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Les formes contractuelles de l’innovation technologique. Par François Campagnolla, Juriste.
Parution : vendredi 21 juillet 2017
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Si la récente réforme du droit français des contrats devait se traduire par un coup d’arrêt donné au développement des contrats spéciaux, cela ne signifie pas pour autant que certaines spécificités contractuelles ne continuent pas de requérir des traitements ad hoc. C’est probablement le cas des contrats d’innovation technologique en raison des spécificités techniques du domaine, d’un dimensionnement international souvent marqué et en raison de l’hétérogénéité des droits s’y rapportant. Sans aller jusqu’à prétendre y déceler les éléments d’un droit spécial, il est néanmoins probable que les caractéristiques de la matière méritent un traitement spécial.

Dans ce cadre, il apparaît tout d’abord que le domaine de l’innovation technologique ne se limite pas au domaine du droit des brevets. Si ces derniers en constituent en effet l’assise institutionnalisée, une grande partie de l’activité d’innovation technologique échappe en pratique au droit des brevets. Il en est, d’une part, ainsi parce que le droit des brevets ne prend pas en compte le domaine du savoir-faire. Il en est ainsi, d’autre part, parce que les transferts de technologie sont souvent des transferts d’environnement industriel qui vont bien au-delà de leurs constituants strictement technologiques.

L’ensemble de ces facteurs contribue donc à l’éclosion, en matière d’innovation technologique, de deux manifestations contractuelles principales qui sont les formes contractuelles classiques de l’innovation technologique, d’une part, et les formes contractuelles complexes de l’innovation technologique, d’autre part. Les premières recouvrent des contrats de facture classique auxquels le domaine spécifique de l’innovation technologique n’apporte que des variantes. Dans le second cas, le droit des contrats s’enrichit de pratiques juridiques protéiformes qui en modifient profondément l’aspect comme les régimes.

I) Les formes contractuelles classiques de l’innovation technologique

Pour une large part, les formes contractuelles de l’innovation technologique épouse les formes classiques du droit des contrats. Elles obéissent donc tout d’abord aux règles du droit commun des contrats. On les retrouve ensuite en bonne position dans certaines catégories de contrats comme les contrats de travail et les contrats commerciaux. Dans ces deux derniers cas, les équilibres contractuels varient toutefois fortement en fonction des systèmes juridiques nationaux.

En droit du travail, les règles contractuelles de l’innovation technologique avantagent tantôt l’employeur tantôt le salarié inventeur selon le droit national applicable. En droit commercial, les règles contractuelles applicables au domaine de l’innovation technologique se démarquent de manière plus structurelle en raison du particularisme de la matière qui tient très largement au caractère immatériel du bien en question. De ce point de vue, il y faut donc un effort particulier d’adaptation du droit des contrats, notamment lorsqu’il est question de savoir-faire.

1) Innovation technologique et contrat de travail

Il découle des caractéristiques de l’innovation technologique un certain nombre de spécificités qui modifient de façon substantielle l’économie juridique des contrats de travail. Dans son rapport de septembre 2015 sur la transformation numérique et la vie au travail, B. Mettling considère qu’il résulte de la révolution numérique un changement de paradigme nécessitant d’adapter le contrat de travail aux nouvelles réalités numériques de l’entreprise. Il en évoque les raisons en citant les perspectives de développement du travail à distance, les possibilités nouvelles de connexion permanente, l’intensification numérique de la charge de travail ainsi que les bouleversements de la relation de travail notamment dans sa dimension hiérarchique.

Sans rentrer dans le détail de chacun de ces éléments, il est possible d’évoquer dans ce dernier cas les pressions qui en résultent sur la notion même de lien de subordination. En la matière, la révolution numérique n’est pas seule en cause puisque des formes non Fordiste d’organisation du travail lui préexistent sous la forme notamment du management de projet. En dématérialisant les formes de subordination et de contrôle, la révolution numérique en bouleverse néanmoins radicalement l’économie. Il en est notamment ainsi lorsqu’à l’obligation classique de moyens du salarié vient se substituer, pour une même activité, l’obligation de résultat du prestataire. Certains y voient les prémisses d’une disparition du salariat comme forme juridique dominante tandis que d’autres y recherchent des liens de subordination sous de nouvelles formes en vue de la requalification du contrat de prestation en contrat de travail.

Au croisement du contrat de travail et de l’innovation technologique, les systèmes juridiques nationaux divergent également concernant le régime juridique des inventions réalisées par les salariés. Le droit britannique accorde ainsi le droit de brevet à l’employeur lorsque l’invention est le fait du salarié en exécution de ses devoirs normaux. A l’opposé du modèle britannique, le système allemand est plus favorable au salarié en ce qu’il lui attribue ab initio les droits de propriété de l’invention sauf s’il s’agit d’une invention de service faisant l’objet d’une déclaration spéciale de l’employeur et d’une rémunération ad hoc du salarié.

En cas d’invention réalisée par plusieurs personnes, il existe également une distinction entre les systèmes juridiques européen et américain pour l’acquisition du titre de propriété sur le brevet d’invention. En Europe, le droit de propriété sur le brevet d’invention est octroyé à celui qui dépose en premier la demande de brevet. Aux États-Unis, le droit de brevet appartient non pas au premier breveteur mais au premier inventeur. Ce dernier est celui qui démontre avoir été le premier à concevoir l’invention et à en faire une application pratique. Dans le premier cas, la solution européenne a le mérite d’apporter une plus grande sécurité juridique aux contractants du breveteur là où le système américain cherche plutôt, en amont, à protéger l’inventeur exploitant déjà commercialement le brevet en question.

La situation française est, quant à elle, régie par l’article L. 611-17 du Code de la propriété intellectuelle. Trois cas de figure s’y présentent. Dans le premier cas, « les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur » qui doit alors déposer le brevet dans un délai de 2 mois. Dans le second cas, « toutes les autres inventions appartiennent au salarié » qui doit en informer immédiatement son employeur.

Le troisième cas de figure est intermédiaire en ce qu’il autorise, moyennant rémunération spéciale du salarié, l’employeur à « se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet ». Il en est ainsi lorsque l’invention du salarié est faite « soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques et des moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle ». Pour les logiciels et les bases de données, l’article L. 113-9 dispose toutefois que « sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer ».

Au-delà, la question s’est également trouvée posée de l’interprétation qu’il convenait de faire de l’article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « la cession globale des œuvres futures est nulle » lorsque l’auteur est salarié. Pour éviter d’avoir à renégocier le contrat de travail à chaque nouvelle œuvre, il semble que la jurisprudence en a aujourd’hui une interprétation relativement souple. Ainsi en est-il lorsque sont respectées les règles applicables respectivement aux contrats sur les œuvres de l’esprit, à la claire identification des œuvres faisant l’objet du contrat et au prix de cession. Le paiement d’une somme proportionnelle au chiffre d’affaires généré par la vente ou l’exploitation de l’œuvre fait en outre l’objet d’un article L. 131-4 al. 1er du Code la propriété intellectuelle qui prévoit un certain nombre de cas où l’évaluation peut être forfaitaire lorsqu’il y a difficulté pratique à bien déterminer les bases de calcul du prix.

Dans le système juridique français, l’inventeur-salarié du secteur public est enfin régi par des règles spéciales quelle que soit la situation juridique contractuelle ou statutaire du salarié. Il résulte ainsi de deux arrêts du Conseil d’État du 14 mars 1958 et du 12 novembre 1972 le principe selon lequel l’administration est titulaire des droits tant patrimoniaux que moraux sur les œuvres créées. Il en est ainsi dans le premier cas en raison du faible poids reconnu à l’apport de l’auteur de l’œuvre au regard des moyens apportés par l’administration et, dans le second cas, au titre des nécessités du service public.

Par la suite toutefois, la loi du 1er août 2006 a élargi aux agents de l’État le champ d’application de l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Celui-ci dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimoniaux… L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage ou de service… n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu… Il n’est pas non plus dérogé… lorsque l’auteur de l’œuvre de l’esprit est un agent de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France… ».

Cette apparence de libéralisation du régime est néanmoins trompeuse dans la mesure où l’article 121-7-1 du même code en réduit considérablement la portée en introduisant un statut dérogatoire de l’agent public en droit français de la propriété intellectuelle. C’est tout particulièrement le cas pour les droits moraux de divulgation, de modification ou de rétractation qui restent à la discrétion de l’administration lorsque l’œuvre procède du contrôle de l’administration. C’est moins le cas en matière patrimoniale dans la mesure où la cession de plein droit à l’administration des droits sur l’œuvre est limitée par l’article L 131-3-1 aux seules situations d’« accomplissement d’une mission de service public ». Dans les autres cas, l’État dispose d’un simple droit de préférence sur l’exploitation commerciale de l’œuvre dont les modalités restent toutefois encore assez floues.

2) Innovation technologique et actes de commerce

Les contrats de cession de brevet et de licence obéissent à un certain nombre de règles dont certaines relèvent du droit commun des contrats et d’autres sont spécifiques au domaine de l’innovation technologique. La cession de brevet renvoie ainsi très largement au droit commun des contrats lorsqu’il s’agit d’en segmenter les phases et d’en déterminer les effets. Relèvent ainsi du droit commun les questions relatives à validité de l’objet du contrat et au régime du précontrat. Il résulte également du droit commun que le cédant est tenu de la garantie juridique du brevet, que le contrat de cession ne peut porter que sur une invention brevetée et que le brevet expiré ou déchu ne peut plus être contractualisé. De la même manière, la cession peut porter sur tout ou partie du brevet. Par extension, la cession peut également porter sur la demande de brevet et devient alors effective avec la validation du brevet. De même, il peut y avoir apport du brevet en société en pleine propriété comme en jouissance.

Les effets de l’acte de cession sont également régis par les règles du droit commun de la vente : 1) obligation d’un écrit spécifique à peine de nullité relative de la cession soulevée d’office par le juge 2) obligation de délivrance du cédant assortie d’une obligation de garantie contre les vices cachés et contre l’éviction 3) obligation d’en payer le prix à peine de nullité du contrat sous réserve du recours aux règles relatives aux actes gratuits 4) possibilité de clause résolutoire et de résolution du contrat avec restitution du prix lorsque l’une ou l’autre partie n’exécute pas ses obligations ou au titre des garanties de vice caché et d’éviction. De la même manière, pour être opposable aux tiers, la cession doit faire l’objet d’une publicité prenant la forme d’une inscription au Registre national des brevets (RNB). Cette obligation vaut également quand la cession se fait à l’étranger. Enfin, le prix peut être forfaitaire, progressif, proportionnel au chiffre d’affaires escompté et faire l’objet d’une clause mobile d’indexation.

Au-delà des règles de droit commun des contrats, un certain nombre de règles sont issues du droit de la propriété intellectuelle. La première de ces règles est d’ordre étymologique et renvoie aux spécificités des dénominations en droit des biens incorporels. Pour bien marquer le particularisme du domaine, on substitue en effet le terme de cession à celui de vente et le terme de licence à celui de louage. Des règles spécifiques régissent également les régimes de la publicité de la cession, des obligations d’exploitation du cessionnaire et des droits dérivés de la cession. En tant que branche du droit de la propriété intellectuelle, le droit des brevets exclut enfin de la cession le droit moral de l’inventeur au nom et aux récompenses.

Des règles spécifiques régissent également le domaine des droits transférés. Ainsi, si le contrat de cession de brevet procède, en tant que tel, du droit commun des transferts de propriété, il existe deux règles spécifiques concernant le transfert au cessionnaire de l’action en contrefaçon. Elles sont relatives, d’une part, aux actes postérieurs et, d’autre part, lorsque le contrat l’énonce pour des actes antérieurs. Enfin, la cession de brevet pose dans des termes spécifiques la question du statut du perfectionnement de l’invention cédée ainsi que celle de savoir jusqu’où va la cession de l’invention. Ici, on oppose généralement le perfectionnement technique au perfectionnement commercial. Dans le premier cas, la limite de la cession de la connaissance technologique est celle à partir de laquelle le perfectionnement est lui-même brevetable. Dans le second cas, il y a limite lorsqu’il peut en résulter une concurrence effective.

Sont enfin très spécifiques les règles relatives au statut juridique du savoir-faire. Le savoir-faire technologique constitue un des principaux vecteurs de l’innovation technologique et est pleinement constitutif d’un éventuel droit de l’innovation technologique. Concernant ces spécificités, la première est que le droit des brevets est une protection juridique de l’innovation technologique fondée sur la communication des attributs de cette innovation alors que la protection juridique du savoir-faire technologique procède des règles régissant le domaine du secret s’y rapportant. Pour en faire valoir le principe, il est par ailleurs nécessaire que des précautions particulières de protection du secret soient préalablement prises par le titulaire des droits. En outre, la connaissance du savoir-faire se distingue de la connaissance de brevet en ce qu’elle est juridiquement dispensée du prérequis de l’activité inventive.

En matière contractuelle, le contrat de savoir-faire doit avoir un objet certain et est soumis aux obligations de communication, de paiement du prix et de garantie. Au-delà, les spécificités du domaine tiennent à ce que sa cession se fait sous la forme d’un contrat de communication de savoir-faire qui est un contrat peu réglementé laissant donc une grande liberté aux parties. Ainsi en est-il des questions de forme et de l’absence de formalités de publicité vis-à-vis des tiers. Le contrat de communication de savoir-faire régit également les conditions relatives au perfectionnement du savoir-faire en question. Enfin, la difficulté spécifique du droit applicable réside dans l’encadrement juridique du secret qui entoure l’institution du savoir-faire. La conclusion du contrat présuppose en effet, en pratique, un minimum de divulgation du secret auprès du cocontractant.

En matière de louage de bien, la licence de brevet est un contrat de jouissance de droits qui n’emporte pas transfert du droit de propriété sur le brevet. Il s’agit d’un contrat de louage rentrant dans la catégorie du contrat sur les choses. Il emporte exploitation du droit de propriété du licencié moyennant contrepartie financière. Tout comme pour le brevet, le domaine de la licence est incorporel. Aussi, contrairement au régime du bien corporel dominé par le principe de l’exclusivité des droits, les opérations portant sur le brevet et le savoir-faire sont matériellement non limitées et peuvent donc être le fait simultané de personnes distinctes en des lieux également distincts.

Dans ce cadre, la licence de brevet ne peut être assimilée à un bail corporel marqué du sceau de l’exclusivité. Il en résulte que la licence juridique non-exclusive peut faire l’objet de contrats de licence distincts par rapport au même objet. Il en résulte également que les garanties d’éviction et de non-concurrence ne peuvent, ici, procéder sans ajustement des règles des articles 1719 et suivants du Code civil. Parce que la renonciation à un droit ne se présume pas, il est en effet possible pour le donneur de licence de concurrencer son propre licencié sauf clause contraire au contrat. A cet égard, le licencié n’est donc pas le titulaire exclusif de l’exploitation au sens de l’article L. 615-2 al. 2 du Code de la propriété intellectuelle. Enfin, le recours à la bonne foi contractuelle du licencié exclusif peut se voir ici opposé le fait que la licence exclusive vise moins l’interdiction de conclure d’autres contrats de licence que d’assurer l’exclusivité de l’exploitation du brevet.

Pour clore, il existe enfin en matière de licence de brevet et plus encore en matière de communication de savoir-faire des distorsions qui sont sources d’incertitude et d’insécurité juridiques. La réalité pratique de l’innovation est en effet perpétuellement appelée à se renouveler sous la pression de l’évolution des techniques, qu’elles soient brevetées ou non. De ce point de vue, il en résulte donc une contradiction entre, d’une part, les dynamiques technologiques du perfectionnement permanent de l’objet du contrat et, d’autre part, les règles de durabilité inscrites aux contrats de vente et de louage. La conséquence en est la nécessité d’une délimitation très précise de l’objet contractuel.

Deux questions peuvent notamment en découler qui sont, d’une part, de savoir si l’exploitation des perfectionnements affectant l’activité du licencié est couverte par la garantie d’éviction et, d’autre part, concernant le statut juridique des perfectionnements apportés par le licencié à l’objet exploité. Il s’agit ici de savoir jusqu’où le contrat de connaissance prive la connaissance en question de l’activité inventive et de la nouveauté ultérieures. A cette difficulté juridique vient enfin se greffer celle tenant au fait qu’en pratique la licence sèche est rare parce qu’une technologie faisant l’objet d’un contrat incorpore souvent brevet et savoir-faire non breveté. C’est tout particulièrement le cas en matière de transferts de technologie. En l’absence de précision contractuelle ad hoc, il revient alors au juge de dégager au sein des contrats mixtes les parts respectives imputables au brevet et au savoir-faire.

II) Les formes contractuelles complexes de l’innovation technologique

Au-delà des formes contractuelles classiques, le domaine de l’innovation technologique est celui du contrat complexe. Il en est ainsi en raison tout d’abord de la complexité matérielle et technique de l’objet des contrats qui déjà perceptible dans les contrats informatiques et numériques. Il en est également ainsi juridiquement en raison de la complexité même des mécanismes contractuels à l’œuvre comme c’est le cas dans les contrats d’ingénierie et de transferts de technologie.

Dans ces deux derniers cas, l’objet du contrat ne porte en effet pas seulement sur l’innovation technologique prise comme telle mais intègre les conditionnements voire les environnements industriels ayant permis l’éclosion de cette technologie afin d’assurer sa reproductibilité dans les meilleures conditions possibles. Il peut donc en résulter un périmètre contractuel particulièrement étendue et difficilement intégrable en un seul acte. La conséquence en est la formation de nébuleuses contractuelles dont il est parfois difficile d’assurer la cohérence juridique. A cela s’ajoute la complexité susceptible de résulter de l’insertion fréquente d’éléments d’extranéité dans l’ensemble contractuel.

1) Les spécificités du contrat numérique

A deux exceptions près, malgré les spécificités technologiques de la matière, il n’existe pas en droit français de catégorie spéciale des contrats informatiques. Ces deux exceptions sont l’introduction par la loi du 10 mai 1994 du contrat de nantissement de logiciel à l’article L. 132-34 du Code de la propriété intellectuelle, d’une part, ainsi que les possibilités offerte par l’article 1125 et suivants du code civil nouveau, d’autre part. Pour ce qui est des avant-contrats, l’article 1125 dispose en effet notamment que « la voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services ». De leur côté, les articles 1127-4 et 1127-5 précisent les règles applicables aux contrats passés en la forme électronique.

En dehors de ces deux cas, le contrat électronique n’est donc pas une qualification juridique à proprement parler mais une simple dénomination contractuelle par l’objet dont le régime renvoie au droit commun des contrats. Il s’agit enfin de contrats semi-complexes dont la complexité est surtout due aux combinaisons contractuelles possibles auxquelles ils peuvent donner lieu du fait de la complexité matérielle de la prestation informatique. Concernant leurs spécifications, la substance de ces contrats est tout d’abord davantage intellectuelle que corporelle. Par ailleurs, l’essentiel de ces contrats concernent la mise en œuvre d’une technologie informatique dans le cadre de contrats de prestation de services et de sous-traitance conclus le plus souvent entre professionnels.

Pour répondre à l’ensemble de ces spécificités, le développement du contrat numérique s’est accompagné d’une adaptation des règles de droit commun notamment pour tout ce qui touchent l’obligation d’information et de conseil, la garantie légale, l’abus de dépendance économique voire, en amont, l’abus de position dominante et, à l’aval, le domaine de la responsabilité. S’ajoutent à ces spécificités récurrentes les questions du statut juridique de la maintenance et de la nature juridique du contrat lorsque celui-ci associe des opérations aussi variées que la fourniture de logiciels, de progiciels, de matériels, de formations, d’accompagnement technologique et de maintenance. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la question peut enfin légitimement se poser de savoir si le contrat numérique est un contrat de vente ou de louage d’ouvrage, d’adaptation d’un logiciel existant ou encore d’entreprise comme dans le cas des contrats clés en main ou groupés. Ces diverses opérations en chaîne peuvent alors donner lieu à des contrats distincts avec des prestataires distincts ou se trouver regrouper en ensembles ou sous-ensembles.

Dans ce cadre, le contrat numérique est une forme élaborée de contrat informatique à caractère totalement immatériel. Il s’agit tout d’abord de contrats en la simple forme électronique qui couvent les domaines de l’offre électronique de l’article 1127-1 du nouveau Code civil et des obligations précontractuelles d’information de l’article L. 121-18 du Code de la consommation. De même, concerne-t-il les domaines de l’acceptation électronique de l’article 1127-2, du droit de rétractation électronique de l’article L 121-21 du Code de la consommation ainsi que les articles relatifs aux statuts de l’écrit, de la preuve électroniques, de la signature électronique et au paiement électronique. Se rattachent également au domaine du contrat numérique les contrats d’infogérance de prestation informatique, de traitement des données à distance, d’accès à internet, d’hébergement de site Web comme de stockage, sauvegarde et d’archivage de données numériques. S’y rattache enfin toute la catégorie des contrats de créations et d’exploitation multimédias et d’activités interactives.

Pour ce qui le concerne, le contrat de logiciel mixte l’immatériel et le matériel, le standard et le sur mesure ainsi que le principal et l’accessoire. Il est également souvent un contrat inégal qui se traduit par une forte dépendance technique et, partant de là, économique du client à l’égard du fournisseur. Trois contrats dominent la matière très spécifique du logiciel : le contrat sur logiciel premier, le contrat portant adaptation d’un logiciel préexistant et le contrat de progiciel. Dans les deux premiers cas, il s’agit de logiciels développés spécifiquement pour un client tandis que le progiciel est un logiciel préexistant à toute commande contractuelle. Dans les trois cas, il s’agit de bien déterminer s’il s’agit d’un contrat de vente ou d’un contrat de louage. Il convient également d’y rechercher l’existence ou non d’un droit de propriété intellectuelle en vue de la qualification. De ce point de vue, tout en étant commercialisable, le progiciel dénué de toute originalité ne peut être ni vendu ni loué.

2) L’économie générale des contrats d’ingénierie et de transferts de technologie

Les contrats d’ingénierie et de transferts de technologie sont, par nature, imprégnés des spécificités de l’innovation technologique qui les constituent. A cet égard, l’ingénierie est une forme d’organisation de la connaissance technologique ayant vocation à générer de l’innovation. En général, il s’agit d’un contrat d’entreprise par lequel le contractant s’engage contre rémunération à réaliser un travail intellectuel pour autrui. Il s’agit donc d’un contrat de service liant un maître d’œuvre à un maître d’ouvrage en vue de la réalisation d’une prestation intellectuelle à caractère scientifique et technique. Concernant sa structure, le contrat d’ingénierie est un contrat conclu le plus souvent intuitu personae parce que liant des hommes de l’art dûment choisis par le maître d’ouvrage.

Il peut s’agir de contrats juridiquement complexes lorsqu’ils débordent du seul domaine de la technologie pour embrasser des savoirs industriels comprenant également du commercial, de la finance et de la gestion. Dans le prolongement, le contrat d’ingénierie peut aussi donner lieu à des obligations contractuelles non exclusivement intellectuelles comme la réalisation, la construction et la gestion d’ouvrages matériels associés. Dans ce cas, il acquiert une qualification sui generis marquée par l’hétérogénéité de ses éléments constitutifs. En s’appuyant notamment sur la notion d’interdépendance contractuelle, la jurisprudence française reconnaît ainsi aujourd’hui, notamment en matière informatique, le caractère sui generis de ce type de contrat complexe.

Au-delà du strict contrat d’ingénierie, le contrat de transferts de technologies est un contrat complexe de transmission de savoirs technologiques qui se caractérise souvent par un élément d’extranéité. Sur le fondement de l’article 101, § 3 TFUE dont la France est Partie, le Règlement européen du 21 mars 2014 le définit comme étant soit un accord de concession de licence de droits sur technologie soit, à l’inverse, un accord de cession de droits sur technologie lorsque « le cédant continue de supporter une partie du risque lié à l’exploitation de la technologie ». En pratique, le contrat de transfert de technologie est souvent un contrat international complexe parce que son objet est la cession de brevet ou de licence augmentée de clauses d’assistance technique et de service. Il en est tout particulièrement ainsi lorsqu’il s’agit d’un contrat international où la technologie transférée n’est pas neutre parce qu’embrassant un domaine qui va au-delà de la recherche de simple reproductibilité du bien au coût défini.

La greffe technologique qu’implique le transfert de technologie requiert en effet le plus souvent le transfert d’une partie de l’environnement industriel dans lequel a éclos l’innovation technologique en question. Il en résulte donc un surcroît de complexités qui n’est pas seulement technique au sens strict du terme mais bien industriel au sens plein du terme. La démarche contractuelle y intègre alors le transfert d’une partie des conditions de réalisation de l’innovation technologique y compris dans ses dimensions organisationnelles et managériales. En conséquence, le périmètre de l’accord embrasse non seulement le transfert du savoir technologique stricto sensu mais, de plus en plus aujourd’hui, la maîtrise technique et industrielle globale que requiert l’innovation technologique en question. Le transfert est alors en même temps celui d’une technologie stricto sensu et d’un savoir-faire plus général breveté ou non.

Dans ce cadre, le régime des contrats respectivement d’ingénierie et de transferts de technologie obéit à des règles communes tant pour ce qui est de leur formation que pour ce qui est de leur exécution. En amont, deux catégories de contrats s’opposent qui sont les contrats de gré à gré et les contrats sur appel d’offres. Le contrat de gré à gré offre cette particularité que l’intuitu personae en est dès le départ une composante essentielle. Le futur maître d’ouvrage s’adresse en effet ici à un maître d’œuvre qu’il connaît ou dont il connaît la réputation. Il s’agit d’une forme contractuelle très usitée pour les petits contrats mais qui peut également être utilisée pour la passation de contrats importants. La caractéristique principale en est que la négociation y est davantage libre et flexible que dans les contrats par appel d’offres. La contrepartie en est que le coût y est davantage conséquent parce qu’il n’y a pas de mise en concurrence.

Le marché sur appel d’offres est l’autre forme contractuelle que prennent les contrats d’ingénierie et de transferts de technologie. Il s’agit de la forme contractuelle dominante notamment dans le cadre de partenariat public-privé ou lorsqu’une personne publique nationale ou internationale comme la Banque mondiale y est engagée. Compte tenu de la concurrence qu’il introduit dès le départ entre les offres concurrentes, il s’agit a priori d’un contrat moins onéreux qu’un contrat de gré à gré. Ceci étant, l’appel d’offres peut être plus ou moins ouvert à la concurrence. Dans ce cas, il peut s’accompagner d’une procédure de pré-sélection des candidats concurrents. Ceux-ci sont soit des consortiums pour les gros contrats soit des simples sociétés faisant appel à la sous-traitance. Par contre, ce type de contrat impose aux soumissionnaires des frais d’études et de réponse à l’appel d’offres qui peuvent être élevés pour un résultat incertain. La question est donc de savoir comment ils se répercutent sur le prix. Dans ce cadre, l’appel d’offres comporte un cahier des charges très souvent très détaillé et rédigé avec l’aide d’experts qui donne lieu à une double proposition à caractère technique et industriel, d’une part, et financière et commerciale, d’autre part. Pour les grands projets d’infrastructure, la pression politique n’est enfin souvent pas absente.

Une forme particulière dite américaine d’appel d’offre existe également aujourd’hui dont la caractéristique est la faible part qu’elle donne, respectivement, à l’intuitu personae du contrat et à l’approche globale du projet en raison des caractéristiques des trois stades de l’appel d’offres qu’elle requiert. Le premier stade est consacré à la définition du projet, le second est d’ordre technique et le troisième en vue de sa réalisation. Peuvent venir s’y greffer des appels d’offres collatéraux spécifiques à la fourniture de biens d’équipement ou pour l’exécution de certains travaux d’infrastructure. Il en résulte donc une segmentation du marché de projet en autant de composantes qu’il y a d’appel d’offres au détriment d’une approche globale et interactive. Une fois le soumissionnaire sélectionné, commence alors la phase de négociation du contrat définitif.

3) Les éléments constitutifs des contrats d’ingénierie et de transferts de technologie

La négociation d’un contrat d’ingénierie ou de transferts de technologie est une opération complexe au cours de laquelle l’objectif est d’anticiper l’essentiel des difficultés susceptibles d’apparaître au cours d’une réalisation qui peut être longue. Comme pour tout contrat, la négociation doit être menée de bonne foi au risque d’une mise en cause des responsabilités délictuelle ou quasi délictuelle pour faute. En la matière, il y a par exemple faute lorsqu’on engage des négociations sans avoir l’intention de les voir aboutir ou encore lorsqu’on les rompt brutalement sans raison sérieuse après avoir fait naître de vains espoirs et occasionné des frais chez le co-contractant. Les négociateurs doivent donc faire preuve de prudence.

A ce stade, la pratique est souvent de négocier un premier contrat couvrant la négociation du contrat définitif. Trois types de contrats peuvent en découler pour un même projet : le contrat préparatoire avec clauses d’exclusivité, de confidentialité et de délai, un éventuel contrat de recherche ou d’expérimentation et, enfin, le contrat définitif. Le deuxième type de contrat peut par exemple déboucher sur la réalisation d’un prototype afin de s’assurer de la pleine faisabilité technique du projet en question. Puis, vient le temps de la signature du contrat définitif qui peut avoir nécessité plusieurs années de négociation et dont le contenu précise de manière souvent très détaillée les obligations des parties.

Ces éléments contractuels peuvent en outre prendre la forme d’un contrat principal portant sur l’objet même de la réalisation auquel sont annexés une nébuleuses de contrats périphériques de sous-traitance ou de mise en œuvre portant sur le financement, l’assistance technique, le management, la fourniture de matériels, le transfert de procédé technique additionnel, les licences de marque, etc. De la même manière existent des contrats d’ensemblier par lequel un maître d’ouvrage confie à un seul maître d’oeuvre la gestion de l’ensemble des opérations et des contrats relatifs à la réalisation du projet pris dans sa globalité. C’est souvent le cas dans les contrats dits clés en mains lorsque la mission se limite à livrer les équipements nécessaires, ou dits produits en mains lorsque l’ensemblier est également en charge de la production du produit final recherché ou encore dans les contrats dits commercialisation en mains lorsque s’y rajoute un apport en financement.

Dans sa structure, le contrat définitif est généralement doté d’un préambule suivi du corps du texte auxquels sont souvent annexés un lexique des termes techniques ainsi que de nombreuses annexes pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers de pages comme dans le cas du contrat de construction de l’EPR entre Areva et la Finlande qui fait quelque 100 000 pages. Le corps du texte est composé d’une très grande variété de clauses. Il s’agit notamment des clauses de livraisons des biens et des prestations, d’une part, et de fixation, de révision et de paiement des prix afférents, d’autre part. Il s’agit des clauses relatives aux modalités de la coopération, de communication, de transparence et de confidentialité. Il s’agit des différentes clauses de garantie, de sauvegarde, de réaménagement contractuel, de définition des évènements de force majeure afférents et de limitation des responsabilités. Il s’agit des clauses d’entrée en vigueur du contrat, de fin du contrat, de révision et de résiliation. Il s’agit des clauses fixant les ordres de préséance normative en cas de contradiction entre les différentes clauses contractuelles et, surtout, entre les différents contrats périphériques possibles. Il s’agit enfin de l’ensemble des clauses compromissoires précisant les juridictions compétentes, les conditions d’un recours éventuel à l’arbitrage ainsi que relatives aux lois nationales applicables

Viennent s’y ajouter des documents spécifiques externes comme les lettres d’intention, les protocoles d’accord, les Memorandum of Understanding (MOU) ainsi que l’ensemble des avenants possibles au contrat principal comme aux contrats périphériques. En droit interne, la lettre d’intention peut être une sûreté personnelle ou une lettre précisant par exemple le lien juridique existant entre une maison mère et sa filiale contractante. A l’international, la lettre d’intention est une forme de MOU. Le protocole d’accord est, quant à lui, soit un simple accord de principe avec effet obligatoire, soit un accord-cadre sur lequel vient se greffer une cascade de contrats rattaché soit, enfin, un simple récapitulatif des concessions réciproques faites durant la phase de négociation. Le MOU est enfin un accord préliminaire non générateur d’engagements sinon celui de négocier de bonne foi sans obligation d’aboutir. Sa durée de vie est en outre contractuellement limitée par une date butoir ou la survenance d’un événement.

En raison de la masse de capitaux parfois considérables que drainent les contrats d’ingénierie et de transferts de technologie, le champ contractuel de ces actes s’étend également aux domaines des modes de financement et des garanties financières. Dans le premier cas, les apports en financement sont d’origine extrêmement diverse. Les co-contractants en question sont des sujets de droit privé, des États, des collectivités territoriales ou des organisations internationales comme la Banque mondiale. Ces apports financiers donnent également lieu à la constitution de groupements juridiques ad hoc comme les pools bancaires. Ils génèrent des produits financiers spécifiques comme le capital-risque ou le crédit-bail dont le statut peut varier selon les systèmes juridiques. Dans le second cas, le système des garanties à première demande se distingue du cautionnement en ce que l’obligation du garant n’est pas inscrite dans le contrat principal et joue à première demande sauf cas d’abus ou de fraude du bénéficiaire de la garantie.

Lorsqu’il y a un élément d’extranéité, le contrat de transferts de technologie ainsi que le contrat international d’ingénierie prennent la forme de tout contrat international renvoyant à des règles particulières de compétence concernant, en cas de litige, le mode de règlement du litige, la loi nationale applicable et la juridiction compétente. Dans ce cadre, l’arbitrage y est souvent prisé lorsqu’il y a un sentiment de carence de la justice étatique ainsi que pour transcender les particularismes juridiques et culturels locaux. Les règles qui s’y appliquent sont aussi, par nature, plus libérales à l’international qu’en droit interne où le recours est souvent très encadré sinon limité. En droit français, il fallu aussi attendre la loi du 5 juillet 1972 pour voir remis en cause le contenu de l’article 2061 du Code civil qui posait jusqu’alors le principe de la nullité de la clause compromissoire sauf s’il n’en était disposé autrement par la loi. Il fallut également attendre la loi du 15 mai 2001 pour voir admettre le principe de la validité de la clause compromissoire dans tous les contrats conclu à raison d’une activité professionnelle.

Au-delà des questions de compétences, l’élément d’extranéité au contrat renvoie à celles des règles nationales applicables. En l’absence d’une Lex mercatoria constitutive d’un ordre juridique autonome et malgré sa prémisse que constituent les Principes de l’UNIDROIT, la règle applicable est donc la loi nationale. Concernant sa détermination, la pratique juridique internationale a dégagé de longue date le principe de la loi d’autonomie sous réserve des règles locales d’ordre public dont le contenu est très variable, notamment en cas de transferts de maîtrise industrielle. Ce principe vaut également aujourd’hui concernant les contrats d’État.
Il en résulte que les parties au contrat y précisent contractuellement les lois auxquelles elles entendent soumettre leurs litiges.

En cas de silence des parties, le juge a à en rechercher leur intention à travers un certain nombre d’indices. Pour ce qui est de l’Union européenne, le règlement du Conseil du 17 juin 2008 dit Rome I dégage un certain nombre de solutions en la matière. Son article 4 - 1 établit tout d’abord, pour les contrats les plus courants, une liste de rattachements simples. En cas de non-rattachement possible ou de pluralité des rattachements, la loi compétente définie est pour l’article 4 - 2 celle de la résidence habituelle du débiteur de la prestation et, à défaut pour l’article 4 - 4, celle du pays avec lequel le contrat en cause présente les liens les plus étroits.

François Campagnola Juriste