Village de la Justice www.village-justice.com

Le rôle du Président du tribunal dans la prévention des difficultés des entreprises en droit marocain. Par Mohammed Ait Mouhatta.
Parution : lundi 26 juin 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/role-President-tribunal-dans-prevention-des-difficultes-des-entreprises-droit,25322.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« L’entreprise est élue tous les jours par ses clients. » De François Michelin
La loi marocaine actuelle relative aux difficultés de l’entreprise, largement inspirée de la loi française du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires, a introduit une nouvelle philosophie dans le droit des procédures collectives marocain, axé sur la notion de l’entreprise dont le principe de base est désormais l’intérêt général.

C’est ainsi que cette loi marocaine marque le paysage lors de la substitution d’un droit des entreprises en difficulté, d’une entreprise principalement patrimoniale, visant à gérer les intérêts des créanciers et à assurer leur paiement, à une vision nouvelle fondée sur le maintien en activité des entreprises viables.
Dans la perspective de favoriser l’investissement et encourager l’entreprenariat le droit marocain des entreprises en difficulté a évolué, il tente de prévenir et de guérir plutôt que de punir, en instaurant des dispositions tendant au sauvetage de l’entreprise.

Selon le législateur marocain, les premiers signes des difficultés doivent être dissimulés afin de protéger d’avantage les intérêts de l’entreprise. En effet, dans ce processus préventif ambitieux, il a préféré conserver à la prévention un caractère interne et maintenir une confidentialité de principe.

Les procédures de prévention des difficultés des entreprises

La prévention interne constitue une technique pour traiter en amont les difficultés d’une entreprise, dans la plus grande discrétion. L’entreprise est tenue de procéder par elle-même à travers la prévention interne des difficultés, au redressement permettant la continuité de l’exploitation. A défaut, le président du tribunal intervient à travers la prévention externe. Le législateur a voulu favoriser ce mode de détection des difficultés. C’est la raison pour laquelle le commissaire aux comptes bénéficie d’un statut particulier.

A- La prévention interne

Le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou tout associé dans la société informe le chef de l’entreprise des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation et ce, dans un délai de 8 jours de la découverte des faits et par lettre recommandée avec accusé de réception, l’invitant à redresser la situation.
Faute d’exécution par le chef d’entreprise dans un délai de 15 jours de la réception ou s’il n’arrive pas personnellement ou après délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas, à un résultat positif, il est tenu de faire délibérer la prochaine assemblée générale pour statuer, sur rapport du commissaire aux comptes, à ce sujet.

S’il a été constaté que malgré les décisions prises par cette assemblée ou faute d’une délibération de l’assemblée générale, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le président du tribunal en est informé par le commissaire aux comptes ou par le chef d’entreprise. Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure, qu’une société commerciale, ou une entreprise individuelle commerciale ou artisanale, connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, pour que soit envisagées les mesures propres à redresser la situation. Le président du tribunal convoque le chef de l’entreprise pour essayer de trouver une solution pour maintenir la continuité de l’exploitation de l’entreprise. Le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative contraire, obtenir communication, par le commissaire aux comptes, les administrations, les organismes publics ou le représentant du personnel ou par toute autre personne, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.

B- La prévention externe, le règlement amiable

Le règlement amiable est une procédure confidentielle qui permet aux dirigeants des entreprises de demander la désignation d’un conciliateur afin de négocier avec leurs créanciers un accord amiable en vue d’optimiser le redressement de leurs entreprises. Ce droit d’alerte accordé au président du tribunal n’a en rien les caractéristiques d’une intervention judiciaire. Le président du tribunal n’intervient pas en tant qu’organe judiciaire, mais plutôt en tant que professionnel de la vie des affaires.

Le président du tribunal, avant de prendre sa décision, doit s’informer sur la situation de l’entreprise ; il a de larges pouvoirs d’investigation c’est ainsi qu’il peut convoquer le chef d’entreprise si l’assemblée générale n’a pu être délibérée ou lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure, qu’une société commerciale, ou une entreprise individuelle commerciale ou artisanale, connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, pour que soit envisagées les mesures propres à redresser la situation. Il peut aussi, par le commissaire aux comptes, les administrations, les organismes publics ou le représentant du personnel, les experts comptables ou par toute autre personne, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.
S’il apparaît que les difficultés de l’entreprise sont susceptibles d’être aplanies grâce à L’intervention d’un tiers à même de réduire les oppositions éventuelles des partenaires habituels de l’entreprise, le président du tribunal le désigne en qualité de mandataire spécial ; il lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir.

S’il apparaît que les propositions du chef de l’entreprise sont de nature à favoriser le redressement de l’entreprise, le président du tribunal ouvre le règlement amiable. Il désigne un conciliateur pour une période n’excédant pas trois mois mais qui peut être prorogée d’un mois au plus à la demande de ce dernier. Le président du tribunal détermine la mission du conciliateur, dont l’objet est de favoriser le fonctionnement de l’entreprise et de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers.il lui communique les renseignements dont il dispose et, le cas échéant. S’il estime qu’une suspension provisoire des poursuites serait de nature à faciliter la conclusion de l’accord, le conciliateur peut saisir le président du tribunal. Après avoir recueilli l’avis des principaux créanciers, ce dernier peut rendre une ordonnance fixant la suspension pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur.

Cette ordonnance prononce la suspension provisoire des poursuites interdite au débiteur, à peine de nullité, de payer, en tout ou partie, une créance quelconque née antérieurement à cette décision, ou de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement, ainsi que de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de l’entreprise ou de consentir une hypothèque ou nantissement. Cette interdiction de payer ne s’applique pas aux créances résultant du contrat de travail.

Lorsqu’un accord est conclu avec tous les créanciers, il est homologué par le président du tribunal et déposé au greffe. Si un accord est conclu avec les principaux créanciers, le président du tribunal peut également l’homologuer et accorder au débiteur les délais de paiement prévus par les textes en vigueur pour les créances non incluses dans l’accord.

L’accord entre le chef de l’entreprise et les créanciers est constaté dans un écrit signé par les parties et le conciliateur. Ce document est déposé au greffe. Il suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en justice, toute poursuite individuelle tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet. Il suspend les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents à ces créanciers.

Mohammed Ait Mouhatta. Master en Droit Public Doctorant en Droit public et sciences politiques, Laboratoire EPGOT , FSJES Mohammedia, Maroc