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Pension alimentaire ou prestation compensatoire ? Par Léa Smila, Avocat.
Parution : jeudi 1er juin 2017
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Pension alimentaire, prestation compensatoire, devoir de secours, contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : que recouvrent ses termes juridiques ? A quoi puis-je prétendre dans le cadre de mon divorce ? Que va me réclamer mon époux/mon épouse si nous décidons de divorcer ?

La définition de ces termes juridiques lors du premier entretien avec votre avocat est primordiale pour que vous puissiez d’une part comprendre la procédure dans laquelle vous êtes impliqué, et d’autre part savoir ce à quoi vous pouvez prétendre et ce que votre époux / épouse peut vous réclamer, sans en être effrayé.

La pension alimentaire est un terme générique qui recouvre à la fois la pension alimentaire entre époux dit «  devoir de secours  » et la pension alimentaire pour les enfants appelée «  contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants  ».

La pension alimentaire relative aux enfants se nomme «  contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants  ». Elle existe au cours du mariage puisque l’article 203 du Code civil prévoit que « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants » et se poursuit en cas de séparation des enfants.

Lors d’une séparation hors mariage, elle pourra soit faire l’objet d’une convention négociée qui sera homologuée par le juge aux affaires familiales soit être fixée judiciairement par le biais d’une requête déposée auprès du même juge.

Dans le cadre d’une procédure de divorce, elle sera sollicitée dans la requête et sera due dès l’ordonnance de non conciliation (première phase obligatoire d’une procédure de divorce), et ce jusqu’à ce que l’enfant puisse s’assumer financièrement donc très souvent au-delà de la majorité de l’enfant et naturellement bien après la décision de divorce.

En bref, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants est due de la naissance de l’enfant à son indépendance financière !

Cette pension est versée généralement sous la forme d’une rente (loyer mensuel !) et son montant pourra être révisé s’il apparaît un nouvel élément concernant la situation financière des parents ou de l’enfant.

Il est intéressant de noter qu’au stade de l’ordonnance de non conciliation, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants peut prendre la forme d’un droit d’usage et d’indivision concernant la moitié indivise du domicile conjugal par exemple.

Concernant la pension alimentaire des enfants, il existe la [table de référence-http://www.justice.fr/simulateurs/pensions/bareme] fixée en 2015 que l’on peut trouver sur internet.

Ces barèmes ne sont pas obligatoires mais permettent d’avoir une idée des montants fixés. L’évaluation tient compte des revenus de l’époux débiteur, du nombre d’enfants, de l’amplitude du droit de visite et d’hébergement ( résidence alternée, classique..).

La pension alimentaire entre époux correspond quant à elle au « devoir de secours » prévu par l’article 212 du Code civil..

Elle doit permettre à l’époux demandeur de subvenir à ses besoins quotidiens (alimentation, loyer) au cours du mariage c’est-à-dire même pendant l’instance en divorce et ce jusqu’à la décision définitive de divorce.

Pour en fixer le montant, le juge aux affaires familiales va se baser essentiellement sur les ressources et besoins des époux. Le devoir de secours prendra généralement la forme d’une rente et pourra également être exécutée sous forme d’attribution gratuite du logement familial à l’époux dans le besoin, le temps de la procédure de divorce.

Entre époux, il y a donc trois temps :
- Du mariage à l’ordonnance de non conciliation, il existe une obligation de contribuer aux charges du mariage prévue par l’article 214 du Code civil. Cela signifie plus banalement que chacun des époux doit participer à la vie courante du ménage à proportion de ses revenus (courses, loyers, enfants, loisirs, vacances…) et indépendamment du fait que l’un des époux soit dans le besoin ou pas.
Cette contribution peut d’ailleurs être demandée en justice jusqu’à 5 années rétroactivement et ce même s’il s’agit de sommes antérieures à l’ordonnance de non conciliation.
- à compter de l’ordonnance de non conciliation et jusqu’à la décision définitive de divorce, il existe un devoir de secours. Ainsi le devoir de secours est du pendant TOUTE la procédure de divorce puisque les époux reste mariés mais pas au-delà.
Est considérée comme définitive la décision de divorce dont toutes les voies de recours sont expirées ou alors quand les époux ont acquiescé à la décision.
- au-delà de la décision définitive de divorce, c’est la prestation compensatoire qui va prendre le relais !

L’article 270 du Code civil dispose ainsi que : « le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande soit en considération des critères prévus à l’article 271 soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation au regard des circonstances particulières de la rupture. »

Il convient donc de relever que la prestation compensatoire n’est pas systématique même si selon les statistiques du ministère de la justice, en 2013 elle a été accordée dans 84% des dossiers dans lesquels elle était sollicitée.

Il ne doit, en principe, pas y avoir d’interruption entre le versement du devoir de secours et de la prestation compensatoire. Mais en pratique, cela peut arriver. Il en est ainsi par exemple lorsqu’une décision de divorce est rendue, qu’elle est définitive mais que l’une des parties décide d’interjeter appel sur le montant de la prestation compensatoire accordé par le juge aux affaires familiales uniquement.

Dans ce cas la décision de divorce étant définitive, le devoir de secours n’est plus du et la prestation compensatoire ne l’est pas encore.

Le décret du 29 octobre 2004 permet alors de remédier à la situation puisqu’il prévoit de solliciter l’exécution provisoire de la prestation compensatoire quand « l’absence d’exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire alors que le prononcé du divorce a acquis la force de chose jugée. »

Quelles sont les modalités de fixation d’une prestation compensatoire ?

1- S’il s’agit d’un divorce contentieux dans lequel les époux n’ont pas réussi à s’accorder sur le versement d’une prestation compensatoire :
La prestation compensatoire sera alors fixée judiciairement.
Dans ce cas, elle prendra en principe la forme d’une somme versée en une seule échéance (capital), certaines exceptions peuvent être faites dans des cas précis (si la personne n’est pas en mesure de verser la somme en une échéance, elle pourra être autorisée à régler sur plusieurs échéances mais dans un maximum de 8 années, une rente viagère peut être attribuée en raison de l’état de santé de la personne).
Le bulletin d’information statistique du ministère de la justice indique qu’en 2013, neuf prestations sur dix étaient versées sous forme de capital pour « un montant médian de 25 000 € ».

Il n’existe pas de barème contrairement à la pension alimentaire due aux enfants. Certaines méthodes de calcul existent et permettent d’avoir un ordre d’idée du montant mais surtout le Juge aux affaires familiales devra se baser sur les critères fixés par l’article 271 du Code civil qui sont :
- Les besoins de l’époux à qui la prestation compensatoire va être versée et les ressources du débiteur au moment du divorce mais également l’éventualité d’une évolution dans un avenir proche (évolution de carrière, retraite…). Pour l’appréciation des revenus et besoins de chacun des époux, peuvent être pris en compte : les ressources du concubin, son patrimoine, les allocations handicape, l’intégralité des charges mais les allocations familiales et la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants n’entrent pas dans le calcul.
- La durée du mariage,
- L’âge et l’état de santé des époux
- Leur qualification et leur situation professionnelles
- Les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
- Le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenus après la liquidation du régime matrimonial
- Leurs droits existants et prévisibles
- Leur situation respective en matière de pension de retraite… »

Jusqu’aux termes de la procédure des éléments nouveaux peuvent être pris en compte. Ainsi si en appel il y a des éléments nouveaux, il n’y a aucune difficulté à ce qu’ils soient pris en considération si le divorce n’est pas définitif.

C’est à l’avocat de la partie demanderesse de produire un dossier complet afin d’appuyer sa demande. S’il n’arrive pas à obtenir les éléments financiers, il peut solliciter par le biais du JAF une injonction de communiquer certains éléments ou demander certaines mesures d’instruction.

Le juge aux affaires familiales pourra alors solliciter par exemple :
- Un projet d’état liquidatif auprès d’un notaire pour avoir une idée plus précise du patrimoine des époux,
- Une expertise comptable ou fiscale afin de disposer de l’évaluation de l’ensemble de la situation financière des époux et de ses conséquences fiscales en cas de liquidation et de séparation.
- Des éléments financiers auprès des banques ou des impôts. Le secret professionnel ne peut lui être opposé.

2- Il est possible de fixer d’un commun accord le montant de la prestation compensatoire ainsi que les modalités de versement de cette somme qu’il s’agisse naturellement d’un divorce par consentement mutuel sans juge mais également d’un divorce judiciaire.
Dans le cadre du nouveau divorce par consentement mutuel déjudiciarisé, les futurs ex époux sont parfaitement libres concernant la fixation de la prestation compensatoire.

Ils peuvent d’une part décider d’y renoncer. En effet, s’il est strictement interdit de renoncer à la prestation compensatoire par anticipation avant le divorce par exemple au moment du mariage, il est tout à fait possible dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel ou dans le cadre d’un divorce contentieux d’y renoncer.

Ils peuvent d’autre part en choisir le montant, ses modalités de versement à savoir sous la forme d’un capital, d’une rente ou même des deux. Décider que la rente sera versée à compter d’un certain moment, à compter d’un élément précis, et qu’elle s’achèvera également lors d’un élément déterminé comme par exemple le fait de retrouver un emploi, de se remarier… Tout est possible ! Il n’y a pas de délais maximum pour le versement du capital contrairement aux 8 années prévues dans le cadre du divorce contentieux.

De même, si au moment du partage, il existe un bien immobilier et que l’époux à qui une prestation compensatoire est due, est redevable d’une soulte au moment du partage, il pourra alors au titre de la prestation compensatoire abandonner la soulte en compensation.

L’accord sera formalisé dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats pour le cas du divorce sans juge.

En principe la prestation compensatoire versée sous forme d’un capital, ne peut pas être révisée.
Mais l’article 279 alinéa 3 du Code civil dispose que : « les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties demander au juge de réviser les prestations compensatoires. Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéa de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère. ».
L’alinéa 5 de ce même article précise de manière parfaitement explicite que cette disposition s’applique « à la convention de divorce établie par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire. »

En l’absence de clause de révision, les époux pourront modifier les modalités de versement de la prestation compensatoire dans le cadre d’une nouvelle convention que le JAF homologuera.

3- Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel devant le juge aux affaires familiales (cas des requêtes déposées avant le 1er janvier 2017 ou divorces dans lesquels l’enfant a souhaité être entendu par le JAF ou que les époux sont sous mesure de protection) ou d’un divorce contentieux, il sera également tout à fait possible de s’accorder sur les modalités de versement de la prestation compensatoire.

L’article 268 alinéa 1 du Code civil dispose que « les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre à l’homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce ».

L’alinéa 2 de l’article dispose quant à lui « le juge, après avoir vérifié que les intérêts de chacun des époux et des enfants sont préservés, homologue les conventions en prononçant le divorce. »
Le juge, toutefois, refuse d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux. »

Dès lors si les époux sont libres de fixer le montant et les modalités de versement de la prestation compensatoire dans ce cas, il convient que la convention soit conforme aux intérêts pour qu’elle puisse être homologuée. Ce qui n’est en rien surprenant !

En bref, pendant l’instance de divorce, on parle de pension alimentaire qu’elle soit due à l’enfant (contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants) ou à l’époux (devoir de secours) alors qu’une fois le divorce prononcé et définitif ne subsiste que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, le devoir de secours disparaît et apparaît la prestation compensatoire !

Léa Smila Avocat à la Cour E-mail : contact@smila-avocat.com www.smila-avocat.com
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