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Le droit à l’erreur : vers une révolution culturelle des administrations ? Par Anaïs Leclercq, Avocat.
Parution : vendredi 25 août 2017
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Emmanuel Macron a promis de s’en occuper de façon prioritaire : le droit à l’erreur dans les démarches administratives devrait faire son apparition d’ici cet été, participant ainsi à une « révolution culturelle » des administrations.

Face à l’insécurité juridique des cotisants résultant de la complexification et de l’instabilité de la norme en matière de cotisation sociale (Propos repris du Rapport parlementaire remis le 13 mai 2015 - « Pour un nouveau mode de relations Urssaf/entreprises »), le droit à l’erreur pour tous dans les démarches administratives permettrait de ne pas être sanctionné systématiquement en cas de méprise.
Cette proposition s’inscrit dans une logique apparente d’amélioration des relations entre l’administration et les entreprises, et plus particulièrement les Urssaf.

2016 a été riche en parution de textes à ce propos : la mise en place de la médiation à titre d’expérimentation en Ile-de-France (depuis le 6 janvier 2016 – Informations sur le site de l’Urssaf), la possibilité de conclure, avec le directeur de l’Urssaf une transaction à l’issue d’un redressement (décret n° 2016-154 du 15 février 2016 fixant la procédure de transaction en matière de recouvrement de cotisations et contributions de sécurité social), et enfin l’apparition du décret du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants (décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants) par lequel l’opération de contrôle est rendue plus transparente.
La volonté actuelle est d’inscrire véritablement le droit à l’erreur dans les pratiques des administrations, et notamment de l’Urssaf, premier organisme de recouvrement en France.

Dans la continuité de la dernière Convention d’objectifs et de gestion (Cog) qui pose le principe de l’amélioration de la relation cotisant et la qualité des services Urssaf (COG 2014-2017), le lexique des lettres d’observations a vocation à évoluer afin de ne plus stigmatiser les entreprises victimes des changements incessants de la réglementation et des lois de Financement de la Sécurité Sociale. L’erreur est fortement distinguée de la fraude, une action de mauvaise foi au préjudice de quelqu’un. Ainsi, un véritable accompagnement et une volonté de transparence sont attendus de la part de l’Urssaf et non dans le but de simplement rendre acceptable un redressement qui ne l’est pas.

Parmi tant d’autres composantes du droit à l’erreur, demeure la question de son périmètre. Une limite semble inéluctable, celle du travail dissimulé, et plus généralement tout manquement à la loi appartenant au domaine du droit pénal. L’autre limite qui existera sans nul doute est celle de la récidive, déjà applicable par l’Urssaf. Le droit à l’erreur ne se rencontrera que pour les situations de première fois. La notion de décision implicite (dernier alinéa de l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale issu du décret n° 99-434 du 28 mai 1999), selon laquelle l’absence d’observation lors d’un précédent contrôle fait obstacle à un redressement concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification jusqu’à notification d’une nouvelle décision, y fait d’ailleurs écho. Ne reste plus qu’à espérer que les conditions durcies ces dernières années par la jurisprudence pour s’en prévaloir, soient clarifiées et simplifiées afin qu’elle ne soit plus seulement une vague espérance pour les cotisants.

Un droit à l’erreur est un premier pas vers une démarche de dialogue et d’accompagnement par l’Urssaf mais ne sera pas suffisant en cas de non compréhension des règles sociales par les entreprises et en cas de difficulté dans leur mise en application. C’est pourquoi une règlementation de la profession de conseil social aux cotisants pourrait être envisagée afin de leur permettre d’être accompagnés par une profession certifiée. De plus cette démarche d’accompagnement démontrerait la bonne foi des cotisants dans l’accomplissement des règles sociales.

Anaïs Leclercq Avocat au Barreau de LILLE, SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, membre de FIABILIS G.E.I.E.