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Maladie professionnelle et maladie imputable au service du fonctionnaire. Par Perrine Athon-Perez, Avocat.
Parution : mercredi 24 mai 2017
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Application du régime de la présomption légale de l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale dans le droit de la fonction publique.

En droit de la fonction publique, la notion d’imputabilité au service de la maladie, et sa distinction de la notion de « maladie professionnelle », est assez complexe.
Rappelons que les statuts de la fonction publique n’utilisent pas expressément la notion de « maladie professionnelle  », ils renvoient à l’article L. 27 du Code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel fait référence à la notion de maladies « contractées ou aggravées (…) en service  ».
Une maladie contractée ou aggravée en service ou dans l’exercice des fonctions est celle qui est la conséquence directe de l’exposition du fonctionnaire à un risque physique, chimique, biologique ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.
La difficulté principale pour le fonctionnaire réside dans l’établissement du lien de causalité entre sa maladie et ses fonctions, la charge de cette preuve lui incombant.

Longtemps, il a existé une opposition du juge administratif quant à l’application de la présomption d’imputabilité posée par l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale (applicable a priori aux salariés de droit privé) aux maladies contractées par les fonctionnaires.
Certes, quelques-uns avaient vu dans deux arrêts du Conseil d’État une affirmation de l’application de la présomption de l’article L461-1 aux fonctionnaires territoriaux (CE, 10 mars 2006, n°267860, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli) et aux fonctionnaires d’État (CE, 6 octobre 2011, n°343350, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État c/ Alloro).
Mais, par la suite, le Conseil d’État était venu affirmer on ne peut plus clairement l’exclusion du régime de présomption concernant les maladies contractées en service par les fonctionnaires (en ce sens par exemple, CE, 23 juillet 2012, n° 349726 ). On notera aussi que, concernant les fonctionnaires hospitaliers, le Conseil d’État avait affirmé en 2012 que l’établissement hospitalier ne pouvait examiner la demande de reconnaissance d’imputabilité au service de la maladie d’un agent selon l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale (CE, 8 novembre 2012, n° 347706).

Jusqu’à récemment donc, a persisté une disparité patente entre la gestion de la maladie professionnelle des salariés de droit privé et celle des fonctionnaires, dont le régime de protection sociale est prévu par leurs propres statuts.
Aussi, si la maladie était inscrite à l’un des tableaux annexés au Code de la sécurité sociale, le fonctionnaire ne pouvait bénéficier d’une présomption d’imputabilité, comme c’est le cas en droit privé, le seul bénéfice qu’il pouvait retirer de cette inscription était que le jeu de la preuve du lien de causalité s’en trouvait facilité.
En somme, l’agent qui entendait faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie, devait en toutes hypothèses démontrer un lien de causalité entre ses conditions de travail et la pathologie. Que l’affection soit inscrite dans un des tableaux annexés au code de la sécurité sociale ou pas.

Récemment, cette situation a considérablement évolué, par la modification substantielle de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, c’est-à-dire du statut général des fonctionnaires.
En effet, l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a créé un article 21 bis dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 susvisé.
Il dispose :
* «  (…) IV.-Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau.
* Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est directement causée par l’exercice des fonctions.
 ».

A la lecture de cette nouvelle disposition du statut général des fonctionnaires, le doute n’est plus permis : concernant les pathologies répertoriées dans l’un des tableaux annexés au code de la sécurité sociale, le fonctionnaire peut - enfin - bénéficier de la présomption d’imputabilité au service.

L’avancée est immense et mérite d’être saluée.

D’une part, cette évolution législative vient mettre un terme à une iniquité aussi manifeste que désuète qui existait entre les salariés du secteur privé et les agents publics atteints des mêmes maladies contractées en raison de leurs conditions de travail.
D’autre part, et surtout, on comprend immédiatement que dorénavant, dans de nombreuses hypothèses, les fonctionnaires qui auront développé une maladie professionnelle se retrouveront déchargés de cette tâche particulièrement complexe qu’est la preuve (par tous moyens) du lien de causalité entre la maladie et les conditions de travail. Tâche d’autant plus difficile en pratique que le fonctionnaire est incontestablement en position de déséquilibre face à une administration (employeur) dans le jeu de la preuve. Il est bien plus facile pour une collectivité d’arguer de manière péremptoire que le poste d’un agent ne l’exposait pas au risque (au besoin en élaborant opportunément une fiche de poste) que pour un fonctionnaire de faire la démonstration de son exposition au risque. En cas d’une exposition à l’amiante fort ancienne par exemple..

Bien sûr, faut-il le préciser, il ne sera pas déduit de l’article 21 bis nouvellement inséré dans la loi n°83-634 du 13 juillet 2019 que le fonctionnaire qui se voit diagnostiquer une maladie répertoriée aux tableaux annexés au code de la sécurité sociale, obtiendra d’emblée la reconnaissance de l’imputabilité au service de son affection. En toutes logiques, il devra démontrer qu’il remplit les critères tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux établie par le tableau concerné.
Néanmoins, compte tenu de la nature même des critères et de la précision de leur définition par le Code de la sécurité sociale, la preuve qu’ils sont remplis le cas échéant reste immensément plus simple que la longue quête du fonctionnaire qui tend à démontrer par tous moyens que sa pathologie est liée à ses conditions de travail.

Me Perrine ATHON-PEREZ Avocate à la Cour Cabinet ATHON-PEREZ contact@padp.fr www.athon-perez-avocat.com
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