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Jurisprudence des concours : continuité, évolution ou rupture ? Par Morgan Reynaud, Juriste.
Parution : mercredi 21 juin 2017
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Par un arrêt du 7 juin 2017, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence relative à la prévention des conflits d’intérêt au sein des jurys de recrutement dans la fonction publique. Faisant suite à un arrêt très critiqué rendu quelques mois auparavant, la Haute juridiction adopte ici une jurisprudence paradoxale s’inscrivant dans la continuité quant à la qualification du risque de partialité, tout en s’écartant clairement de sa position de principe concernant le traitement de ce risque. Cet arrêt semble donc s’inscrire dans un double mouvement, à la fois conservateur et novateur, ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions.

Dans un célèbre aphorisme publié dans son ouvrage En verve, Paul Claudel se demandait « Qui obtiendra le premier prix dans un concours de circonstances ? ». Il pourrait être apporté une réponse négative à cette interrogation : sûrement pas la sécurité et la clarté juridique au vue de l’arrêt que ces lignes entendent commenter.

Par un arrêt du 7 juin 2017, le Conseil d’État a en effet entendu apporter des précisions quant à sa jurisprudence relative à la composition des jurys de concours à travers le prisme du respect du principe d’impartialité des membres (CE, 7 juin 2017, Institut national universitaire Champollion d’Albi, Req n°382986).

Comme souvent en matière d’arrêts relatifs aux recrutements par concours, ce cas intéresse le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les spécificités juridiques de ces concours, la composition des jurys dans le cadre de communautés scientifiques parfois très restreintes, et l’intérêt scientifique et/ou pédagogique dont ils sont les garants, font en effet des concours de recrutements dans les établissements publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, de forts vecteurs d’avancée de la jurisprudence administrative des concours.

Dans cette affaire, une candidate malheureuse au concours de recrutement d’un Professeur des universités à l’Institut national universitaire d’Albi entendait remettre en cause les délibérations des 21 mars et 3 juin 2014 du conseil d’administration de l’établissement statuant respectivement sur la composition du comité de sélection et sur le classement des candidats au concours opéré par ce comité, ainsi que la décision défavorable à son recrutement du directeur du centre universitaire du 13 juin 2014.

Pour bien comprendre cette question, il convient de rappeler qu’en application des dispositions alors en vigueur, le décret n°84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs prévoyait que le conseil d’administration de l’établissement, siégeant en formation restreinte aux seuls enseignants-chercheurs et assimilés, devait se prononcer sur la composition des comités de sélection.

Ces comités de sélection, agissant en tant que jurys, devaient pourvoir à la sélection des candidats, après deux phases de concours : une analyse du dossier, faisant de cette étape une sorte d’épreuve d’admissibilité sur dossier, et, pour les candidats qualifiés par le comité de sélection, une audition par les membres de ce même comité. Le conseil d’administration en formation restreinte statuait ensuite sur la liste des noms qui lui était proposée par le président ou le directeur sur la base des avis des comités de sélection.

Cette procédure a été modifiée par le décret n° 2014-997 du 2 septembre 2014 appliquant la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, en substituant aux avis du conseil d’administration, les avis du conseil académique en formation restreinte ; organe créé par la loi du 22 juillet 2013. Ces modifications législatives et réglementaires n’impactent cependant pas les présents propos sur le fond.

Concernant les délibérations du conseil d’administration portant sur la désignation des membres du comité de sélection, l’arrêt commenté n’a rien du surprenant. Répondant au moyen de légalité externe soulevé par la requérante, celui-ci estime que le conseil d’administration a bien statué dans le cadre d’une formation restreinte aux seuls personnes habiles à siéger et, qu’en conséquence, la désignation des membres des comités était légale de ce point de vue. Ce contrôle n’est pas inédit et on sait de longue date que les juridictions administratives veillent au respect strict de cette obligation. Elles sanctionnent la seule présence de personnes non habilitées à siéger lors des séances du conseil d’administration abordant ces questions, même si ces personnes n’ont pas activement participé aux débats sur ce point (CE, 22 juin 2009, Université de Picardie Jules Verne, Req n°328756).

Sur le fond, la requérante estimait que la présence, dans le comité de sélection, d’un membre avec lequel elle avait entretenu des relations personnelles et professionnelles très étroites devenues conflictuelles, entraînait l’illégalité de la délibération pour défaut d’impartialité. Le juge a rejeté cet argument d’une curieuse manière dont ces lignes tenteront de faire l’analyse.

Néanmoins, avant d’étudier le fond de l’arrêt, il est nécessaire de s’intéresser à la notion juridique de concours.

Le Conseil d’État a déjà donné une définition claire du concours en rappelant qu’«  est concours toute opération de sélection effectuée entre plusieurs candidats en vue de l’attribution de places dont le nombre est limité  » (CE, 6 juin 1962, Melle Dieudonnat : Rec p. 990). De manière traditionnelle, le juge administratif rappelle que la dénomination donnée aux épreuves par l’administration organisatrice, comme celle d’examen professionnelle, n’a pas d’influence sur la qualification juridique de celles-ci qui peuvent être reconnues par le juge comme étant des concours (CE, 29 juillet 1983, Mme Soma, Req. N° 25002).

Par opposition à l’examen, qui vise à sélectionner tous les candidats ayant « le niveau » requis en référence à une note ou à une moyenne objective, le nombre de places est limité dans le cadre d’un concours (CE , avis, 11 septembre. 1982 n° 331811) et le mérite des candidats est jugé de manière comparative (CE, Ass, 13 juillet 1967, Geslin, Rec, p. 316).

Appliquant ces principes au recrutement d’enseignants-chercheurs pour les universités, le Conseil d’État a explicitement qualifié ces opérations de concours (ex : CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002) et a, en conséquence, reconnu la qualité de jury de concours aux comités de sélection (CE, 23 octobre 2013, Université de Lorraine, Req n°359919 ; CAA Paris, 30 décembre 2016, Muséum national d’histoire naturelle, Req n°16PA00637).

Ce rappel est important puisqu’il implique qu’au delà de la question des recrutements dans l’enseignement supérieur et la recherche, les dispositions de l’arrêt commenté pourrait s’appliquer à tous les types de concours. Cela n’est pas anodin puisque celui-ci entend, tout en s’inscrivant dans une certaine continuité avec la jurisprudence antérieure (I), amender, voir rompre, avec certaines positions traditionnelles des juridictions administratives en matière d’organisation des concours (II).

I) Un arrêt s’inscrivant dans un cadre jurisprudentiel établi en matière de jury de concours

Outre les questions de légalité externe déjà évoquées en introduction, la Haute juridiction devait se prononcer sur la qualification de conflits d’intérêts entre membres de jurys et candidats.

Posant le cadre de son office, le Conseil d’État rappelle que « la seule circonstance qu’un membre du jury d’un examen ou d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations de cet examen ou de ce concours ; qu’en revanche, le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat ; qu’en dehors de ces hypothèses, il incombe aux membres des jurys d’examen de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable ».

Ce considérant de principe n’est pas totalement inédit et est pour partie la reprise reformulée (mais on verra que cette reformulation a un impact fort) du considérant de principe posé un an plus tôt, toujours dans le cadre d’un recrutement universitaire dans un arrêt concernant l’Université de Nice (CE, 17 octobre 2016, Université Nice-Sophia Antipolis, Req n°386400). Cette « affaire » (A) fût l’objet de vives contestations des administrations organisatrices de concours alors même qu’il s’inscrivait lui-même dans une logique continuité jurisprudentielle jusqu’alors pas ou peu comprise (B).

A) Rappel de l’affaire qui mit le feu aux poudres

Dans l’affaire concernant l’Université de Nice, la présidente avait décidé d’interrompre, pour illégalité, un concours de recrutement ouvert pour un emploi de maître de conférences. Un nouveau comité de sélection avait alors été mis en place par l’Université.

Saisi par un candidat, le tribunal administratif de Nice, par jugement du 6 juin 2013, avait annulé la délibération en date du 4 juin 2012 du conseil d’administration restreint de l’université, mais rejeté sa demande d’annulation de la décision de la présidente de l’université. Pour fonder sa décision, le tribunal avait notamment relevé les liens étroits existant entre le candidat et plusieurs membres du comité de sélection (TA Nice, 6 juin 2013, Université de Nice Sophia Antipolis). Le requérant avait donc fait appel du jugement.

La cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt du 26 septembre 2014, avait alors pour partie réformé le jugement de première instance en considérant que « la nature hautement spécialisée de la discipline en cause justifie que les candidats pouvant sérieusement se proposer pour le poste de maître de conférences, [...] devaient nécessairement, au cours ou au terme de leurs études universitaires, lors de conférences ou à l’occasion de la publication d’articles ou d’ouvrages de recherche, avoir été amenés à côtoyer un certain nombre d’autres spécialistes de cette discipline, et notamment certains de ceux qui ont été désignés parmi les membres du comité de sélection, et à collaborer avec eux dans des travaux de recherche communs ; que, sauf à priver M. D... de toute possibilité de concourir pour ce poste devant un jury à la désignation duquel il n’a eu aucune part, une telle circonstance, dans un contexte aussi particulier, et alors qu’au moins cinq membres du comité de sélection ne le connaissaient pas, ne saurait suffire à faire douter de l’impartialité de ce comité, en l’absence de tout autre élément invoqué par l’université de nature à rompre, en faveur de M.D..., l’égalité entre les candidats ». La CAA de Marseille s’appuyait ainsi sur la grande technicité du concours (expérimentation optique et physique des lasers, astrophysique relativiste observationnelle) pour souscrire à une lecture souple du principe d’impartialité, bienvenue sur des concours scientifiques d’une telle précision (CAA Marseille, 26 septembre 2014, Université de Nice - Sophia Antipolis, Req n° 13MA02950).

Le feuilleton s’est toutefois prolongé devant le Conseil d’État qui, dans un considérant de principe de stricte rédaction rappelait que, si « la seule circonstance qu’un membre du jury d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations de ce concours », « le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury d’un concours a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat mais encore concernant l’ensemble des candidats au concours ». Le Conseil d’État précisait alors « qu’en outre, un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l’impartialité requise, doit également s’abstenir de prendre part à toutes les interrogations et délibérations de ce jury en vertu des principes d’unicité du jury et d’égalité des candidats devant celui-ci ». (CE, 17 octobre 2016, Université Nice-Sophia Antipolis, Req n°386400).

Appliquant cette grille d’analyse au litige en présence, la Haute juridiction indiquait que «  la cour pouvait sans erreur de droit tenir compte de la nature hautement spécialisée de la discipline en cause pour apprécier l’intensité des liens pouvant exister entre les membres du jury et les candidats au regard du respect du principe d’impartialité, eu égard au très faible nombre de spécialistes de la discipline ».

Ce point, précisant la jurisprudence antérieure en matière de relations professionnelles, était une évolution notable et intéressante pour les administrations organisatrices de jury mais il est passé quasiment inaperçu au profit des craintes nouvelles, juridiquement infondées on le verra, portant sur l’obligation de s’abstenir de siéger.

Il n’en demeure pas moins, pour être complet, que l’appréciation souple du conflit d’intérêt dont l’hypothèse venait d’être ouverte par le Conseil d’État n’a pas fait l’objet d’une application au cas d’espèce, celui-ci relevant «  l’existence de liens étroits entre l’un des candidats et sept des douze membres du comité de sélection, dont le président de ce comité, caractérisés notamment par le fait que quatre membres du comité avaient cosigné avec l’intéressé dix-sept des vingt-neuf articles scientifiques publiés entre 2000 et 2012 dont il se prévalait à l’appui de sa candidature et que le président du comité en avait lui-même cosigné six avec l’intéressé ».

Dans ces circonstances, les juges du Palais-Royal ne pouvaient que déduire une « subjectivisation » des relations professionnelles, ces collaborations nombreuses en volume et en proportion, ayant nécessairement motivé des relations professionnelles et personnelles fortes entre les membres du jury et certains candidats au concours.

Cet arrêt, qui a été vivement critiqué par les autorités administratives organisant des concours n’est cependant pas inédit et s’inscrit parfaitement dans la logique jurisprudentielle antérieure.

B) Des arrêts pour partie logiques en droit des concours

Les affaires relatives aux universités de Nice et à l’Institut National universitaire d’Albi s’inscrivent, pour partie, dans la continuité des arrêts rendus depuis plus d’un demi-siècle par le Conseil d’État en matière d’impartialité des jurés de concours.

Traditionnellement, on a coutume de décrire deux types de partialité lorsque la question des conflits d’intérêt se pose : les conflits objectifs et les conflits subjectifs.

Les conflits objectifs sont simples à déceler. Il s’agit des cas dans lesquels les liens entre le membre du jury et le ou les candidats sont tels qu’ils suffisent en eux-mêmes à remettre en cause l’impartialité du membre de jury et donc la validité des délibérations. Plusieurs exemples peuvent être cités et la jurisprudence en regorge. Sont notamment qualifiés de conflits d’intérêts objectifs la présence dans le jury du conjoint d’un candidat (CE, 10 février 1995, Perrin, Larceneux, Chevailler, n° 109204), d’un ascendant (CE, 10 février 1922, Aldeger et Branlières, Req n° 71225 Rec p.127), de son ex-époux(.se) (CE, 10 février 1995, Perrin, Req n° 109204), ou, bien sûr, lorsque le membre de jury est lui-même candidat au concours…

La jurisprudence a enfin établi comme conflit d’intérêt objectif la présence, dans le jury, du subordonné de l’un des candidats. Dans une affaire concernant le CNRS, le Conseil d’État a ainsi considéré que la seule circonstance que siégeait, au sein du jury d’admissibilité, une personne placée sous l’autorité de l’un des candidats, directeur de son laboratoire, était de nature à priver les autres candidats des garanties d’impartialité auxquelles ils avaient droit (CE, 4 février 2004, Centre National de la Recherche scientifique, Req n°258824).

Dans ces cas, la seule existence des liens entre un membre du jury et un candidat suffit à faire invalider les délibérations pour cause de partialité, sans qu’il soit besoin de démontrer que le membre a effectivement été partial.

La difficulté, dans le cadre des arrêts commentés, vient du fait que le conflit d’intérêt n’est pas objectif, mais subjectif. Dans ce cas, l’appréciation est plus fine et l’analyse plus complexe. Quelques grandes lignes se dégagent cependant de la jurisprudence et les arrêts analysés s’inscrivent clairement dans ce cadre.

Ainsi, nous rappellent ces arrêts, le seul fait qu’un membre de jury connaisse un candidat ne suffit pas à conduire à l’illégalité du concours. Dans le cadre de simples relations de travail, il faut, pour démontrer l’illégalité du concours, que le requérant prouve qu’outre ces liens professionnels, des liens personnels se sont tissés entre le/les candidats et les membres du jury. Le requérant peut également démontrer que les liens professionnels sont si forts qu’ils empêchent les jurés de statuer en toute impartialité.

Faisant application de cette position, les juridictions administratives ont admis que puisse siéger dans un jury de concours des simples collègues de candidats (CE, 25 mars 1988, Toutain, Req n°90324), leurs anciens supérieurs hiérarchiques (CE, 7 octobre 1983, Melle Limoge, Req n° 35249), voire même leur supérieur hiérarchique actuel (CE, 9 novembre 1994, Marion, n° 114763 ; CE, 28 mars 1984, Swoboda, Req n°40172 ; CE, 4 novembre 1994, Nemeth,
Req n°151127).

De même, le fait que des membres du jury ont entretenu des relations professionnelles avec certains des candidats ou que des candidats ont co-signé des articles avec des membres du jury ne suffit pas, en lui-même, à qualifier un conflit d’intérêt (CE, 12 octobre 2009, Centre National de la recherche scientifique, Req n°320229).

Il faut donc démontrer qu’il y a conflit subjectif et les simples relations de travail ne suffisent pas à les qualifier. L’exemple donné par l’arrêt du Conseil d’État dans l’affaire concernant l’Université de Nice est sur ce point éclairant. En effet, les juges ont constaté une réelle « subjectivisation » des relations de travail tenant aux collaborations très étroites entre certains membres du jury et des candidats.

Là encore, cette position n’est pas inédite, les juges du Palais-Royal ayant déjà rappelé que dans certains cas, lorsque des candidats avaient travaillé sur les mêmes projets que leur supérieurs hiérarchiques, membres du jury, il pouvait y avoir conflit d’intérêt dans la mesure où, au vu des circonstances de l’espèce, l’analyse technique du dossier des candidats revenait, dans les faits, pour les jurés concernés, à analyser la valeur de leurs propres travaux (ex : CE, 18 mars 1983, Spina, Req n°33379).

Les collaborations professionnelles très étroites entre un membre de jury et un candidat ont d’ailleurs toujours été sanctionnées en jurisprudence (CE, 20 septembre 1991, Blazsek Req n°100225). Dans le monde de la recherche, a ainsi été sanctionnée la présence de membres de jury ayant cosigné 53 des 70 articles publiés dans des revues scientifiques figurant au dossier de la candidate, un autre candidat ayant lui-même cosigné 14 de ses 28 articles avec l’un des membres (CE, 15 mai 2002, Institut National de la Recharge en Agronomie, Req n°224701). L’exemple de Nice s’inscrit donc en plein dans cette jurisprudence classique.

La difficulté à qualifier ce type de conflits d’intérêts peut avoir des conséquences graves pour le concours. En effet, le Conseil d’État a déjà été amené à annuler les délibérations de jurys trop zélés ayant fait de la simple connaissance d’un candidat un critère de partialité et invitant ainsi ces membres à se retirer des délibérations. La Haute juridiction a alors considéré que les règles de composition du jury n’avaient pas été respectées (CE, 18 juillet 2008, Baysse, n° 291997 ; CE, 9 juillet 1997, Thoubert, Req n°170334).

Cette difficulté est renforcée par le fait que l’arrêt concernant l’Université de Nice laisse une marge d’appréciation aux jurés en rappelant « qu’un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l’impartialité requise, doit également s’abstenir de prendre part à toutes les interrogations et délibérations de ce jury en vertu des principes d’unicité du jury et d’égalité des candidats devant celui-ci ».

Quoiqu’il en soit, et tirant les conséquences de cette jurisprudence traditionnelle en matière de qualification du conflit d’intérêt, telle que synthétisée par l’arrêt relatif à l’Université de Nice, le Conseil d’État, dans l’arrêt commenté, acte bien un problème de partialité de l’un des membres du jury en constatant « qu’en raison de leur nature et de leur caractère récent, ces liens étaient de nature à influer sur l’appréciation que [le juré] pouvait être amené à porter, en tant que membre du comité de sélection, sur les mérites professionnels de [la requérante]  »

Cependant, si jusqu’à présent, l’analyse de ces deux espèces forçait à constater leur convergence avec la jurisprudence antérieure, l’analogie s’arrête ici concernant l’arrêt du 7 juin 2017. Celui-ci rompt, en effet, et de forte manière, avec la jurisprudence antérieure, y compris avec la jurisprudence niçoise, sur la manière dont le conflit doit être traité.

II) Un bouleversement dans la manière de traiter les conflits d’intérêt au sein des jurys.

L’arrêt du 7 juin 2017, commenté ici, s’il s’inscrit dans la pleine continuité des jurisprudences antérieures en matière de qualification d’un défaut de partialité d’un membre du jury, s’en écarte très largement lorsqu’il convient de traiter le conflit constaté. La position avancée dans cet arrêt dans la tenue d’un jury affecté de partialité est en effet en rupture totale avec la conduite à tenir classique en la matière, notamment synthétisée par l’arrêt du 17 octobre 2016 (A). Les questions portant sur l’indivisibilité et la souveraineté du jury se posent ainsi au regard de cette décision (B).

A) Un arrêt de réaction à une jurisprudence établie mais récemment connue

Lorsque l’arrêt du 17 octobre 2016 relatif à l’Université de Nice a été lu, les administrations et la doctrine se sont émues de la sévérité de la position opérée par le Conseil d’État. Dans cet arrêt, rappelons-le, les juges du Palais-Royal indiquaient qu’un membre en conflit avec un candidat «  doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat mais encore concernant l’ensemble des candidats au concours » au nom, nous rappelle la juridiction « des principes d’unicité du jury et d’égalité des candidats devant celui-ci  ».

Les autorités organisatrices de concours ont immédiatement contesté cet arrêt en invoquant l’impossibilité pratique de mettre en œuvre cette « nouvelle position ». S’était en effet développée une coutume visant à laisser siéger des membres de jury connaissant des candidats, charge pour eux de ne pas intervenir dans le cadre des auditions, ni de participer aux délibérations concernant ce ou ces candidat(s) (voir, pour une mention de cette pratique par la doctrine : Espagno, Delphine. « Le droit français des concours entre permanence et évolution », Revue française d’administration publique, vol. 142, no. 2, 2012, pp. 369-381).

Il est dès lors compréhensible que, face à une telle pratique, les administrations se soient émues de cette sévérité apparente. En réalité, on ne saurait être moins réaliste en observant que ces émotions ne furent pas motivés par autre chose que… la découverte de la pluie (!).

En effet, si la position du Conseil d’État datée de 2016, qui exclut d’un jury tout membre en conflit, a des apparences de sévérité, il ne s’agit là que d’une synthèse de la jurisprudence classique en la matière.

La Haute juridiction avait déjà posé la règle selon laquelle, dans des cas de partialité objective comme subjective, le membre en cause ne pouvait plus faire partie du jury (CE, 20 septembre 1991, Blazsek, Req n°100225). Pierre Bandet, dans son ouvrage de référence sur les règles applicables aux concours et examens administratifs, voyait dans le principe selon lequel « ne peut légalement siéger dans le jury une personne dont la partialité pour ou contre le candidat peut être établie », une « modalité d’application du principe général d’égalité des candidats » (Bandet, Pierre. « Les concours et examens administratifs », La Documentation française, 1998, p. 97).

Ce raisonnement peut être creusé. En effet, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection. Le Conseil d’État est vigilant sur ce point et rappelle que ce principe général du droit qui s’impose même sans texte, fait obligation à l’autorité réglementaire en charge du concours de veiller rigoureusement à l’application du principe d’égalité entre les candidats admis à se présenter à un même examen ou à un même concours (CE, Ass, 13 juillet 1967, Geslin, Rec, p. 316 ; CE, avis, 11 octobre 1990, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Avis n°348653).

La jurisprudence en a déduit la nécessité d’assurer l’égalité entre les candidats dans le déroulement des épreuves. C’est ainsi, par exemple, que des différences dans les moyens matériels mis à disposition des candidats ont pu être qualifiées de rupture d’égalité (CE, 14 octobre 1992, Lannic, Req n° 110126), tout comme, d’ailleurs, la communication, après l’ouverture des concours, de membres de jurys avec des candidats (CE, 21 janvier 1966, Baumel, Prioton et Vidal, Req n°64190, Rec p. 50).

Or, comment ne pas considérer que l’abstention d’un membre de jury d’interroger et de participer aux délibérations concernant un seul des candidats présents au concours ne témoigne pas d’une rupture d’égalité ? Le candidat soumis à potentiel conflit est en effet, dans cette perspective, interrogé par un juré de moins que les autres candidats ; ce juré ne pouvant du reste pas participer, favorablement ou non, à la construction collective de l’avis final du jury.

C’est donc dans une mouvance libérale, pourtant juridiquement très douteuse, que le Conseil d’État a considéré, dans l’affaire commentée que le membre du jury en cause « n’a pas été rapporteur du dossier de [la requérante] et que les deux rapporteurs de son dossier n’appartenaient d’ailleurs pas au Centre Jean-François Champollion dans lequel [le juré et la candidate] avaient eu leur activité professionnelle commune ; qu’il ressort également des pièces du dossier, notamment d’attestations émanant des autres membres du comité de sélection, que [le juré] n’a pas pris part aux débats du comité portant sur le choix d’auditionner ou non [la requérante] et n’a, à aucun moment, formulé d’avis à son égard ; que, par suite, et alors même que [le juré] a été présent lors de la délibération litigieuse par laquelle le comité de sélection a récapitulé la liste globale des candidats qui ne seraient pas auditionnés et que, en sa qualité de président du comité, il l’a signée, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision qu’elle attaque a méconnu le principe d’impartialité ».

Ce faisant, le Conseil d’État, semble amender la jurisprudence antérieure, en admettant qu’un membre de jury en conflit d’intérêt puisse assister aux délibérations d’un jury de concours dans la mesure où il s’abstient d’y participer activement pour le candidat concerné. Ce dernier n’est donc pas évalué par le « même jury » que ses concurrents et la rigueur juridique pousse à y constater une rupture d’égalité que la Haute juridiction a entendu valider pour éviter la « désagrégation » du jury (voir, sur ce point : lettre rectificative à l’étude d’impact portant sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 16 juin 2015).

Les plus fins observateurs de la jurisprudence des concours ne manqueront pas de remarquer que cette prise de position reprend le raisonnement tenu dans un arrêt rendu en 2008 selon lequel « le respect du principe d’impartialité exige que s’abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation ; qu’en outre un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l’impartialité requise, peut également s’abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat » (CE, 18 juillet 2008, Ministre de la justice, Req n°291997 ; voir également : CE, 22 juin 2011, Ecole de formation des avocats centre sud, Req n°336757).

Il n’en demeure pas moins que, confronté au respect du principe d’égalité, une telle prise de position n’est pas des plus rigoureuses. La pratique a donc, sur ce point, clairement pris le pas sur la rigueur juridique.

Il est d’ailleurs à noter que le trouble du Conseil d’État est perceptible en la matière puisque, par un arrêt rendu tout juste un mois avant l’affaire commentée, il déclarait que si l’impartialité d’un juré était en cause, « ce membre [devait] s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant non seulement ce candidat mais encore l’ensemble des candidats au concours » (CE, 3 mai 2017, Aix-Marseille Université, Req n°392549).

En outre, la position prise le 7 juin, si elle peut avoir des bénéfices pratiques, posera nécessairement de nombreux problèmes contentieux par la suite. En effet, la jurisprudence impose le plus grand secret quant aux délibérations des jurys qui doivent ainsi délibérer à huis-clos (CE, 13 juillet 1917, Bérillon, Req n°42076 ; CE, 12 juin 1987, Barbezier, Req n° 53612 ; CE, 5 juillet 1974, Mascaro, Req n°93112 ; CE, 5 octobre 1990, Zuber, Req n°95806).

Comment, dans ces circonstances, une administration ou un requérant pourraient-ils prouver (ou se défendre) qu’un juré a, ou non, participé aux délibérations concernant la personne avec laquelle il est en conflit ? De deux choses l’une, soit le Conseil d’État a ici ouvert une souplesse dont il sera impossible de démontrer le respect des conditions, soit, au contraire, le débat contentieux forcera les parties à produire tous éléments relatifs au déroulement des délibérations ; éléments normalement couverts par le nécessaire secret qui les entoure.

La position libérale du Conseil d’État est donc, sur ce point, très critiquable. Cependant, un autre principe fondamental du droit des concours est écorné par cet arrêt, celui de l’immuabilité du jury durant les épreuves.

B) Une entorse clairement affichée au principe d’intangibilité du jury

Dans l’arrêt du 7 juin, le Conseil d’État rappelle qu’« il incombe aux membres des jurys d’examen de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable ». Néanmoins, sitôt cela posé, la prise de position libérale du Conseil d’État amène celui-ci à considérer « qu’aucune règle ni aucun principe n’imposent que, lorsqu’il se prononce sur les mérites des candidats pour choisir, ou non, de les entendre, le comité de sélection statue dans une composition strictement identique pour tous les candidats ».

Il s’agit là d’une entorse fondamentale à une position juridique ancienne et fondée sur le principe d’égalité. En effet, au fil de sa jurisprudence, le Conseil d’État avait développé une position rigoureuse imposant l’intangibilité du jury de concours après l’ouverture des épreuves.

Dans cette logique, le juge administratif exigeait, avec vigilance, que le jury siège toujours au complet à l’intégralité des épreuves (CE, 15 février 1960, Premier ministre c/ Jacquin, Pentillon et Freynet ; CE, 27 octobre 1993, Mme Monnet, n° 120442 ; CAA Marseille, 15 février 2000, Mme Deininger, Req n° 97MA05347 confirmé par CE, 27 octobre 2000, Mme Deininger).

Poussant son raisonnement, le Conseil d’État avait clairement indiqué qu’un membre du jury ne pouvait s’absenter, même pour un court instant, au cours des épreuves ou des délibérations ; les jurés devant attendre les interruptions de séance décidées par le président pour quitter la salle (CE, 15 avril 1996, Parant, n° 155570 ; CE, 9 juillet 1997, M. Thoubert, n° 170334).

Seules exceptions au principe, la possibilité de procéder à la création de sous-jurys dans des conditions particulières, et uniquement si le jury délibérait en plénier par la suite (CE, 27 mars 1987, Espieu, Req n°47143 ; CE, 11 juin 2004, Brigitte M et Marie France M, Req n°253787 ; CE, 17 novembre 2004, Ministre de la Justice, Req n°265928 ; CE, 29 juillet 2002, Casenave-Decheix, Req n°234014) ou l’absence pour un motif légitime.

Dans ce dernier cas, interprété strictement par la jurisprudence, le juge valide la délibération du jury alors même qu’un des membres est absent si cette absence se justifie par un motif légitime (maladie, accident etc.) et si, prenant de cours l’administration, elle ne lui a pas permis de compléter le jury.

Le Conseil d’État tire de ce double principe d’intangibilité et d’indivisibilité du jury, garant du principe d’égalité entre les candidats, la conséquence selon laquelle un membre qui ne participe pas à une des épreuves d’un concours est automatiquement exclu des épreuves suivantes de ce même concours (CE, 17 juin 1927, Bouvet et autres, Req n°89357 : Rec. p. 676 ; CE, 6 février 1998, M. Baigneau, n° 146075).

Or, dans l’espèce commentée, le Conseil d’État admet clairement une « mise en retrait » du juré pour un candidat spécifique. Même si ce juré siège « formellement » dans le jury, il n’y participe plus et ne peut donc en conséquence pas opérer la nécessaire comparaison entre candidats que sous-tend le principe même de concours.

Ainsi, en soutenant qu’« qu’aucune règle ni aucun principe n’imposent que, lorsqu’il se prononce sur les mérites des candidats pour choisir, ou non, de les entendre, le comité de sélection statue dans une composition strictement identique pour tous les candidats », le Conseil d’État remet en cause toute sa jurisprudence antérieure qui faisait du principe d’égalité le fondement même de la prohibition de la modification du jury au cours des épreuves. Il indique de fait qu’un membre du jury peut « en sortir » et y « rentrer » à l’occasion des risques d’impartialité auxquels il est confronté.

La logique juridique de cette prise de position est plus que contestable. Elle remet non seulement en cause le principe établi de l’intangibilité du jury, et donc le principe d’égalité entre les candidats, mais également, indirectement, le principe de souveraineté du jury qui suppose sa collégialité et donc, sa solidarité. Cette dernière implique que la délibération finale du jury est l’œuvre de celui-ci, dans son intégralité, quels que puissent être les désaccords de certains des membres sur le classement final ; désaccords seulement exprimés dans le cadre du huis-clos de la délibération. Le jury, un, assume, en solidarité, la décision qui est prise. C’est ce principe que le Conseil d’État vient de remettre en cause dans le cadre de la décision du 7 juin.

Il est à noter que ce principe de solidarité du jury n’est pas une vue de l’esprit puisque le Conseil d’État a déjà indiqué les conséquences pratiques de cette unicité. Il a ainsi déjà estimé que « les membres du jury présents à la séance de jugement du jury sont tenus d’exprimer leur avis ; que, dès lors, ceux des membres qui sont portés au procès-verbal comme s’étant abstenus doivent être considérés comme ayant émis un vote contraire à chacun des candidats en présence ». Autrement dit, un membre qui refuse de prendre part au vote est réputé avoir voté contre le classement ou le(s) candidat(s) concerné(s) (CE, 28 juillet 1905, Mathieu, Rec. p. 696).

La confrontation entre l’arrêt commenté et cette position traditionnelle du juge administratif n’est pas non-plus sans causer de problème puisqu’il est difficilement concevable, en termes juridiques, que le membre en conflit s’abstienne de participer aux débats et aux délibérations concernant le candidat en cause, tout en étant membre du jury. Sa voix doit-elle alors compter, puisqu’il s’abstient, comme un vote négatif ? Perd-t-il voix au chapitre sur ce candidat ? Quid si l’abstention de ce membre entraîne une égalité de vote au sein du jury ?

Une autre question pratique peut être rencontrée. Certains jurys, en fonction des modalités d’organisations qu’ils déterminent, votent en deux temps, sur les candidats, puis sur le classement. Quelle sera alors la position du membre en conflit lorsque le jury devra délibérer sur le classement ? Aura-t-il la possibilité de s’abstenir, non seulement concernant le vote sur le candidat en cause, mais également sur le classement, si ce candidat est classé ? Perd-t-il toute possibilité de participer aux votes concernant le classement ?

On le voit, le coup de canif que le Conseil d’État a infligé au double principe d’unicité et d’intangibilité du jury n’est pas, loin s’en faut, sans poser de nombreux problèmes pratiques.

Conclusion

La décision commentée s’inscrit donc, paradoxalement, dans la continuité et dans la rupture. Continuité dans ce qui est de la qualification du conflit d’intérêt, rupture claire lorsque l’on étudie la manière dont ce conflit d’intérêt doit être traité. Les principes d’égalité entre les candidats et d’intangibilité sont clairement remis en cause, ou à tout le moins écornés par cette décision. La logique juridique a ici clairement été sacrifiée sur l’autel des pratiques pour faire face à une critique récente d’une jurisprudence établie.

La critique de la jurisprudence niçoise était notamment fondée sur une vision passionnée de la question du conflit d’intérêt ignorant la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’État quant à sa qualification juridique. L’arrêt rendu le 17 octobre 2016 n’avais ainsi pas vocation à exclure des jurys les membres travaillant simplement avec l’un au moins des candidats au concours mais se bornait à rappeler, à synthétiser, la jurisprudence qui prévalait logiquement jusque lors.

Outre les questionnements effleurés ci-avant, une importante interrogation persiste à la lecture de l’arrêt du 7 juin. Cet arrêt se place dans le cas d’une admissibilité sur dossier. Le Conseil d’État note d’ailleurs, dans une incidence peut-être lourde de sens, « qu’aucune règle ni aucun principe n’imposent que, lorsqu’il se prononce sur les mérites des candidats pour choisir, ou non, de les entendre, le comité de sélection statue dans une composition strictement identique pour tous les candidats ». La question que la lecture de ce dernier point soulève est de savoir si le juge tiendrait, ou non, le même raisonnement dans le cadre d’un jury d’admission, procédant à l’audition des candidats. En effet, dans ce dernier cas, le conflit peut apparaître de manière plus « visible » et donc de manière plus déterminante que lors d’une simple analyse de dossier.

La rédaction de ce considérant de principe le laisse entendre, ce qui poserait encore d’autres problèmes en termes d’intangibilité du jury, mais seul l’avenir pourra confirmer ou infirmer ce sentiment.

On le voit, cet arrêt, qui cherchait à rassurer les praticiens, et s’il prend en compte, dans une vision libérale, les critiques que motivèrent son arrêt de 2016, pose de trop nombreuses questions quant à ses implications. Il n’est pas certain qu’à terme, la solution dégagée par le Conseil d’État n’entraine ainsi pas plus de difficultés pratiques que celles résultant de la simple application de l’arrêt de 2016 s’inscrivant dans une jurisprudence établie

Morgan REYNAUD Juriste en droit public Chargé d\'enseignement en droit public
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