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Le droit d’auteur du designer. Par Dalila Madjid, Avocat.
Parution : lundi 25 septembre 2017
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"Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé". J.F Kennedy

Design est un mot anglais, qui signifie "dessin, plan, esquisse", il est défini comme : "l’ esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et adaptées à leur fonction". Petit Robert.

Le design est protégé par le droit spécifique des dessins et modèles mais également, sous réserve d’être original, par le droit d’auteur.

Protéger son design : dépôt auprès de l’INPI des dessins ou modèles.

Les dessins et modèles sont clairement définis dans l’Union Européenne, comme : "l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation". Article 3 du Règlement sur les dessins ou modèles communautaire.

L’article L. 511-1 du Code de la propriété intellectuelle définit également les dessins et modèles comme :
"Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l’exclusion toutefois des programmes d’ordinateur".

Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre (Art. L.511-2 du CPI).

En effet, d’une part, le dessin ou modèle doit être nouveau, au sens des dispositions de l’article L.511-3 du CPI :
"Un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants".

Et d’autre part, le dessin ou modèle doit présenter un caractère propre. Comme le prévoit l’article L.511-4 du CPI :
"Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle".

La durée de la protection est de 5 ans à compter de la date de dépôt, renouvelable pour une durée maximale de 25 ans.

Ce dépôt confère au titulaire une date certaine de création et une présomption de propriété sur le dessin ou modèle.

Protéger son design : par le droit d’auteur.

L’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : "les dispositions du présent code protègent les droits d’auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination".

Ainsi, le designer, définit comme un créateur, un dessinateur, ou même un styliste, est considéré comme auteur qui crée des œuvres uniques ou industrialisées. Les œuvres d’art appliqué et d’architecture entrent dans le champ des droits d’auteur, si celles-ci sont originales, à savoir qu’elles portent la marque de la personnalité du créateur.

Le designer peut ainsi protéger son œuvre originale par le droit d’auteur.

Le créateur, titulaire du droit d’auteur peut être une personne physique ou bien une personne morale, notamment le cas d’une œuvre collective, à savoir, lorsqu’une œuvre est créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie, la commercialise ou la divulgue sous son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs ne peut être clairement identifiée. L’oeuvre collective sera la propriété de la personne physique ou morale qui la divulgue.

L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que : "l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous".

En somme, il est dans l’intérêt du designer, quel que soit son statut (indépendant ou salarié), de soigner la rédaction du contrat de cession, de commande ou bien même de licence, lorsqu’il porte sur ses droits d’auteur.

Le cas particulier du designer salarié.

L’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle dit patrimoniaux, dont la transmission est subordonnée à la condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soient délimités. (Art. L.111-1 du CPI).

L’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle énonce que :
"La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

(...)

Le bénéficiaire de la cession s’engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l’auteur, en cas d’adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues".

Autrement dit, l’employeur ne peut acquérir les droits d’auteur que par cession expressément indiqué dans le contrat de travail. Et chacun des droits cédés (droit de représentation, de reproduction) devra faire l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession, tel que l’exige l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour de cassation, en combinant les dispositions des articles L. 111-1 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, a toujours posé le principe selon lequel l’existence d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit de la propriété intellectuelle de l’auteur. (Cass. soc. 12 avril 2005 n°03-21095)

Toutefois, "il est souvent admis que le contrat de travail consenti à un créateur salarié entraîne la cession des droits patrimoniaux d’auteur à son employeur, retenant que, ayant été payé par ses salaires pour la cession de son droit pécuniaire sur une œuvre qui n’était que l’exécution de son contrat de travail, l’auteur n’est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre".

Or, comme le soulève justement certains, "la prévision dans le contrat de travail d’une cession automatique au fur et à mesure de la réalisation des travaux du salarié devrait être exclue. Car, il n’est pas possible de définir les droits cédés et leur domaine d’exploitation. Et qu’une telle cession contreviendrait à l’interdiction de la cession globale des œuvres futures".

Et ainsi, certains proposent, judicieusement de prévoir un avenant au contrat de travail pour convenir des cessions des droits pour les œuvres originales commandées ou réalisées par le designer. Et que le salaire du designer ne devrait pas intégrer le droit d’auteur, mais que celui-ci devrait être payé sous forme de redevance.

 

Dalila Madjid Avocat au Barreau de Paris e-mail: [->dalila.madjid@avocat-dm.fr] blog : https://dalilamadjid.blog site : http://www.avocat-dm.fr/
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