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La nouvelle action de groupe en matière de discrimination dans la fonction publique. Par Séverine Risser, Avocat.
Parution : jeudi 13 juillet 2017
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Véritable innovation en contentieux administratif, l’action de groupe a été introduite par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. 
S’agissant de la fonction publique, elle permet aux personnes victimes de discrimination au travail par un employeur public ou privé en charge d’une mission de service public de se regrouper et d’intenter ensemble une action commune et unique contre leur employeur. 
Un décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 a précisé les conditions de mise en œuvre d’une telle action, que nous analysons ci-dessous. 

1. Quels comportements sont susceptibles d’être sanctionnés ?

La loi vise une « discrimination imputable à un employeur ». Le texte n’en dira pas plus sur ce que recoupe cette notion de discrimination. 

La définition juridique classique de la discrimination sera donc retenue, à savoir tout « traitement défavorable ou inégal comparé à d’autres personnes ou d’autres situations », fondé sur un critère discriminatoire identifié légalement (notamment origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, état de santé, handicap, mœurs, appartenance à une religion déterminée, etc.). 

2. Qui peut agir dans le cadre d’une action de groupe dans la fonction publique ?

L’action de groupe est ouverte aux candidats à un emploi, à un stage, à une période de formation et, enfin, aux agents publics. La rédaction du texte nous convainc que, si les agents de droit privé sont exclus de l’action devant le juge administratif, celle-ci est ouverte aux agents contractuels de droit public et non aux seuls agents titulaires. 

Par ailleurs, le législateur a souhaité inclure les personnes susceptibles d’intégrer la fonction publique, afin de sanctionner la discrimination à l’embauche. 

Une fois le constat fait que plusieurs agents publics ou candidats à un poste d’agent public sont victimes de discrimination pour des motifs similaires par un même employeur, il est nécessaire qu’ils soient représentés par une instance unique, qui diffère selon la qualité des personnes victimes. 

Les organisations syndicales de fonctionnaires sont compétentes pour représenter l’ensemble des catégories de victimes.

Les associations déclarées depuis au moins 5 ans et intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent quant à elles représenter les candidats à un emploi ou à un stage, mais non les agents publics. 

3. Que peuvent demander les victimes ?

Les victimes d’une discrimination au travail de la part de leur employeur peuvent demander la cessation du manquement et la réparation du préjudice subi. 

4. Quelles sont les conditions d’exercice de l’action ?

Avant d’introduire l’action de groupe devant le juge, l’association ou l’organisation syndicale qui représente les intérêts des victimes doit obligatoirement mettre en demeure l’employeur de faire cesser les pratiques discriminatoires. 

L’action peut ensuite être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la réception de la mise à demeure par l’employeur ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.

L’organe représentant le groupe doit ensuite saisir le juge territorialement compétent. Il arrive que plusieurs juridictions soient compétentes (quand les agents concernés sont affectés à différents endroits) : il appartient alors au Conseil d’État de désigner une juridiction. 

Le juge, lorsqu’il constate un manquement, enjoint à l’employeur de cesser ce manquement ; il peut assortir cette injonction d’astreinte. 

Il déterminera également le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée ainsi que les préjudices susceptibles d’être réparés. C’est ensuite la personne déclarée « responsable » qui procédera à l’indemnisation individuelle des préjudices. 

Les actions en cours ainsi que les jugements rendus sont publiés sur le site du Conseil d’État, afin de permettre à toute personne susceptible d’en bénéficier d’adhérer au groupement. 

5. Intérêt et avenir de l’action de groupe dans la fonction publique 

La création de cette action de groupe est une nette avancée de la reconnaissance des discriminations au sein de la fonction publique. 

Ses effets pratiques ne se feront pas connaître immédiatement, dès lors qu’elle ne peut être engagée que pour des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, donc à compter du 19 novembre 2016. En outre, le délai de 6 mois imparti à l’employeur pour répondre rallonge également la procédure. 

Cette action répond cependant à un réel besoin, au regard de la récurrence des discriminations constatées au sein de la fonction publique, en particulier hospitalière ou territoriale. 

Il appartiendra à l’organe qui représente les agents publics de procéder à une publicité des demandes qu’il reçoit afin de porter à l’attention des fonctionnaires l’existence de cas similaires aux leurs, afin de permettre à cette action de prospérer. 

Avocate | Coach certifiée et formatrice pour avocat·e·s RiSe