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Saisie-attribution effectuée en exécution d’un jugement : le JEX ne peut ordonner la mise sous séquestre de sommes dès lors que plus aucune voie d’exécution n’est en cours. Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.
Parution : jeudi 24 août 2017
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Par jugement du 3 février 2017 rendu par le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris, Monsieur X, Directeur des Productions, a obtenu la condamnation de la société BO TRAVAIL ! à lui payer la somme totale de 120.379 euros, notamment à titre de travail dissimulé et de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par acte d’huissier du 19 avril 2017, Monsieur X a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société BO TRAVAIL !.

Le 23 mai 2017, BO TRAVAIL ! a assigné Monsieur X devant le Juge de l’exécution de Paris, notamment pour voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution.
Par jugement du 7 août 2017, le Juge de l’exécution de Paris a rejeté l’ensemble des demandes de BO TRAVAIL ! et l’a condamné à payer à Monsieur X la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société a interjeté appel du jugement.

I) Sur le rejet des demandes de nullité et de mainlevée de la saisie attribution formulées par BO TRAVAIL !

1) L’existence d’un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus

Au visa des articles L.211-1 et R.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge de l‘exécution rappelle que « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent ».

En outre, l’acte de saisie doit contenir, à peine de nullité, « le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ».

Par ailleurs, dans son jugement du 7 août 2017, le Juge de l’exécution rappelle que l’erreur dans le montant de la créance n’affecte pas la validité de la saisie pratiquée, puisqu’elle n’est pas une cause de nullité prévue par la loi.

En l’espèce, le Juge de l’exécution a constaté que le décompte mentionné dans la saisie attribution distinguait les sommes réclamées en principal, intérêts et frais.

En outre, le Juge de l’exécution a précisé qu’il disposait d’une compétence concurrente du juge du fond pour interpréter le titre exécutoire, sur le fondement de l’article 461 du Code de procédure civile, « dès lors que l’exécution forcée en dépend et qu’il n’y a pas modification du titre ».

2) La référence à l’article 1153 ancien du Code civil dans le jugement du Conseil de prud’hommes ne fait pas obstacle à l’application des nouvelles dispositions relatives aux intérêts légaux (articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil)

Le Juge de l’exécution a précisé que les intérêts se fondaient sur les articles 1153 et 1153-1 du Code civil, dispositions qui n’étaient plus applicables suite à la réforme du 10 février 2016.

Cependant, le Juge de l’exécution retient que ces articles « n’ont pas été modifiés dans leur substance à compter du 1er octobre 2016, date à laquelle ils sont devenus les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, applicables à l’espèce ».

Dès lors, le Juge de l’exécution a retenu que cela s’analysait en une irrégularité de forme, aucun grief ne pouvant être invoqué « puisque le créancier n’est pas censé ignorer la loi, notamment la table de concordance entre les anciens et les nouveaux textes, qui est publiée ».

Ainsi, peu important que le Conseil de prud’hommes ait visé l’article 1153 du Code civil dès lors que les dispositions relatives aux intérêts légaux restent, en substance, les mêmes.

En outre, le Juge de l’exécution se fonde sur l’article 114 du Code de procédure civile pour considérer que cette irrégularité de forme ne crée aucun grief de nature à prononcer la nullité de l’acte.

Ainsi, le Juge de l’exécution a confirmé le montant des intérêts établis par l’huissier de justice dans le cadre de la saisie attribution du 19 avril 2017.

II) Sur le rejet de la demande de séquestre formulée par BO TRAVAIL !

Dans son jugement du 7 août 2017, le Juge de l’exécution rejette la demande de séquestre formulée par BO TRAVAIL ! au regard de trois éléments.

Tout d’abord, ordonner la mise sous séquestre des sommes reviendrait à suspendre le titre exécutoire, ce qui est contraire à l’article R.121-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

En effet, l’article R.121-1 dispose que le juge de l’exécution ne peut suspendre l’exécution de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

Or, en séquestrant les sommes, l’exécution du jugement du Conseil de prud’hommes serait effectivement suspendue à l’égard de Monsieur X.

Ensuite, le Juge de l’exécution relève que la séquestration des sommes aurait pour conséquence de revenir sur l’effet attributif immédiat résultant de l’article L.211-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

Dès lors que la saisie-attribution est confirmée par le Juge de l’exécution, la somme saisie doit être immédiatement attribuée au saisissant de la créance saisie.

Les sommes saisies rentrent donc dans le patrimoine du saisissant de telle sorte qu’elles ne peuvent plus être séquestrées.

Enfin, le Juge de l’exécution rejette la demande de séquestre formulée par BO TRAVAIL ! en précisant qu’à compter du moment où la saisie produit ses effets, plus aucune voie d’exécution ne serait en cours, de telle sorte que le Juge de l’exécution serait dessaisit.

III) Sur le rejet de la demande subsidiaire de prescription d’une garantie formulée par BO TRAVAIL !

Aux termes de l’article R.211-12 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge de l’exécution peut ordonner, à titre provisionnel, le paiement d’une somme qu’il détermine, en prescrivant, le cas échéant, des garanties, dès lors que ni le montant de la créance du saisissant, ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables.

De plus, aux termes de l’article R.121-1 du même Code, le Juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.

En l’espèce, le Juge de l’exécution a considéré que la demande de garantie de BO TRAVAIL ! reviendrait à suspendre l’exécution du titre, en méconnaissance de l’article R.121-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Par conséquent, le Juge de l’exécution a débouté BO TRAVAIL ! de l’ensemble de ses demandes.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum
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