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Accord d’entreprise et interdiction d’envoi de courriels groupés, par les organisations syndicales, à tous les salariés. Par Mathieu Lajoinie, Avocat.
Parution : lundi 4 septembre 2017
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Par un arrêt publié le 12 juillet 2017, les hauts magistrats se sont prononcés sur l’accès des syndicats à la messagerie électronique des salariés et sont venus préciser qu’un accord d’entreprise peut limiter voire interdire l’utilisation par les organisations syndicales de la messagerie électronique, en cas d’envoi de mails groupés, à l’ensemble des salarié de la société.

Régime juridique applicable

Jusqu’à la loi Travail du 8 août 2016, et conformément à l’article L.2142-6 du Code du travail, la mise à disposition d’une messagerie syndicale sur l’intranet de l’entreprise et les conditions de diffusion d’informations syndicales étaient obligatoirement soumise à la conclusion d’un accord d‘entreprise.

L’article 58 de la loi Travail du 8 août 2016 est venu modifier les modalités de diffusion des tracts syndicaux via les outils numériques de l’entreprise, en rendant la conclusion d’un accord d’entreprise possible mais plus obligatoire sur ce thème. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017 :
- un accord d’entreprise peut définir les conditions et modalités de diffusion des tracts syndicaux au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise ;
- à défaut d’accord d’entreprise, les organisations syndicales présentes au sein de la société et répondant aux critères légaux peuvent mettre à disposition des salariés de la société, des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise.

Conformément à l’article L.2142-6 du Code du travail, l’utilisation par les organisations syndicales, des outils numériques mis à leur disposition doit satisfaire l’ensemble des conditions suivantes :
- être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;
- ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise ;
- préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.

Position de la Cour de cassation

Par un arrêt rendu en date du 12 juillet 2017, la Chambre sociale s’est prononcée sur le fait qu’un accord collectif peut prévoir de limiter voir interdire la diffusion d’informations syndicales sur la messagerie électronique interne des salariés de la société.

Dans cette affaire, un accord d’entreprise avait été conclu concernant l’utilisation de la messagerie syndicale interne.

Plus précisément, cet accord relatif au dialogue social avait prévu d’ouvrir la messagerie interne de la société aux organisations syndicales, sans toutefois que cette messagerie constitue pour eux un outil de communication à l’égard des salariés de la Société. Ainsi, cet accord autorisait que les organisations syndicales apportent des réponses aux questions individuelles posées par les salariés via la messagerie électronique du syndicat mais interdisait notamment l’envoi de messages groupés au salariés de la société.

Malgré les dispositions de l’accord d’entreprise, un délégué syndical avait envoyé 3 mails groupés à l’ensemble des salariés de la société. La société a alors considéré que ces courriels avaient été envoyés en violation de l’accord conclu relatif au dialogue social, le délégué syndical encourageant dans ses mails les salariés à engager des contentieux relatifs à des primes dont certains salariés auraient dû avoir droit.

L’employeur a ainsi informé le délégué syndical de la fermeture de sa messagerie pour une durée de 30 jours, estimant qu’il n’avait pas respecté les règles fixées par l’accord relatif au dialogue social, ces communications relevant pour l’employeur de la qualification de tracts syndicaux dont la diffusion par la messagerie syndicale était interdite.

Le délégué syndical et son syndicat ont alors assigné l’employeur pour obtenir la suspension de cette sanction, ces courriels groupés ayant été envoyés en réponse à des questions individuelles de salariés.

Pour la Cour de cassation, peu importe que les courriels aient été envoyés en réponse à des demandes des salariés. En effet, selon les hauts magistrats, dès lors qu’ils sont été envoyés à tous les salariés de l’entreprise, l’envoi de courriels groupés s’est manifestement fait en violation de l’accord d’entreprise. Pour la Cour, la sanction prononcée par l’employeur était donc justifiée (Cass. soc., 12 juill. 2017, n° 15-27.742).

Mathieu Lajoinie Avocat au barreau de Paris www.avocat-lajoinie.fr contact@avocat-lajoinie.fr