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Immatriculation au RCS et représentation permanente en France d’une société étrangère. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : vendredi 28 juillet 2017
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Si l’inscription est obligatoire pour les sociétés françaises, qu’en est-il pour les sociétés étrangères qui peuvent malgré tout en pratique être amenées à développer une activité sur le sol français ?

En France, le Registre du Commerce et des Sociétés a été créé par la loi du 18 mars 1919. Le décret du 9 aout 1953 qui avait pour objet d’assainir l’exercice des professions commerciales et de perfectionner la publicité, a remanié cette législation. Des refontes de la réglementation ont été effectuées par l’ordonnance du 27 décembre 1958, puis par le décret du 23 mars 1967, le décret du 30 mai 1984 et le décret du 1er février 2005.

La loi du 4 janvier 1978 avait étendu l’obligation d’immatriculation aux sociétés civiles et le registre du commerce est ainsi devenu le registre du commerce et des sociétés.

Le registre du commerce et des sociétés est organisé avec un registre local et un registre national. Le registre local est tenu par le greffier de chaque tribunal de commerce, ou du tribunal de grande instance statuant commercialement

Le registre national est tenu par l’INPI. Ce registre, qui était autrefois une simple copie des registres locaux, a été réorganisé en 1935. Il est constitué grâce à l’un des deux originaux des déclarations remises au greffier.

La procédure d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés est régie par les articles L 123-1 et suivants du Code de commerce et par les articles R 123-1 et suivants du même code.

Sous l’empire de la loi de 1919 l’inscription au registre du commerce constituait une présomption de fait de commercialité. Avec le décret du 9 août 1953 la présomption était devenue une présomption légale.

Avec l’extension du registre du commerce aux sociétés civiles, la présomption n’a plus lieu. En revanche la non-inscription emporte présomption simple de non-commercialité (article L 123-7 C com.)

L’inscription au RCS donne naissance à la personne morale et entraine l’obligation pour le dirigeant d’effectuer l’ensemble des déclarations sociales et fiscales afférant à son activité.

Si l’inscription est obligatoire pour les sociétés françaises, qu’en est-il pour les sociétés étrangères qui peuvent malgré tout en pratique être amenées à développer une activité sur le sol français ?

Un arrêt récent rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 juin 2017 est venu éclaircir le sujet et faire une application inédite de la notion de représentation permanente de la société étrangère sur le sol français ainsi qu’une appréciation nouvelle de l’activité de l’établissement concerné.

En la matière, le Code de commerce est sans ambiguïté, puisque l’article L 123-1, I-3° dispose que les sociétés étrangères ayant un établissement dans l’un des départements français doivent être inscrites au RCS auprès du greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel est ouvert l’établissement. Pour obtenir son immatriculation, l’article L 123-11, alinéa 1 dispose que la société doit alors justifier de la jouissance des locaux où elle installe l’établissement ou la représentation établie en France.

Dans l’affaire ayant amené la chambre criminelle à se prononcer, il s’agissait d’une société comorienne qui disposait d’un établissement localisé au domicile français du dirigeant, établissement qui lui permettait de commercialiser en France des maisons individuelles à construire aux Comores.

Le dirigeant, condamné pour travail dissimulé par dissimulation d’activité expliquait ne pas avoir demandé l’inscription de l’établissement auprès du RCS français dans la mesure où l’activité en France n’était qu’une activité préparatoire à la véritable activité de sa société de construction qui dès lors dégageait l’ensemble de ses profits et réalisait son activité sociale principale aux Comores.

La Cour de cassation n’a pas été sensible à son argumentaire et précise deux points :

1/ Le domicile du dirigeant constituait en l’espèce une véritable représentation permanente de la société comorienne indispensable à l’activité de construction, car sans activité commerciale préalable, aucune activité de construction n’était possible. Afin de fonder son argumentaire elle souligne que les clients de la société résidaient en France ; que les contrats étaient signés en France ; que les règlements ont été effectués en France et que l’établissement disposait au domicile du dirigeant d’une boite aux lettres distincte de la boite aux lettres du dirigeant personne physique.

2/ La notion d’activité préparatoire est écartée et cela vient consacrer un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 30 novembre 2001 ou les juges avaient retenus qu’en l’espèce le bureau de liaison installé sur le sol français était permanent, liait des rapports juridiques avec des tiers, et que cela suffisait à rendre obligatoire son immatriculation au RCS, peu important la nature de l’activité, préparatoire ou non.

La Cour de cassation vient ici durcir sa position en la matière puisque les sociétés étrangères ne semblent plus avoir beaucoup de marge de manœuvre pour exercer une activité en France sans avoir à inscrire leur établissement ou succursale au RCS et auprès des organismes sociaux et de l’administration fiscale.

Il semble que toute implantation sur le territoire français qui permettra désormais de participer à part entière à l’activité principale de la société en usant de moyens matériels tels que l’établissement permanent, la boite au lettre, l’activité juridique etc sera de nature à engager automatiquement une demande d’inscription au RCS.

Dans un contexte national où l’évasion fiscale et la fraude sont des batailles primaires à mener, il semble que le judiciaire et le législatif flirtent aux frontières de la sacro-sainte séparation des pouvoirs.

Alexandre Peron Legal Counsel
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