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Savez-vous valoriser votre activité d’avocat et votre cabinet ?
Parution : mardi 19 septembre 2017
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Que ce soit au moment d’une cession ou d’un rachat, d’un rapprochement ou d’une simple cession de parts, la notion de valorisation et les méthodes ont bien changé en 10 ans de professionnalisation des cabinets, avec des considérations entrepreneuriales et des logiques de marché (même si un cabinet a une structure capitalistique particulière).
Caroline Neveux, l’auteur [1], nous en dit plus.

"Nous vivons une époque de profondes mutations du marché du droit, qui se libéralise, avec des acteurs de plus en plus nombreux et exerçant dans des professions diverses (avocats, notaires, experts comptables). Ces professionnels sont appelés à développer leurs activités dans un cadre qui devient interprofessionnel. La révolution numérique et digitale est l’un des facteurs clés de cette mutation, les pratiques se diversifient grâce à l’innovation, à l’intelligence artificielle et aux « Legal Startup ».

Dans ce contexte, et plus que jamais, une question vient vite à l’esprit de ceux qui souhaitent développer ou transmettre leur activité : mon entreprise libérale, exercée à titre individuel ou dans une structure d’exercice, vaut-t-elle quelque chose ? Et si oui combien ?"

Ce préambule du Juribook "Avocats : Valoriser, céder, acquérir son activité" place le débat, particulièrement actuel, si l’on songe que certains avocats ont clairement annoncé qu’ils envisageaient de sortir de la crise du Coronavirus en quittant la profession, par exemple par la retraite (Lire à ce sujet : "[Mise à jour] Les avocats toujours dans la tourmente, chiffres à l’appui.").

Mais au fait, le flux de cessions de cabinets est-il important, en regard des créations ?

"C’est un marché important, dont nul n’a la donnée précise de volume" indique Caroline Neveux. "Mais nos informations [2], basées sur les opérations que Jurimanagement gère et celles communiquées par les organismes financiers, montrent que le volume est important, notamment si l’on ajoute le volet rapprochements/cessions de parts, qui est fréquent en particulier au départ ou à l’arrivée d’associés.

"N’oublions pas qu’il est compliqué de créer ex nihilo un cabinet. [...] Capter des clients en même temps que produire les dossiers est difficile. "

N’oublions pas qu’il est compliqué de créer ex nihilo un cabinet, contrairement à ce que l’on peut penser : capter des clients en même temps que produire les dossiers est difficile. Etre chef d’orchestre (entrepreneur) et avocat (juriste) devient vite complexe pour des petites structures dans un marché très concurrentiel. D’où l’idée de racheter une clientèle, envisagé comme un gain de temps et d’efficacité."

Le sujet croissant de l’interprofessionnalité a-t-il modifié la donne ?

"Ça ne modifie pas encore la valeur d’une structure, mais à terme oui... car il y aura plus de contenus dans une société interprofessionnelle, comme des produits nouveaux à valoriser.
Par contre en termes de rapprochement ou de cession, on constate en effet et déjà que des experts comptables ont racheté des cabinets d’avocats, et que des avocats s’intéressent aux legal startup. C’est donc en train d’évoluer, vraiment."

Justement, à l’heure des bouleversements dans la profession d‘avocats, de la Legaltech, des startup et des incertitudes sur les marchés du droit, un cabinet est-il valorisé différemment aujourd’hui ?

"Le plus important de la valorisation de l’activité d’avocat concerne aujourd’hui encore le cabinet traditionnel, même si ça évolue. Les gens qui créent sont surtout dans une période d’incubation, et peu encore préoccupés par une valorisation réelle.

Pour un cabinet existant, sa valeur future dépendra également de sa capacité à envisager la mutation. Une société qui se crée mettra du temps à capter de la valeur, alors qu’un cabinet existant a déjà une clientèle récurrente et une organisation en place. Il s’agit donc pour beaucoup de compléter et transformer le business pour s’orienter vers le futur... Le cabinet vaudra-t-il quelque chose ? C’est également le sujet aujourd’hui, celui de la projection vers le futur."

A quel moment un cabinet adopte-t-il une démarche patrimoniale ?

"La logique patrimoniale est souvent celle de la phase de maturité ; elle ne née qu’au bout de quelques années, donc ce n’est pas dans la mentalité des avocats créateurs ou startup, qui sont plutôt dans des logiques de pionniers. Les mouvements d’associés sont aussi le déclencheur d’une prise de conscience bien sûr."

Qu’est-ce qui a changé ces dix dernières années ?

"La méthode de valorisation s’est déplacée d’un multiple du chiffre d’affaires vers une méthode d’appréciation de l’actif et de la rentabilité récurrente. "

"Le périmètre n’a pas changé, par contre les méthodes de valorisation ont bien évolué !
Les considérations et outils à disposition des cabinets ont changé (marketing, communication, développement des modes d’exercice, gestion des ressources humaines…). Les cabinets se sont majoritairement professionnalisés, avec la mise en place de process sur les façons de vendre et de produire. Les SEL se sont développés avec des modes comptables différents de celui des BNC. La méthode de valorisation s’est donc déplacée d’un multiple du chiffre d’affaires vers une méthode d’appréciation de l’actif et de la rentabilité récurrente.
En outre, on tente de projeter le résultat dans le futur pour envisager les possibilités de capitalisation, et partant, d’emprunt.

De fait il n’est quasi plus possible de vendre directement de gré à gré sans culture de la valorisation ; l’évaluation et l’atteinte d’un accord entre parties sont devenues complexes, d’où notre proposition de livre à ce sujet !

Le projet stratégique est désormais au centre des transactions, et demande des connaissances incontournables. Il était nécessaire de mieux préparer les acteurs susceptibles de recourir à ces méthodologies pour limiter les échecs. La valorisation constitue en effet trop souvent un frein à la mutation qu’il devient nécessaire de fluidifier..."

"Avocats : Valoriser, céder, acquérir son activité" Septembre 2017
Juribook n°3 édité par Jurimanagement.
L’ouvrage propose des méthodes de valorisation, des cas pratiques, un focus sur le rôle de l’évaluateur, et des conseils tant aux cédants qu’aux acquéreurs.
En savoir plus : http://www.jurimanagement.com/site/portfolio/juribook/

Rédaction du village

[1 Jurimanagement est un cabinet de conseil dédié aux professionnels du droit, créé en 2003 et dirigé par Michel Lehrer. Jurimanagement conseille ou a conseillé activement plus de 350 cabinets d’avocats en France et en Europe.
Caroline Neveux est auteur et consultant pour les avocats depuis 15 ans. Au préalable, elle a été directeur financier et directeur général adjoint au sein d’entreprises de grande taille et a débuté sa carrière en conseil chez Ernst & Young. Elle est diplômée de Sciences-Po Paris, Eco-Fi, de Dauphine et a effectué un master de Finances.

[2Lire page 22 du Juribook.