale (vous adhérent, l’Ordre souscripteur, MMA assureur), et désormais, l’article L. 141-4 est sans appel :
« Le souscripteur est tenu :

Alors, deux observations :

Cependant, AON nous informe que par dérogation aux conditions contractuelles, le préavis de résiliation a été réduit à un mois… ouf, c’eut été dommage de ne pas pouvoir dénoncer l’adhésion alors pourtant que le Code des assurances le permet. Sauf qu’il n’est pas certain que la dénonciation doive respecter le formalisme de la résiliation…

En résumé, vous l’aurez compris, difficile d’échapper à la modification si l’on veut conserver une garantie, pas sûr que les modalités d’information soient parfaitement respectées mais inutile de compter là-dessus pour conserver le bénéfice des conditions antérieures de garantie.

Moralité, je ne peux que vous inviter à bien réfléchir à ce que vous entendez faire, car le couperet du délai de carence de 10 mois est sans pitié :

Ce qui ne fonctionne bien évidemment pas dans l’autre sens : si vous avez cotisé l’an dernier au taux maximum et que vous renouvelez avec un plafond inférieur, l’actualisation a minima du plafond est immédiate.

D’ailleurs, c’est un peu ce qui vous est proposé : un renouvellement de garantie avec un plafond inférieur à l’année précédente mais d’application immédiate.

Un peu seulement… car subsisterait une zone d’ombre : comment comparer les garanties d’une année sur l’autre puisque tant les plafonds mensuels que les durées de prestation ont changé ?
Autrement dit, quid de l’adhérent qui renouvellerait pour un plafond mensuel supérieur mais sur une durée inférieure ? Application immédiate ou carence de 10 mois ?

Notre assureur a tenté de tout prévoir avec une nouvelle rédaction de la notice d’information, mais la référence au seul plafond, sans préciser s’il s’agit du plafond mensuel ou du plafond sur toute la durée d’indemnisation, ne clarifie pas vraiment les choses… « en cas de renouvellement de la garantie avec un plafond supérieur et / ou une durée supérieure à l’année précédente, une carence de dix (10) mois est à nouveau appliquée à compter de la souscription de ce nouveau montant de garantie et / ou de cette nouvelle durée. Si un sinistre survenait pendant ce nouveau délai de carence, c’est le précédent montant de garantie et la précédente durée qui trouveraient application dans le cadre de ce sinistre ».

Avis à ceux qui avaient souscrit une garantie sur 6 mois et peuvent encore augmenter d’un chouïa leur plafond mensuel : ils pourraient grâce à cette clause conserver pendant 10 mois le bénéfice d’un mois de garantie supplémentaire…

Mais abstraction faite de cette minime faille, la pilule reste dure à avaler, je le concède… alors … à quand l’assurance chômage pour tous ?

Elodie Lachambre Avocat 7, avenue Gourgaud 75017 PARIS Tel : 01 42 67 65 00 Site www.radier-associes.fr

[1Petite parenthèse sur "notre courtier préféré" : il s’agit d’un clin d’œil à celles qui, au-delà des demandes incessantes d’attestations circonstanciées de leur associé/patron sur la durée précise de leur absence à un moment où la discrétion semblerait de mise, auraient eu l’indicible plaisir de se voir opposer un refus de garantie pour déclaration de leur maternité après le « délai maximum de 45 jours à compter du début du congé »... Rappelons que la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice – article L. 113-2 du Code des assurances – ce que notre courtier oublie systématiquement de rappeler à notre assureur « chance maternité », mais bon, après tout, c’est le courtier de l’Ordre, pas le nôtre, n’est-ce pas ?…

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