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Quel droit à la déconnexion pour les salariés après loi du 1er janvier 2017 dite loi Travail ? Par Johan Zenou, Avocat.
Parution : mardi 6 juin 2017
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Depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion est entré en vigueur dans le cadre de la loi Travail. L’objectif est de mieux respecter les temps de repos et de congés des salariés et de séparer de manière significative leur vie professionnelle de leur vie privée.
Une loi très attendue dans un monde hyperconnecté où le nombre de burn out croit constamment.

1. Qui est concerné par le droit à la déconnexion ?

La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 octroit aux personnes travaillant dans des entreprises de plus de 50 salariés un droit à la déconnexion. C’est-à-dire le droit ne plus être collées à leur smartphone et soumises au flot incessant de mails et de sms même après le travail.
Depuis le 1er janvier 2017, les employeurs ont l’obligation de se pencher sérieusement sur la question de l’utilisation des outils numériques dans le contexte professionnel.
Pour mettre en pratique ce droit, les patrons ont deux possibilités. Ils peuvent parvenir à un accord collectif, mais ce n’est pas obligatoire. S’ils n’y parviennent pas, ils doivent alors établir une charte après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel dans laquelle ils définissent les modalités d’une utilisation saine des outils numériques au sein de leur entreprise

2. Est-ce que cette loi va aider à concilier vie professionnelle et vie de famille ?

L’un des objectifs principaux du droit à la déconnexion est bien sûr de rétablir une vraie séparation entre vie privée et vie professionnelle. Avec une hausse constante de burn out (on évalue entre 300 000 et 3 millions le nombre de cas de burn out en France) et une intrusion dans la vie privée qui devient de plus en plus facile, le gouvernement a jugé urgent de poser quelques limites.
Dorénavant, les salariés ne devraient plus avoir un smartphone greffé à leur main en dehors des heures de travail.
Le gouvernement a conscience qu’il faut éradiquer le harcèlement moral et le harcèlement managérial. Les employés ne doivent plus avoir le sentiment d’être toujours au travail plusieurs heures après l’avoir quitté et ils ne doivent plus se sentir obligés de lire leurs mails et d’y répondre une fois leur journée terminée.
Le droit à la déconnexion prévoit de respecter les temps de repos, à savoir 11h minimum par jour et 35h par semaine.

3. Les conditions de travail seront-elles améliorées ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le droit à la déconnexion ne commence pas à la fin des heures de travail mais bien pendant. En effet, certaines plages horaires sans smartphone pourraient être fixées spécialement pour permettre aux salariés de mieux se concentrer et de s’attaquer à des tâches de fond sans être sans cesse interrompus par l’arrivée continue de notifications.
De leur côté, les patrons doivent aussi s’investir en prenant des nouvelles habitudes assez simples. Ils peuvent par exemple se déplacer directement auprès de leurs employés au lieu de les bombarder de mails. Cela favorise en même temps les échanges et la discussion. Ils peuvent également utiliser plus souvent l’option des mails différés lorsqu’il n’y a pas d’urgence…

Certaines grandes entreprises ont déjà commencé à opérer ce type de changements. Chez Orange par exemple, les employés sont invités à ne pas utiliser leur messagerie durant les réunions afin d’être mieux concentrés.

4. Devra-t-on éteindre son smartphone à 18h ?

Éteindre les serveurs de 18h à 7h du matin n’aurait aucun sens et mettrait même l’entreprise en danger. La sécurité des données confidentielles ne serait pas garantie et dans le pire des cas cela pourrait même conduire à la faillite de l’entreprise.

Ce qu’il faut bien comprendre dans le droit à la déconnexion, c’est qu’il s’agit d’une loi innovante, exclusivement française, et donc très peu testée auparavant.

Il n’y pas de droit à la déconnexion universelle. Il n’y a d’ailleurs pas de définition légale du droit à la déconnexion.

Pour le mettre en place, il faut donc faire preuve de bon sens.

Chaque employeur doit déterminer l’utilisation modérée des outils numériques qui convient le mieux à son entreprise. Voilà pourquoi on parle d’accord et non de règles imposées.
A titre d’exemple, une entreprise internationale fonctionnant sur plusieurs fuseaux horaires n’a pas les même besoin qu’une entreprise française.
Il faut donc faire du cas par cas, il y a autant de droit à la déconnexion qu’il y a d’entreprises.

5. Existe-t-il des sanctions prévues en cas de non-respect ?

En cas d’absence de charte, aucune sanction n’est prévue. En revanche, l’employeur a l’obligation de négocier. En cas de refus, il est sanctionné pénalement pas un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende (art. L.2242-8 c. trav.).

Cette mesure a pour objectif de contraindre les employeurs à négocier mais il est au final très peu probable qu’un employeur se retrouve en prison.

Si à première vue les sanctions peuvent sembler laxistes, les employeurs ont tout intérêt à respecter le droit à la déconnexion. En effet, les salariés peuvent facilement porter plainte pour harcèlement moral ou demander à être payés pour des heures supplémentaires, par exemple en cas de traitement de mails qui n’ont pas eu pour spécification de ne pas avoir à être traité d’urgence.

Johan ZENOU Avocat au Barreau de Paris www.cabinet-zenou.fr