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Fermeture de la cellule de régularisation : que faire avant le 31 décembre 2017 ? Par Georges-David Benayoun, Avocat.
Parution : mardi 19 septembre 2017
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Dans une interview donnée au journal Libération la semaine dernière, le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé la fermeture de la cellule de régularisation (appelée Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), le 31 décembre prochain.
En quatre an et demi, cette cellule a reçu plus de 50.000 demandes, pour plus de 32 milliards d’euros et recouvrés plus de 7,8 milliards d’euros.
Le temps est donc compté pour les contribuables possédant un compte à l’étranger (en Suisse, au Luxembourg ou en Israël) non déclaré et qui, à moindre coût, désirent se mettre en conformité avec les règles fiscales.
Néanmoins, cette fermeture qui n’est pas une surprise était attendue depuis un certain temps.

Du côté de l’administration fiscale.

En effet, les mécanismes d’échanges automatiques d’informations bancaires se mettent progressivement en place et la France devrait commencer à obtenir des informations indépendamment des simples déclarations spontanées faites par les contribuables.

Rappelons qu’au 31 août dernier, l’OCDE avait recensé 85 états ayant donné leur accord d’intention à cet échange.

Celui-ci qui entre progressivement en application jusqu’en septembre 2018 se fait soit par le biais de l’Union européenne soit par le biais d’accords binationaux.

Les instructions administratives de juin 2017 ont permis de préciser les dernières modalités pratiques des échanges et notamment les obligations de diligences à la charge des institutions financières internationales.

Le ministre considère donc que le temps est venu de fermer la cellule de régularisation et son régime fiscal privilégié.

Du côté des détenteurs de comptes non-décalrés.

Depuis l’ouverture de la cellule de régularisation en 2013, le coût des régularisations a baissé au fur et à mesure que le Conseil Constitutionnel rendait des décisions.

La plus importante est la décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article 1736 IV-2 alinéa 2 du CGI.

Cet article prévoyait une amende proportionnelle à hauteur de 5 % du montant des avoirs étrangers non déclarés, à l’encontre des contribuables n’ayant pas déclaré leurs comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger sur lesquels le total des avoirs est égal ou supérieur à 50.000 euros.

Le Conseil Constitutionnel a considéré que l’amende pour absence de déclaration de compte fixée en pourcentage du solde du compte non déclaré constitue une sanction manifestement disproportionnée. Elle méconnait donc le principe de proportionnalité des peines, dans la mesure où cette sanction est encourue même lorsque les sommes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a abrogé ces dispositions et supprimé l’amende proportionnelle. Cette décision ne visait que le deuxième alinéa du paragraphe IV-2 de l’article 1736 du CGI. Il l’a également fait en 2017 lorsque les comptes bancaires sont détenus par l’intermédiaire de trusts ou fondations.

Le Conseil Constitutionnel a également statué sur les dispositions de l’article 123 bis du Code général des impôts. Il énonce que lorsqu’une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des titres dans une entité juridique établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les revenus de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des titres détenus.

Il est précisé que lorsque l’entité juridique est établie ou constituée dans un État n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif, le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur à un revenu forfaitaire, lequel est calculé en multipliant l’actif net de l’entité juridique par le taux d’intérêt fixé par l’article 39 1 3° du CGI.

Dans une décision du 1er mars 2017, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 123 bis du Code général des impôts était conforme à la Constitution, mais a émis une réserve importante concernant l’application de ce texte.

Le contribuable doit pouvoir être autorisé à apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l’intermédiaire de l’entité juridique est inférieur au revenu défini forfaitairement en application des dispositions de l’article 123 bis.

Pour faire face à cette diminution des rentrées financières, le Ministère avait modifié la circulaire Cazeneuve, en date du 14 septembre 2016. Bercy a alourdi les majorations pour manquement délibéré, lesquelles passent de 15% à 25% pour les fraudeurs « passifs » et de 30% à 35% pour les fraudeurs « actifs ».

Et la loi de finances pour 2017 a instauré une amende de 80% au titre de 2017 pour les comptes non déclarés.

On peut donc considérer aujourd’hui que le coût normal d’une régularisation d’un compte bancaire détenu en direct est de l’ordre de 15 à 20% du montant de celui-ci.

Concernant les comptes bancaires détenus par l’intermédiaire de fondations ou trust, le coût est compris entre 30 et 35% du compte bancaire.

Le coût final est surtout lié à la rentabilité du compte sur les dix dernières années dans la mesure ou l’imposition à l’impôt sur le revenu est très élevée et peut dépasser les 85 % pour les comptes importants.

L’autre sujet d’imposition important concerne les donations et successions intervenues au cours de la période non prescrites dont le coût s’ajoute à la régularisation de base décrite ci-dessus.

Le retour du pénal.

Mais le principal avantage de la régularisation était l’absence de poursuites pénales.
La fermeture de la cellule et l’échange automatique de données bancaires vont brutalement faire revenir le droit pénal au-devant de la scène.

Rappelons que si l’administration fiscale détecte une fraude fiscale, elle peut engager des poursuites pénales après avis de la commission des infractions fiscales. L’auteur encourt jusqu’à 500.000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement.

Ces peines peuvent être portées à 2.000.000 euros d’amende et 7 ans d’emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou grâce à l’ouverture de comptes ou à la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger, l’interposition de personnes ou d’organismes écran établis à l’étranger, l’usage d’une fausse identité ou de faux documents (ou toute autre falsification), une domiciliation ou un acte fictif ou artificiel à l’étranger.

Il est certain que l’administration fiscale utilisera cette arme dès 2018.

Les détenteurs de comptes bancaires à l’étranger non-déclarés, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une structure, et qui n’ont pas encore déposé de dossier de régularisation ont tout intérêt à le faire avant le 31 décembre prochain s’ils veulent bénéficier du régime « de faveur ».

Le coût de la régularisation « Cazeneuve » est aujourd’hui acceptable et beaucoup plus avantageux que celui qui est appliqué lors d’un contrôle fiscal ( 40% à 80% ).

Georges-David Benayoun Avocat [->gdb@cbavocats.com]