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La nullité d’une assemblée générale extraordinaire emporte-t-elle la nullité de la décision de démission du gérant prononcée au cours de celle-ci ? Par Alexandra Six, Avocat.
Parution : mercredi 21 juin 2017
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La Cour de cassation répond à cette question dans une décision du 8 juin 2017 (arrêt n°14-29.618).

La nullité de l’assemblée générale peut être demandée essentiellement pour les motifs suivants :
- L’assemblée a été irrégulièrement convoquée : il s’agit par exemple des cas où la convocation a été effectuée par une personne n’ayant pas la qualité pour y procéder ou lorsque l’un des associés n’a pas été convoqué ;
- Les règles de quorum et de majorité n’ont pas été respectées : le tribunal de grande instance de Paris dans une décision du 28 juin 1964 a par exemple prononcé la nullité de plusieurs assemblées générales suite à l’absence de quorum qui aurait affecté toutes ces assemblées ;
- L’ordre du jour n’a pas été respecté ;
- Les associés n’ont pas reçu certains documents.

En principe, la nullité d’une assemblée générale extraordinaire a pour effet d’anéantir rétroactivement l’assemblée générale. La cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 20 septembre 1990 a en effet jugé qu’une « assemblée générale irrégulièrement convoquée est nulle et tous les actes pris par les organes qu’elle a élus doivent être annulés ».
Le tribunal de grande instance de Paris dans une décision du 7 mars 1990 a également estimé que « doivent être prononcées la nullité d’une assemblée générale extraordinaire irrégulièrement convoquée et celle de toutes les décisions consécutives à cette réunion ».

Ainsi, il semblerait que toutes les décisions prises par une assemblée générale, dont la nullité a été postérieurement prononcée, doivent être annulées. C’est en tout cas ce que la cour d’appel de Paris avait estimé dans un arrêt du 7 novembre 2013 (arrêt n°12/21843), arrêt ultérieurement cassé par la Haute Juridiction.

En l’espèce, une assemblée générale extraordinaire d’une SARL avait été annulée au motif qu’elle avait été irrégulièrement convoquée. La démission du dirigeant ayant été prononcée lors de cette assemblée, la cour a ainsi considéré que la nullité de l’assemblée emportait la nullité de cette décision.

La chambre commerciale de la Cour de cassation est venue partiellement casser cet arrêt le 8 juin 2017 : la nullité d’une assemblée générale extraordinaire n’a pas pour effet d’annuler la démission du gérant prononcée lors de l’assemblée en question.

La Cour fait référence à une décision antérieure rendue par la Cour le 22 février 2005 pour motiver sa décision : « sauf stipulation contraire des statuts, la démission d’un dirigeant de société, qui constitue un acte unilatéral, produit tous ses effets dès lors qu’elle a été portée à la connaissance de la société, qu’elle ne nécessite aucune acceptation de la part de celle-ci et ne peut faire l’objet d’aucune rétractation, son auteur pouvant seulement en contester la validité en démontrant que sa volonté n’a pas été libre et éclairée  ».

Ainsi prudence ! Un gérant qui souhaiterait revenir sur sa décision de démission ne pourra pas pour cela invoquer la nullité de l’assemblée générale extraordinaire.

La seule possibilité du gérant sera de prouver que sa volonté n’a pas été libre et éclairée. Si la décision du dirigeant n’est pas entachée par l’un des trois vices du consentement (erreur, dol ou violence) et qu’il a agi en pleine conscience, alors sauf disposition contraire des statuts il ne pourra pas revenir sur cette décision.

Alexandra SIX Avocat droit des affaires et droit des sociétés Cabinet ELOQUENCE Avocats Lille et Paris www.eloquence-avocats.com