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La limite des clauses de non garantie des vices cachés. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : lundi 17 juillet 2017
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L’article 1641 du Code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

(Cass. 3e civ., 29 juin 2017)

La garantie des vices cachés constitue un principe classique en matière de vente et est un principe général du droit civil, qu’il convient néanmoins de ne pas confondre avec la garantie contre les vices du consentement prévue à l’article 1130 du Code civil.

Dans le premier cas, la vente est garantie contre tout défaut caché de la chose vendue et qui la rendrait impropre à l’usage auquel l’acheteur la destine. La garantie porte donc sur les qualités de la chose vendue.

Dans le deuxième cas, la garantie porte sur le consentement de l’une des parties, élément constitutif de tout contrat. Dès lors, si l’une des parties au contrat voit son consentement vicié, que ce soit pour erreur, dol ou violence, alors le contrat est nul.

La garantie des vices cachés opère une dichotomie classique en droit privé entre les professionnels et les non professionnels. Ainsi, il est constant que deux non-professionnels à un contrat de vente ne seront pas certains d’obtenir du juge une condamnation sur le terrain des vices cachés et ceci dans la mesure où les juges semblent réticent à entrer en voix de condamnation quand les parties sont exclusivement non professionnelles. Par contre, si le vendeur au contrat est un professionnel, alors la jurisprudence constante en la matière admet largement qu’il existe une présomption selon laquelle de par sa qualité, il ne peut ignorer au moment de la vente, le vice affectant la chose vendue.

Enfin, si le vendeur est un particulier face à un professionnel, alors c’est à l’acheteur de prouver qu’il ne pouvait ne pas savoir que la chose vendue présentait un défaut de nature à la rendre impropre à l’usage que voulait en faire l’acheteur. Ce dernier point est intéressant, car la charge de la preuve glisse de manière automatique sur le demandeur, ceci entrant dans un souci constant de protection des particuliers autrement appelés « parties faibles » au contrat.

Il faut noter qu’avec le temps, les clauses de non garantie des vices cachés se sont développées dans les actes de vente. Clause contestable que devrait refuser tout acheteur dans la mesure où il semble complexe d’apprécier la conformité de la chose vendue à son projet et cela au moment de la vente. Toutefois l’application de ces clauses est de plus en plus écartée par les juges qui ont dû faire face à la multiplication des actions d’acheteurs victimes d’un préjudice résidant en la découverte d’un vice caché postérieurement à la conclusion de la vente de la chose.

La jurisprudence de la Cour de cassation est constante en la matière. Toutefois, un arrêt rendu par la 3ème chambre civile le 29 juin 2017 est venu durcir le positionnement de la Haute Cour notamment à l’égard des vendeurs non professionnels.

En l’espèce, un propriétaire avait vendu à une SCI, le rez-de-chaussée d’un immeuble, où avait été exploité un garage automobile par ses soins et son propre père précédemment. Au moment de la vente, la SCI avait exprimé dans l’acte l’intention d’affecter ce bien à l’habitation. L’acte comportait une clause de non garantie des vices cachés. Après une expertise attestant la présence dans le sous-sol d’hydrocarbures et de métaux lourds provenant de cuves enterrées et rendant la dépollution nécessaire, la SCI décidait d’assigner le vendeur en garantie des vices cachés et indemnisation de son préjudice.

Dans cette affaire, la Cour de cassation précise que les juges du fonds ont à bon droit retenu qu’en sa qualité de dernier exploitant du garage précédemment tenu par son père, le propriétaire ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux et que l’existence des cuves enterrées qui se sont révélées fuyardes n’a été révélée à l’acquéreur que postérieurement à la vente, ainsi le vendeur ne peut pas se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés, appréciant souverainement la portée du rapport d’expertise.

Si la troisième chambre fait application de la garantie des vices cachés de manière classique, il faut souligner qu’elle intensifie son positionnement en ce qui concerne les vendeurs non professionnels.

En effet, il résulte de cette affaire que la charge de la preuve pesant sur la SCI a été visiblement extrêmement aisée à apporter, car les juges apprécient une simple supposition en une affirmation définitive. Ceci ayant permis d’écarter l’application de la clause de non garantie des vices cachés telle qu’était prévue au contrat.

C’est comme si une « présomption de culpabilité » appliquée à la matière civile avait été retenue du seul fait de l’historique personnel du vendeur particulier et son statut de dernier occupant. Ce dernier ayant exploité le garage qu’avait exploité auparavant son père est considéré comme étant forcément informé de l’existence des cuves constitutives du vice caché.

Or, rien ne permet de déterminer avec certitude qu’il était en réalité informé de l’existence de ces installations souterraines. Il est tout à fait plausible d’imaginer que celles-ci aient été installées par son père lorsqu’il était exploitant du garage, sans qu’il en ait informé son successeur.

En tout état de cause, deux problématiques se posent dans ce cas d’espèce :
- De simples suppositions semblent désormais être suffisantes à la constitution d’une preuve tangible et recevable ;
- La Cour de cassation rejette un pourvoi en analysant non pas l’application du droit mais l’appréciation purement subjective des faits réalisée par les juges du fonds, et cela en se rabattant sur « la portée du rapport d’expertise ».

Ainsi, sommes-nous en présence d’un cas d’espèce particulièrement sévère et discutable, ou face à une évolution drastique de la position de la Cour de cassation à l’égard des vendeurs non professionnels en matière de vices cachés ?

Alexandre Peron Legal Counsel