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Ordonnances Macron : ce qui change pour les salariés avec le plafonnement des indemnités de licenciement prud’homales. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : mardi 5 septembre 2017
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Le 31 août 2017, les 5 ordonnances Travail ont été dévoilées par le Premier Ministre et la ministre du Travail. Le contenu des ordonnances Macron était aussi bien gardé que le code nucléaire.
Elles sont consultables sur le site internet du ministère du Travail [1].

Une des 5 ordonnances est consacrée « à la prévisibilité [le mot est inédit dans le code du travail] et la sécurisation des relations de travail » et prévoit notamment les nouvelles dispositions concernant l’indemnisation du licenciement sans cause en cas de prud’hommes.

Les ordonnances doivent être transmises pour avis au Conseil d’État et pour consultation au Conseil supérieur de la prud’homie, au Conseil national de l’emploi, au Conseil d’orientation des conditions de travail ainsi qu’au Comité national de la négociation collective.
Les 5 ordonnances seront ensuite présentées en Conseil des Ministres le 22 septembre 2017, puis publiées au journal officiel. Une loi de ratification les mettra en œuvre.

Par ailleurs, un recours a été formé devant le Conseil constitutionnel contre la loi d’habilitation des ordonnances. Ce dernier devrait rendre sa décision au cours de la semaine du 4 septembre 2017.

Le plafonnement des indemnités prud’hommes pour licenciement sans cause ne s’appliquera qu’aux licenciements notifiés après la publication de l’ordonnance soit notifiés au plus tôt le 23 septembre 2017 (ordonnance, art. 43).

De même, les procédures prud’homales en cours et celles initiées avant la publication de l’ordonnance, soit avant le 23 septembre 2017, sont soumises à la loi actuelle et l’ordonnance Macron ne leur est donc pas applicable (ordonnance, art. 43).

Le présent article synthétise les principales mesures contenues dans l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

1) Réparation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

1.1) Entreprises d’au moins 11 salariés : l’indemnité pour licenciement sans cause est fixée entre 3 et 20 mois de salaires bruts, selon l’ancienneté du salarié

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixé, suivant l’ancienneté du salarié, entre 3 et 20 mois de salaire brut.

Le tableau ci-dessous détaille selon l’ancienneté, le montant minimum et le montant maximum de l’indemnité, que le juge octroie au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Ancienneté du
salarié dans
l’entreprise (en années complètes)
Indemnité minimale (en mois de salaire brut) Indemnité maximale (en mois de salaire brut)
0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et au-delà 3 20

1.1.1) Détermination du montant de l’indemnité

« Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture » (ord. , art.2).

1.1.2) Cumul de l’indemnité pour licenciement sans cause avec d’autres indemnités

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L.1235-12 (non-respect de la consultation des IRP ou d’information de l’autorité administrative en cas de licenciement économique), L. 1235-13 (non-respect de la priorité de réembauche) et L. 1235-15 (absence de PV de carence pour les DP ou le CE), dans la limite des montants maximaux prévus à l’article L. 1235-3 du code du travail (ord. , art.2).

1.2) Entreprises de moins de 11 salariés : l’indemnité pour licenciement sans cause est fixée entre 0,5 et 20 mois de salaires bruts, selon l’ancienneté du salarié

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixé, suivant l’ancienneté du salarié, entre 0,5 et 20 mois de salaire brut.

Le tableau ci-dessous détaille selon l’ancienneté, le montant minimum et le montant maximum de l’indemnité, que le juge octroie au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Ancienneté du
salarié dans
l’entreprise (en années
complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire
brut)
Indemnité
maximale
(en mois de salaire
brut)
0 Sans objet 1
1 0,5 2
2 0,5 2
3 1 4
4 1 5
5 1,5 6
6 1,5 7
7 2 8
8 2 8
9 2,5 9
10 2,5 10

Au-delà de 10 ans d’ancienneté, il faut se reporter au tableau figurant au paragraphe 1.1. ci-dessus pour les montants minima et maxima d’indemnités

1.3) Exclusion du « barème plafonné » en cas de licenciement nul en application d’une disposition législative en vigueur ou intervenu en violation d’une liberté fondamentale

Le « barème plafonné » figurant aux paragraphes 1.1 et 1.2 ci-dessus n’est pas applicable « lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale » (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Le juge n’est alors tenu par aucun plafond d’indemnité.

Selon l’ordonnance, le « barème plafonné » ne sera pas applicable dans les cas suivants :
- Nullité d’un licenciement du fait de la violation d’une liberté fondamentale ;
- Nullité d’un licenciement consécutif à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
- Nullité d’un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues à l’article L. 1134-4 ;
- Nullité d’un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 ;
- Nullité d’un licenciement consécutif en matière de dénonciation de crimes et délits dans les conditions prévues à l’article L. 1232-3-3, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre premier du titre premier du livre IV de la deuxième partie, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L 1225-71 et L 1226-13 (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

« L’indemnité pour licenciement sans cause, est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle » (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

1.4) Le « barème » s’applique en cas de résiliation judiciaire ou en cas de saisine directe du bureau de jugement

Le « barème » ci-dessus s’applique en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par le juge judiciaire aux torts de l’employeur ou en cas de prise d’acte de rupture ou de requalification de CDD en CDI (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail).

1.5) Rappel : le dispositif actuel (applicable avant le 23 septembre 2017) en cas de licenciement abusif/sans cause

Le dispositif actuel a été instauré par une loi du 29 septembre 1974.

Il distingue les dommages-intérêts pour licenciement abusif (appelés « DIRA ») (1) et les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (2) selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise.

1.5.1) Des dommages-intérêts pour licenciement abusif déterminés en fonction du préjudice subi (salarié de moins de 2 ans d’ancienneté et/ou dans entreprise qui emploie moins de 11 salariés)

Le salarié qui justifie d’une ancienneté inférieure à 2 ans et/ou est employé par une entreprise qui occupe habituellement moins de 11 salariés peut prétendre, s’il est victime d’un licenciement abusif, au versement de dommages-intérêts correspondant au préjudice qu’il a subi (article L.1235-5 du Code du travail).

Le montant des dommages-intérêts est donc déterminé en fonction des éléments que le salarié apporte pour démontrer l’importance du préjudice lié à la perte de son emploi (retour difficile à l’emploi, charges de famille etc.) et varie donc fortement d’un cas d’espèce à l’autre.

1.5.2) Une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à six mois de salaire minimum (salariés de 2 ans d’ancienneté au moins dans une entreprise de plus de 10 salariés)

Le salarié dont l’ancienneté est au moins égale à 2 ans et qui travaille au sein d’une entreprise employant plus de 10 salariés peut, quant à lui, prétendre, au versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum égale aux 6 derniers mois de salaire qu’il a perçus (article L.1235-3 du Code du travail).

Là encore, le Code du travail laisse une large marge d’appréciation aux juges quant à la détermination du montant de cette indemnité puisqu’il se contente de fixer un minimum en deçà duquel ils ne pourront pas descendre.

En pratique, les magistrats accordent des indemnités très variables selon la situation particulière de chaque salarié.

2) Dispositions diverses de l’ordonnance concernant la réparation du licenciement sans cause

2.1) Modèle de lettre de licenciement

C’est une nouveauté de l’ordonnance Macron. L’employeur peut utiliser un modèle de lettre de licenciement qui sera déterminé par décret en Conseil d’État (article L. 1232-6 nouveau du code du travail). C’est une faculté mais pas une obligation.

Ce modèle fixera les droits et obligations de chaque partie. Il s’agira probablement d’un formulaire CERFA de lettre de licenciement.

2.2) L’employeur pourra préciser ou compléter la lettre de licenciement

2.2.1) La lettre de licenciement pourra être précisée ou complétée à la demande de l’employeur ou du salarié

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés ou complétés, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État (Art. L. 1235-2 nouveau du Code du travail).

La lettre de licenciement, complétée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

2.2.2) Une insuffisance de motivation ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse

A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire (ord. Art. 4 III).

En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 (ord. Art. 4 III).

2.2.3) Irrégularités de forme : réparation par une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire

Lorsqu’une irrégularité de forme a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

2.2.4) Pluralité de motifs de licenciements

En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté ou un droit fondamental, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation [qu’il fait] de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L.1235-3-1 (Art. L. 1235-2-1 nouveau du code du travail).

2.3) Augmentation de l’indemnité légale de licenciement

L’indemnité légale de licenciement passe de 20% par année d’ancienneté à 25% (Décret à paraitre avec la publication de l’ordonnance).

Il faut savoir que beaucoup de conventions collectives prévoient déjà un montant d’indemnité conventionnelle de licenciement supérieur à l’indemnité légale (ex : la convention Syntec et la convention collective de la publicité prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement d’au moins 1/3 de mois de salaire brut par année d’ancienneté).

Par ailleurs, un salarié est éligible à l’indemnité de licenciement à compter de 8 mois (contre 1 an auparavant) d’ancienneté (ord. ; article 42).

2.4) Licenciement nul suite à l’absence de validation ou d’homologation de PSE (article L. 1235-11 modifié du code du travail)

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (auparavant 12 derniers mois).

2.5) Non-respect de priorité de rembauche (article L. 1235-13 modifié du Code du travail)

En cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l’article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (auparavant 2 mois).

3) Autres dispositions sur le droit du licenciement

3.1) Définition du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (Ord. ; art. 18).

Jusqu’à présent, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’appréciaient au sein du groupe international (Cass. soc, 5 avril 1995, no 93-43.866).

Ceci va probablement « faciliter » les licenciements économiques dans les groupes internationaux.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (Art. L. 1233-3 nouveau du Code du travail).

3.2) Non-transmission de CDD ou de contrat de mission d’intérim dans le délai de 2 jours

C’est un changement de paradigme.

La méconnaissance de l’obligation de transmission dans le délai de 2 jours ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée.

Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (Art. L. 1245-1 nouveau du Code du travail).

Cette règle s’applique aux entreprises de travail temporaires, pour les contrats de mission (Art. L. 1251-40 nouveau du Code du travail).

4) Délai de recours, date d’entrée en vigueur des ordonnances Macron et procédures prud’homale en cours

4.1) Délai de recours de 12 mois en cas de rupture du contrat de travail

Le salarié disposera de 12 mois pour contester son licenciement devant le Conseil de prud’hommes (Art. L. 1471-1 nouveau du code du travail). Le délai de contestation du licenciement était jusqu’à présent de 2 ans pour contester son licenciement.

Ce délai court à compter de la notification de la rupture (Art. L. 1471-1 nouveau du Code du travail).

4.2) A partir de quand s’applique l’ordonnance Macron ?

Les dispositions sur le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à la publication de l’ordonnance (l’ordonnance doit être publiée à partir du 22 septembre 2017) (ord. , art. 43).

Les dispositions prévues aux articles 5 et 6 sur la prescription de 12 mois s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de l’ordonnance (ord. art. 43).

4.3) Procédures prud’homales initiées avant la publication de l’ordonnance (publication au JO à compter du 23 septembre 2017)

Lorsqu’une instance prud’homale a été introduite avant la promulgation de l’ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation (ord., art. 43).

Cela signifie que les procédures prud’homales introduites avant la publication de l’ordonnance, sont soumises à la loi ancienne.

Ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, voir document ci-après.

Ordonnance : prévisibilité et sécurisation des relations de travail.
Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Voir document en fin d’article.