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Quel recours contre les ordonnances du juge commissaire se déclarant incompétent en matière de créances ? Par Paule Colombe Ekibat, Élève-avocate.
Parution : vendredi 16 juin 2017
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Dans le cadre des procédures collectives, une difficulté pouvait se poser sur la forme du recours ouvert contre les décisions du juge commissaire se déclarant incompétent en matière de créances. Cependant, le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile résout cette difficulté par la suppression du contredit de compétence.

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire), ses créanciers doivent procéder à la déclaration de leurs créances auprès du mandataire judiciaire désigné dans le jugement d’ouverture, dans un délai de deux mois (4 mois pour les créanciers domiciliés hors France métropolitaine) à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Art.L622-24 et R.622-24 C.Com).

Sauf en matière de liquidation judiciaire simplifiée, où en principe les créances ne sont pas vérifiées dans leur ensemble, les créances déclarées font l’objet d’une vérification par le mandataire judiciaire et le juge commissaire.

En effet, le mandataire judiciaire procède au recensement des créances et établit une liste de toutes les créances déclarées (contestées et non contestées) qu’il proposera ensuite au juge commissaire, afin que ce dernier arrête l’état des créances (Art.L624-1 al 1 et L624-2 C.Com).

I/ Les pouvoirs du juge commissaire dans la procédure de vérification des créances

Conformément aux dispositions de l’article L624-2 du Code de commerce, le juge commissaire dispose des pouvoirs suivants :

  1. Admettre la créance ;
  2. Rejeter la créance ;
  3. Constater qu’une instance est en cours (ces créances échappent à la vérification du passif) ;
  4. Se déclarer incompétent, après avoir constaté l’existence d’une contestation sérieuse, exemple : le débiteur invoque la nullité du contrat dont résulte la créance déclarée, soit, ou après avoir constaté l’existence d’une contestation non sérieuse mais qui ne relève pas de sa compétence matérielle, exemple : la contestation relève de la compétence de la juridiction administrative.

Dans cette dernière hypothèse, le juge commissaire par une ordonnance spécialement motivée, se déclare incompétent, renvoie les parties à mieux se pourvoir et désigne la partie qui devra saisir le tribunal compétent pour connaître de la contestation dans le délai légal d’un mois de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, et ce, à peine de forclusion (Art. R624-5 C.Com).

Cependant, la notion d’incompétence ici, doit être prise dans le sens de dépassement de compétence.

En effet, la notion d’incompétence stricto sensu vise l’hypothèse où le juge commissaire se déclarerait incompétent pour connaître de la vérification du passif, alors même que cela relève de sa compétence exclusive.

Alors que la notion de dépassement de compétence, dans la mesure où le juge commissaire est le juge de l’évidence au même titre que le juge des référés, semble plutôt viser l’hypothèse où le juge constate l’existence d’une contestation sérieuse ne relevant pas de sa compétence et qu’il est nécessaire d’être tranchée par le tribunal compétent, avant qu’il ne puisse prendre position sur la créance litigieuse.

Une fois la contestation tranchée, les parties pourront se représenter devant le juge commissaire afin que ce dernier, admette ou rejette la créance concernée selon la décision rendue par le tribunal compétent. En conséquence, il ne s’agit pas d’une décision d’incompétence au sens strict du terme.

II/ Le recours ouvert contre la décision du juge commissaire se déclarant incompétent

Le recours contre les décisions du juge commissaire statuant sur l’admission des créances est formé devant la cour d’appel (Art.R624-7 C.Com).

Comme vu précédemment, la décision du juge commissaire se déclarant incompétent doit être prise dans le sens du dépassement de compétence.

Dans ces conditions, le recours ouvert est non pas le contredit de compétence, et ce même dans l’hypothèse où le juge commissaire se déclarerait incompétent en raison d’une clause compromissoire, mais l’appel, ainsi que l’a notamment affirmé la Cour de cassation par un arrêt du 22 janvier 2008 n°06-18703.

En conséquence, un contredit de compétence formé à la place de l’appel serait irrecevable.

Toutefois, avant le décret n°2017-891 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, la cour d’appel saisie de manière erronée par la voie du contredit, alors que seule la voie de l’appel était ouverte demeurait saisie conformément aux dispositions de l’article 91 du code de procédure civile (dans sa version antérieure au 11 mai 2017) et l’affaire était instruite selon les règles applicables à l’appel des décisions du juge commissaire rendues en matière de créances.

Cependant, avec le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, la difficulté sur la forme du recours ouvert contre les ordonnances du juge commissaire se déclarant incompétent en matière de créances ne se posera plus pour les parties, dans la mesure où ce décret supprime le contredit de compétence.

III/ Les conditions de recevabilité de l’appel

L’appel est ouvert au créancier, au débiteur ainsi qu’au mandataire judiciaire (Art L624-3 du Code de commerce), dans le délai légal de dix jours à compter de la notification de la décision du juge commissaire (Art. R661-3 C.Com).

Outre, les conditions de recevabilité de droit commun de la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, les parties doivent également respecter des conditions spécifiques aux procédures collectives.

Il ressort notamment des articles L622-27, L624-1 et R624-1 du Code de commerce que le créancier ou le débiteur, ne peut interjeter contre l’ordonnance du juge commissaire statuant en matière de créances, dès lors qu’il n’avait pas répondu aux contestations (pour le créancier) ou aux propositions du mandataire judiciaire (pour le débiteur) dans le délai légal de trente jours suivant la réception de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du mandataire judiciaire.

Paule Colombe EKIBAT Élève-avocate