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Former le juriste du futur : un nouveau défi !
Parution : jeudi 15 juin 2017
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"Open Law Le droit ouvert" poursuit les travaux initiés lors du programme Économie numérique du droit avec le lancement d’ "Open Learn, former le juriste du futur". Lancé le 29 mai lors des 3èmes rencontres de l’innovation pédagogique en droit organisées chaque année par EY société d’avocats, c’est encore un programme ambitieux que l’association propose afin de repenser la formation du juriste, qu’il s’agisse des compétences à acquérir ou des méthodes d’enseignement.

C’est un thème très présent sur Le Village de la Justice et que nous jugeons incontournable pour les métiers du Droit ; nous ne pouvions que vous en parler ici !

Benjamin Jean, Président d’Open Law, précise que « l’idée n’est pas critiquer le modèle français mais au contraire de valoriser la formation de juriste au regard du rôle qu’il peut avoir dans la société d’aujourd’hui. Avec le numérique et ce monde axé de plus en plus sur la collaboration, le juriste sera toujours central et travaillera avec toutes les parties prenantes d’un projet pour pointer les risques et aider à prendre les bonnes décisions. C’est une évolution dont il faut tenir compte. »

Un enseignement de droit d’excellence mais des carences.

Malgré l’excellence de l’enseignement du droit en France souligné par les nombreux intervenants de ces 3èmes rencontres, des carences existent.

La première d’entre elle est sans nul doute l’absence d’apprentissage des softs skills (Lire notre dossier sur les soft skills ici) : prise de parole en public, networking, savoir-être en société et en entreprise, esprit de synthèse, communication… « L’université apprend à analyser mais pas à communiquer, souligne Christian Le Hir, directeur juridique de Natixis. Or c’est une nécessité, car le monde de l’entreprise est un monde de l’oral et les juristes ne sont pas souvent sur le bon mode de communication suivant leurs interlocuteurs. »

Deuxièmement, la critique porte sur la façon d’enseigner. Les 3 étudiants venus témoigner souhaiteraient moins de cours en amphithéâtre, plus de cours en ligne et de travaux pratiques en petit groupe. Pour Gibran, « si l’Université commence à dématérialiser certaines matières, cela permettra de libérer du temps pour réaliser des projets associatifs, professionnels et constituer un réseau, mais aussi pour se concentrer sur le travail en groupe dans d’autres matières ». Harmonie a été séduite par une autre méthode : disposer du cours en début d’année. « Pour chaque cours en présentiel, le professeur demandait d’en lire une partie pour ensuite en discuter. Et nous faisions ensuite des exercices pour être sûrs que le module avait bien été intégré. Mais nous étions 15 dans ce master, ce qui facilite la prise de parole de chacun… » Lara a quant à elle beaucoup apprécié l’enseignement en clinique juridique quand elle est partie étudier aux Etats-Unis.

Autres carences : « l’anglais, qui est un pré-requis pour communiquer aujourd’hui, explique Christian Le Hir, mais aussi la maîtrise de la bureautique (Word, Excel, …), loin d’être parfaite, et l’utilisation des outils technologiques dans le travail quotidien, difficile à appréhender pour certains juristes. Sur ce point, je ne suis pas sûr qu’une formation serait adaptée car tout change sans cesse. Les juristes finissent par s’adapter aux outils et aux process car ils ont une bonne formation, le sens de la réflexion et une vision de leur métier ».

Sensibiliser les étudiants a minima aux LegalTech, et peut être au codage ?

Cependant, ils gagneraient beaucoup à être sensibilisés a minima aux LegalTech, et peut être au codage. « Avec ma formation au code, j’ai adopté le principe DRY (don’t repeat yourself) qui consiste à automatiser une tâche si c’est possible grâce à un programme ou tout simplement un modèle de référence, témoigne Sandrine Morard, fondatrice de SoftLaw. Bien savoir coder peut présenter un intérêt mais il n’y a pas toujours besoin de savoir. Il faut juste comprendre comment ça marche, apprendre l’appétence aux outils informatiques, ne pas être fermé à adopter de nouveaux outils et changer ses méthodes de travail. »

Innovations pédagogiques : des rêves mais aussi des réalisations concrètes !

Parmi les 4 innovations pédagogiques présentées lors du lancement du programme, 2 ont particulièrement retenus notre attention : la création du diplôme universitaire Transformation numérique du droit & Legaltech à l’Université Paris 2 et le programme innovation de l’ERAGE.

Le premier, qui sera lancé en septembre 2017, a pour objectif de permettre tant à des étudiants en fin de cursus (formation initiale) qu’à des professionnels (formation continue) de comprendre et de se former au nouvel environnement du marché du droit. Avec le développement des LegalTech, il devient nécessaire de disposer de professionnels ayant une connaissance suffisante de la dimension économique, organisationnelle mais aussi juridique de ce secteur. En s’adressant tant à des professionnels du droit actuels ou futurs qu’a des ingénieurs, acteurs et entrepreneurs du numérique, l’idée est de mettre tous ces savoirs en commun pour permettre à chacun d’être en mesure de porter des projets innovants ou tout du moins d’être sensibilisé à cette transformation que connait le marché du droit. Le programme de 166 heures en présentiel permettra de dispenser des enseignements variés sur notamment les dernières tendances technologiques du numérique et sécurité, la transformation numérique des acteurs du droit, l’économie des acteurs du numérique, marketing des services… Mais ce diplôme sera aussi l’occasion de travailler sur des projets professionnels en équipe, de rencontrer des acteurs de l’économie numérique…
« Nous avons eu la volonté de créer ce diplôme avec une idée forte : un ancrage très prononcé dans le réel avec un certain nombre de partenaires, explique Bruno Deffains, Professeur d’Economie à l’origine de cette nouvelle formation avec Stéphane Baller, Associé d’EY Société d’avocats. Nous voulons démontrer qu’on est encore capable de faire des choses innovantes à l’Université, que les entrepreneurs ne sont pas uniquement en dehors des salles de cours et que parfois on peut contribuer à une meilleure adaptation entre l’offre et la demande. »

"Le programme réglementaire du CNB fait totalement l’impasse sur le numérique..."

Consciente également de la nécessité d’adapter la formation des élèves-avocats, l’ERAGE (Ecole régionale des avocats du Grand Est) a mis en place un programme d’innovation pour les élèves-avocats. « C’est un programme spécifique à l’école, explique Enke Kebede, directrice pédagogique de l’ERAGE. Dans toutes les écoles d’avocats, il y a le programme réglementaire du CNB qu’on exécute mais le problème est qu’il fait totalement l’impasse sur le numérique et les nouvelles modalités d’exercice de la profession. »

Or, on sait bien aujourd’hui qu’il est fondamental de sensibiliser et préparer les futurs avocats aux nouveaux enjeux de leur profession mais pas seulement car certains élèves-avocats deviennent juristes d’entreprise ou entrepreneurs. C’est donc aux écoles de s’adapter et à l’ERAGE, ils se sont fixés 3 défis : le recrutement des élèves, l’efficacité de la formation et le bien-être des élèves. Le programme d’innovation y répond totalement et comporte 4 volumes :
- L’acquisition de compétences nouvelles avec des ateliers sur des thèmes tels que « les soft skills, qui représentent 50 % de notre formation, concevoir un business model innovant, le legal design… Il s’agit d’un travail collaboratif et pluridisciplinaire où sont mises en place des équipes qui ont des profils très diversifiés. »
- La sensibilisation aux nouveaux domaines d’activité avec des réflexions par exemple sur les objets connectés, le data management, la RSE…
- La compréhension des nouveaux enjeux de la profession comme la blockchain, les legal tech, la justice prédictive…
- La prospection avec une trentaine de projets notamment sur l’identité numérique de l’avocat, les cabinets d’avocats en mode start-up, les bases de données des LegalTech dans le monde, l’expérience client…

On le voit, la réflexion qui sera à l’œuvre jusqu’à la fin de l’année lors de ce programme pour adapter la formation des juristes du futur s’annonce passionnante. Au-delà d’interventions aussi intéressantes les unes que les autres, l’idée est de produire du concret. « Nous allons permettre à chacun d’expérimenter au travers d’une plateforme commune et ouverte un certain nombre d’outils et de produire des outils, a rappelé Benjamin Jean. L’idée est de favoriser l’innovation dans le monde de la formation du juriste de demain et de la documenter afin que chacun puisse se l’approprier. »

Les débuts des travaux ont commencé le 15 juin 2017. Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à vous rendre sur le tout nouveau site de l’association Open Law, le droit ouvert dont le Village de la Justice est partenaire depuis ses débuts.

Et si vous ne l’avez pas encore fait, il est encore temps de répondre au questionnaire dont les réponses seront bientôt analysées et serviront de base pour mener à bien ce programme.

Conclusion, par Hervé Delannoy - Président du Conseil National du Droit :

https://www.youtube.com/watch?v=94OS2MUofpc

D’autres vidéos et pitchs sur la journée sont à voir ici.

Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice