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Obligation de mise en garde et viabilité du projet financé par un prêt à taux variable. Par Alexandre Peron.
Parution : lundi 5 juin 2017
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L’obligation de mise en garde pesant sur les banques envers les emprunteurs couvre-t-elle également les risques intrinsèques à l’opération financée ?

Par un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 avril 2017, les juges du droit ont affirmé que toute banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde de l’emprunteur sur les risques de l’opération financée par des prêts contractés par ce dernier auprès d’une banque.

Dans les faits, une SCI avait contracté quatre prêts afin de financer l’achat d’un ensemble immobilier.

Les contrats de prêt souscrits étaient à taux variable. Un an plus tard, les parties renégociaient les conditions des prêts afin de les soumettre à un taux fixe, faisant passer le taux initial de 4,80 % à 6%.

La SCI considérant que son projet n’était plus viable à cause de l’augmentation de taux, décidait d’assigner la banque sur le fondement du manquement à son obligation de mise en garde quant au caractère variable du taux d’intérêt des prêts initiaux.

Dès lors, l’obligation de mise en garde pesant sur les banques envers les emprunteurs couvre-t-elle également les risques intrinsèques à l’opération financée ?

Non, a répondu la Cour de cassation en précisant que si le devoir de mise en garde porte effectivement sur l’inadaptation du prêt proposé aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque d’endettement ; il ne couvre pas les risques intrinsèques à l’opération financée dont notamment sa viabilité.

La Cour a précisé que la SCI ne rapportait pas la preuve d’un risque d’insolvabilité mais simplement d’une absence de viabilité du projet, ce qui n’entre pas dans le spectre de l’obligation de mise en garde.

Notons que la Cour de cassation confirme sa jurisprudence et réaffirme les contours de l’obligation de mise en garde en matière bancaire. En effet dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 23 septembre 2014, les juges avaient déjà rappelé que le devoir de mise en garde auquel est tenu la banque à l’égard de l’emprunteur porte sur le risque d’endettement mais en aucun cas sur les risques de l’opération financée.

Effectivement, le prêt contracté peut rendre difficile le fait de dégager des bénéfices ou même engendrer une perte, sans que cela ne caractérise une difficulté financière de la part de l’emprunteur d’une part, ni un lien de causalité entre le prêt contracté et l’absence de viabilité du projet d’autre part. Ce dernier point relevant plus d’une étude financière et de marché à la charge de l’emprunteur et qui est censé intervenir en amont de tout prêt contracté.

Alexandre Peron Legal Counsel