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Sur la minute d’une décision judiciaire pénale. Par Jamel Mallem, Avocat.
Parution : jeudi 22 juin 2017
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Quelles sont les conséquences de l’absence du dépôt de la minute du jugement correctionnel ou de l’arrêt au greffe de la juridiction pénale ?

Lorsque le tribunal correctionnel rend un jugement pénal, il est important d’informer son client prévenu ou partie civile qu’il dispose d’un délai de 10 jours à compter du prononcé de cette décision pour interjeter appel principal. De même, lorsque la chambre correctionnelle d’une cour d’appel rend son arrêt pénal, cette information au client de former un pourvoi en cassation dans le délai de 5 jours à compter du prononcé de cette décision est tout aussi importante.

En effet, sans cette information, le prévenu ou la partie civile peut commettre l’erreur de croire que son recours (appel ou cassation) a pour point de départ la réception de la décision judiciaire, alors celle-ci peut être adressée et réceptionnée après l’expiration du délai légal de recours.

Cette réception tardive de la décision pénale peut présenter l’inconvénient pour une partie, qui ne dispose pas du jugement écrit, de ne pas connaître la motivation, de ne pas pouvoir ainsi se prononcer sur l’opportunité de faire un recours ou non et de ne pas pouvoir anticiper sur ses arguments à évoquer.

Pour autant, il convient pourtant de ne pas attendre la réception de la décision pénale pour faire appel ou cassation.

Dans une affaire, Monsieur Mario X… s’est vu déclaré coupable de dégradation du bien d’autrui et condamné à une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis par arrêt en date du 14 janvier 2015 rendu par la 13ème chambre de la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

Ce dernier intente un pourvoi en cassation contre cette décision.

Sur le fondement de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, Mario X… critiquait dans son mémoire le fait de ne pas avoir disposé de l’arrêt dans le délai légal prescrit et qu’ignorant la teneur de cet arrêt, il n’avait pas pu faire valoir valablement, dans son mémoire, ses arguments en droit dans le délai légal.

Quelques rappels de procédure sont nécessaires :

Le Tribunal correctionnel prononce son jugement, soit à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats, soit à une date ultérieure, lequel cas les parties en sont informées (article 462 du Code de procédure pénale).

Soit le président soit l’un des assesseurs donne lecture de ce jugement et cette lecture peut être limitée au dispositif (article 485 alinéa 2 du CPP).

Le dispositif énonce les infractions dont le prévenu est déclaré coupable ou responsable, la peine prononcée, les textes de loi appliquées et les condamnations civiles (article 485 alinéa 3 du CPP).

Ainsi, bien que le juge pénal ne soit pas obligé de donner lecture des raisons qui l’ont conduit à prendre telle décision, tout jugement doit néanmoins contenir les motifs et un dispositif (article 485 alinéa 1 du CPP).

Les motifs constituent les raisons, donc la base de la décision (article 485 alinéa 2 du CPP)

Selon les dispositions de l’article 486 du Code de procédure pénale, la minute du jugement (datée et signée par le président et par le greffier) doit en principe être déposée au greffe du tribunal dans les trois jours au plus tard du prononcé du jugement.

Ce dépôt est mentionné sur le registre spécialement tenu par le greffe à cet effet.

Cette règle est également applicable en appel, puisque l’article 512 du Code de procédure pénale énonce que les règles édictées pour le tribunal correctionnel sont applicables devant la cour d’appel sous réserves de dispositions particulières qui lui sont propres.

Ainsi, la minute d’un arrêt d’une cour d’appel doit également être déposée au greffe de la cour d’appel dans les 3 jours au plus tard du prononcé de l’arrêt.

Monsieur Mario X… tentait de soulever la violation de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, en invoquant l’inobservation du délai de trois jours pour le dépôt au greffe de la minute de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Or, la Cour de cassation balaie cet argument, considérant que ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Rappelons que si l’article 486 du CPP ne prévoit pas que les formalités prévues sont prescrites à peine de nullité, il n’en reste pas moins que selon l’article 171 du Code de procédure pénale, il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne.

Monsieur Mario X… invoquait dès lors qu’en ne disposant pas dans le délai de trois jours de la minute de l’arrêt de la cour d’appel au greffe, il n’avait pas été mis en mesure de faire valoir ses moyens de cassation.

En principe, les parties ont 5 jours francs pour se pourvoir en cassation à compter du prononcé de la décision.

Lors de sa déclaration de pourvoi ou dans les 10 jours suivants, le demandeur en cassation peut déposer au greffe de la cour d’appel son mémoire contenant les moyens de cassation et les textes de loi dont il est invoqué la violation (article 585 du CPP).

A l’expiration de ce délai, le demandeur condamné pénalement peut transmettre son mémoire directement au greffe de la Cour de cassation dans un délai qui ne peut excéder un mois au plus tard après la date du pourvoi.

Il est possible d’obtenir exceptionnellement une dérogation par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation pour disposer d’un délai supplémentaire, afin de faire parvenir son mémoire (article 585-1 du CPP).

En l’espèce, l’argument de Mario X… de n’avoir pas pu invoquer ses moyens de cassation dans son mémoire, faute d’avoir pu disposer de la minute de l’arrêt qui aurait dû être déposée au greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans le délai de trois jours, est rejeté par la Cour de Cassation.

En effet, la Cour de Cassation rappelle qu’il était possible à Mario X… de solliciter du président de la chambre criminelle la dérogation prévue par l’article 585-1 du Code de procédure pénale.

Ainsi, la Cour de cassation refuse de voir une atteinte aux intérêts du demandeur en cassation, rappelant que l’exception de dérogation aurait pu permettre à Mario X… de disposer d’un délai supérieur à un mois, pour être mis en mesure de soulever en temps utile ses moyens de cassation.

S’il est vrai que pour la procédure en appel, il n’existe pas de règles similaires imposant la rédaction d’un mémoire dans un délai prescrit, il n’en reste pas moins que l’article 504 du Code de procédure pénale permet néanmoins à une partie appelante de déposer, dans le respect du délai légal pour sa déclaration d’appel au greffe du tribunal, une requête contenant les moyens d’appel qui sera envoyée dans le plus bref délai au parquet général de la cour d’appel.

Or, si l’appelant est contraint de faire appel dans le délai légal, il ne pourra pas établir de requête s’il n’a pas préalablement connaissance de la teneur des motifs ayant donné lieu au dispositif du jugement correctionnel.

Le parallèle est tout de même difficile à faire : puisque si la requête en appel n’est pas obligatoire, il n’en est pas de même s’agissant du mémoire en cassation, dont la cour de cassation vient rappeler qu’il est toujours possible de solliciter une dérogation du président de la chambre criminelle pour disposer d’un peu plus de temps pour établir et adresser ses moyens de cassations.

Cass. Crim., 15/03/2017, N° 15-81363

Hormis cette difficulté procédurale, Mario X… tentait d’obtenir cassation de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en critiquant le fait que la juridiction du second degré n’avait pas recueilli préalablement ses observations lorsque la cour d’appel avait écarté d’office la circonstance aggravante de commission en réunion de plusieurs auteurs ou complices à la qualification de dégradation du bien d’autrui qui lui était reprochée.

En effet, s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits, dont ils sont saisis, leur véritable qualification, c’est impérativement à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée.

Cass. Crim., 3 mars 2004, Bull. crim. 2004, n° 56 ;
Cass. Crim., 28 janvier 2004, Bull. crim. 2004, n° 22 ;
Cass. Crim., 4 novembre 2003, Bull. crim. 2003, n° 208 ;
Cass. Crim, 16 mai 2007, N° 06-87866

Cependant, Mario X…pensait à tort pouvoir bénéficier de cette jurisprudence en invoquant une violation du principe du contradictoire.

Une nouvelle fois, la Cour de cassation rejette le pourvoi de Mario X… aux motifs que lorsqu’ils écartent d’office une circonstance aggravante, sans autrement modifier la qualification légale des faits reprochés au prévenu, les juges ne sont pas tenus de recueillir préalablement les observations de l’intéressé et qu’en agissant de la sorte, les magistrats ne méconnaissent ni le principe du contradictoire ni les droits de la défense.

Cass. Crim., 15/03/2017, N° 15-81363

Il est vrai qu’exclure une circonstance aggravante à l’infraction reprochée bénéficie au prévenu, puisqu’une telle exclusion emporte celle d’une peine aggravée encourue.

Il serait donc mal venu de critiquer le juge pénal, qui écarte la circonstance aggravante au prévenu, de ne pas lui avoir demandé son avis sur cette question, puisque cela lui est avantageux.

Jamel MALLEM Avocat au Barreau de Roanne www.mallem-avocat.com https://www.facebook.com/jamel.mallem.1 https://twitter.com/mallemavocat SELARL Mallem-Kammoussi-Christophe
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