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Entreprises et Avocats, la politique des petits pas… . Par Sylvie Combier, Avocat.
Parution : vendredi 11 août 2017
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Les dirigeants d’entreprise sont soumis à des évolutions sociales et numériques considérables qui doivent les amener à repenser leur méthode.

De nombreuses solutions sont offertes par les avocats permettant de les accompagner dans cette transition mais peu y sont réceptifs soit car ils méconnaissent ces possibilités soit car ils restent sur des a priori négatifs quand au rapport utilité/coût de l’avocat.

Dans le même temps, les dirigeants d’entreprise ont conscience de leurs besoins croissants en matière juridique.

L’inflation des normes affecte les relations contractuelles, individuelles et collectives de travail.

Si tous espèrent une simplification de ces normes législatives promis par le nouveau gouvernement, le système législatif en matière de droit du travail continuera d’exister même a minima pour encadrer la vie professionnelle.

Il ne faut pas perdre de vue par ailleurs que si les textes législatifs sont moins nombreux ou moins complexes, des conflits persisteront et seront réglés par la voie judiciaire.

On va passer d’un droit romano germanique où le principe législatif domine vers le développement du « common law » un système anglo-saxon bâti essentiellement sur le droit jurisprudentiel marquant la prééminence des décisions des tribunaux.

Il sera donc toujours nécessaire voire d’autant plus nécessaire de pouvoir être conseillé et accompagné.

Le ratio d’avocat par habitant en France est d’ailleurs inférieur à celui des autres pays où les contraintes législatives semblent moins pesantes :

99 avocats pour 100.00 habitants en France ;
Allemagne : 100 avocats pour 100.000 habitants ;
Royaume-Uni et Italie : 150 avocats pour 100.000 habitants ;
Espagne : 230 avocats pour 100.000 habitants.

Autres chiffres plus saisissants encore…

99,8% du nombre total des entreprises en France sont constitués par des PME ;
35,5% du chiffres d’affaires est réalisé par ces structures ;
69% des PME ont recruté au moins 1 salarié dans les 6 derniers mois ;
48,3% des emplois salariés en France le sont dans les PME soit près 7 millions de salariés sur les 14 millions que compte la France.

Et pourtant …
2 PME sur 3 disent rencontrer des difficultés à recruter notamment pour 43 % d’entre elles à cause de la complexité juridique et administrative imposée par le code du travail.

Même si le nombre d’emploi salarié dans les PME en France est équivalent à celui des grands groupes, la gestion juridique et des ressources humaines est quasi inexistante alors que l’expérience collaborateur est le fer de lance des politiques sociales des prochaines années.

Tout notre écosystème économique français repose sur ces entreprises de taille modeste et pourtant elles peinent à se doter de moyens équivalents à ceux des grandes structures.

Ne devons-nous pas tous repenser notre approche ?

Le recours à une expertise juridique représente un centre de coût important pour les PME.
Il est clair également que ces PME ont une certaine défiance, réticence voire un manque de confiance envers la profession de conseil juridique.

Seul 9% des PME dispose d’un juriste en interne, les autres font le choix de délaisser cet aspect et d’attendre que le risque se réalise pour avoir recours à un avocat. Malheureusement cela signifie atteindre le point de non retour souvent bien plus coûteux pour le client.

Les PME accordent d’ailleurs plus de confiance à leur interlocuteur habituel qui est leur expert comptable, même pour des questions juridiques, qu’à un véritable expert en ce domaine, formé et aguerri.

La profession doit donc se remettre en question.

La profession d’avocat a toujours bénéficié d’une certaine noblesse et d’un certain prestige qui a pu l’éloigner des attentes de ses clients. Les professionnels du droit doivent aujourd’hui se comporter comme une entreprise commerciale se comporte avec ses clients et réfléchir aux notions de « service client », « sens du service »…

Rappelons la définition du mot « service » : ce que l’on fait pour quelqu’un.

Ce quelqu’un c’est le consommateur, en l’occurence du droit, avec des besoins urgents et moins urgents qui puissent être pris en compte malgré des contraintes budgétaires, avec le souhait de disposer d’une réponse adaptée, d’une prestation de qualité et à un prix juste.

Ces besoins et ces attentes sont clairs, légitimes et communs à chaque consommateur que nous sommes et pourtant les avocats ont pris conscience de cette réalité commerciale que tardivement.

Comment l’avocat peut-il aujourd’hui être au service du client ?

A défaut de disposer d’un service juridique en interne, les PME doivent pouvoir disposer du même service juridique qu’un grand groupe mais sans les contraintes pesante du salariat.

L’externalisation des tâches juridiques est une solution intéressante car elle offre une grande sécurité aux entreprises tout en leur permettant de gagner du temps.

Mais cette externalisation, pour être efficiente, implique 3 choses :
- une simplicité de fonctionnement avec l’avocat (SMS, mail sans trop de formalisme, prise de rendez-vous simple et rapide, horaire adapté, réactivité) pour être un véritable partenaire et un interlocuteur privilégié ;
- un tarif adapté aux besoins et aux contraintes budgétaires du client. Si le recours à l’avocat s’avère plus cher que l’embauche d’un juriste quel intérêt peut-il y avoir ?
- que l’avocat n’hésite pas à se saisir de tous les besoins du client même des tâches juridiques considérées à faible degré d’expertise, car ce sont souvent celles qui sont le plus chronophages pour le client.

L’externalisation devrait également être adoptée par les grands groupes, certains l’ont compris. Les services juridiques en interne doivent pouvoir se consacrer à des missions à plus forte valeur ajoutée et stratégiques pour l’entreprise pour prendre ou reprendre une place de business partner.

Cette externalisation prend d’autant plus de sens avec la transformation numérique de l’économie et des entreprises. Même si elle est dans tous les esprits, elle peine à se traduire dans les faits.

Les Grandes Entreprises sont mieux loties financièrement pour entrer dans le numérique mais elles n’ont absolument pas compris l’enjeux pour leurs salariés.

Les organisations sont encore pensées selon des schémas classiques alors que l’intrapreneuriat doit être mis en avant, l’automatisation des tâches RH adoptée, l’externalisation de certaines missions RH amorcée pour permettre aux collaborateurs d’intervenir sur des sujets valorisants. L’innovation et l’anticipation sont fondamentales pour transformer des centres de coûts en centre de profits.

Les PME et ETI ont elles aussi amorcé le virage du numérique mais elles n’ont pas toutes les ressources pour s’y consacrer et traiter efficacement tous les aspects de cette révolution et pourtant c’est une question de compétitivité voire de survie pour certaines.

L’externalisation des missions RH au rang desquelles se trouvent les tâches juridiques doit donc être sérieusement pensée. C’est une solution simple, efficace, accessible quelle que soit la structure et à un coût mesuré.

Sylvie Combier Avocat au barreau de Lyon